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Vladimir Poutine : un tout petit président pour la Russie ?

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« C’est avec une grande part de certitude qu’on peut dire que l’auteur de ces mots est un grand russophobe et poutinophobe. Et cette phobie l’aveugle, ne lui permet pas d’évaluer objectivement la réalité, » a déclaré, vendredi 24 février, Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine. Quels mots ? Quel auteur ?

En « Une » de Time Magazine, pour son édition du 5 mars 2012 – l’hebdomadaire américain postdate ses numéros d’une semaine -, un titre en caractères majuscules noirs, « L’incroyable rétrécissement du premier ministre de Russie » – nous reviendrons sur la traduction -, et, dessous une relativement petite photo en pied d’un Vladimir Poutine avançant de sa démarche martiale caractéristique et vêtu de son habituel costume cintré… et suivi d’une ombre, la sienne, minuscule.

Sous le titre, un chapô en trois points : une prédiction – « Vladimir Poutine va remporter un troisième mandat » -, un point de vue – « Sa mainmise sur le pouvoir est plus fragile que jamais » – et, enfin, une interrogation – « Est-ce que cela rend le monde plus dangereux ? ».

La présidentielle : un tour ou deux tours de passe-passe

Même avec une semaine d’avance, annoncer la victoire finale de Vladimir Poutine apparait sans risque. A peine, subsiste-t-il un doute sur la nécessité, ou pas, d’un second tour. Après les semaines de manifestations qui ont suivi les élections législatives du 4 décembre dernier, un second tour – un peu comme celui auquel fut contraint le général de Gaulle en 1965 en France – pourrait, peut-être, éviter que les esprits ne s’enflamment davantage, trop vite, que vienne s’ajouter à la colère actuelle le sentiment que les élections n’ont pas seulement été un peu arrangées, mais beaucoup truquées… Avec une opposition si divisée, avec des candidats probablement fantoches, dont certains probablement « vendus » au Kremlin, tel le «libéral» Mikhaïl Prokhorov, un second tour serait sans doute sans danger, totalement verrouillé mais l’ego surdimensionné et les velléités de surpuissance du nouveau « petit père des Russes » s’en trouveraient sans doute contrariés.

La soviétisation rampante du régime

Sa mainmise sur le pouvoir est-elle vraiment plus fragile que jamais ? On a tendance à en douter. Malgré l’intérim Medvedev, Poutine et son parti « Russie Unie » n’ont cessé, au contraire, de renforcer leur emprise sur la société russe. Longtemps, le futur ex-ex-président a veillé, notamment pour soigner son image à l’étranger, à ne pas ouvertement bafouer les principes démocratiques. A sa place, de nombreux potentats auraient, avant la présidentielle de 2008, modifié la constitution afin de pouvoir s’accrocher à la présidence – comme Abdoulaye Wade, ce week-end, au Sénégal, par exemple. Vladimir Poutine, lui, a préféré faire une pause, donner l’impression de passer la main, quand bien même il conservait le contrôle de son bienveillant successeur et la tutelle du pouvoir. Depuis la Maison Blanche, la résidence du premier ministre à Moscou, il a travaillé à approfondir la dimension autoritaire du régime, s’inspirant même des recettes totalitaires de l’URSS dans laquelle il a grandi et dont il est, élevé à l’école du KGB, un des plus purs produits. On le voit bien dans sa réaction aux récentes manifestations, comme dans la manière dont il prétend faire campagne : toute dissidence sera contrôlée, matée !

Un vilain de plus dans un monde de brutes

Si cette analyse est correcte, cela signifierait alors que Vladimir Poutine se préoccupe désormais bien moins de son image à l’étranger. Le monde a tellement changé depuis le début de son « règne » en 1999… L’attitude intransigeante de la diplomatie russe dans le cadre de la crise syrienne, mais aussi vis-à-vis de l’Iran ou dans le Caucase, atteste de ce changement de climat. Et, alors, oui : le retour de Vladimir Poutine au Kremlin rend sans doute le monde un peu plus dangereux.

Forcément, le titre du Time a aussi une dimension ironique. Ce « shrinking », ce « rétrécissement » de Vladimir Poutine traduit aussi son changement de stature parmi les leaders mondiaux : de leader fréquentable, de partenaire respectable, il pourrait, à son tour, devenir un adversaire redoutable engageant son pays et le monde dans une aventure aux multiples périls.

Alors, désolé de céder à un tel pessimisme, on se souvient de Jean Giraudoux et du début de « La guerre de Troie n’aura pas lieu »… quand Andromaque demande à Cassandre si cela ne la fatigue pas de ne voir et de ne prévoir que l’effroyable et que celle-ci lui répond : « Je ne vois rien, Andromaque. Je ne prévois rien. Je tiens seulement compte de deux bêtises, celle des hommes et celle des éléments ». A cela, il faudrait sans doute ajouter toute la complexité de l’âme russe, la Rousskaïa doucha… 

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