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Hamad al-Thani, le monarque réformateur

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[image:1,l] Embonpoint, visage joufflu, petite moustache et apparente bonhomie : pas vraiment l’image que l’on se fait d’un grand conquérant. C’est pourtant celle de Hamad ben Khalifa al-Thani, un homme replet aux faux airs de Saddam Husssein. Emir du Qatar, il a su hisser son minuscule pays pétrolier du golfe Persique au centre du monde arabe. Une conquête aussi économique que politique, grandement redevable à l’extraordinaire capacité d’adaptation d’un homme qui a appris à négocier avec le Moyen-Orient comme avec l’Occident.

Un émir cathodique

Profitant du déclin de l’Arabie Saoudite, le Qatar a su saisir sa chance pour devenir une des nouvelles grandes puissances de la région.

Lassé par la lenteur des réformes de son père, l’émir conservateur Khalifa ben Hamad al-Thani, le prince – et déjà ministre de la Défense – prend le pouvoir par un coup d’Etat non-violent en 1995. Rapidement, l’ambition du jeune émir apparaît aux yeux du monde. Un an après son arrivée au pouvoir, il fonde ce qui va devenir le fer de lance de la puissance médiatique du Qatar : la chaîne de télévision Al-Jazeera.

Une publicité à l’échelle mondiale

Formé en Grande-Bretagne, Hamad al-Thani profite de sa fabuleuse manne pétrolière pour transformer le pays en profondeur et l’occidentaliser en implantant des infrastructures modernes, des grandes écoles, des clubs de sport.<!–jolstore–>

Les années 2000 sont celles de l’éclosion du pays sur la scène internationale. Le petit émirat inconnu s’offre une publicité de luxe : ambassades dans des avenues prestigieuses, mécénat, participation à des œuvres de charité, investissements massifs dans le football et la Formule 1 (achat du PSG en 2011, création d’un Grand Prix). L’or noir du Qatar est transformé en publicité. Le point d’orgue de cette campagne de relations publiques à l’échelle internationale sera atteint en 2022. A cette date, l’émirat accueillera la Coupe du monde de football.

Racheter pour mieux règner

Hamad al-Tahni est le premier VRP du Qatar. PDG autant que chef d’Etat, l’émir se mue en marchand pour transformer son morceau de désert en colosse économique. Possédant à la fois des mines d’or grecques, des parts de Porsche, Total et Volkswagen, le Royal Monceau et créant des compagnies aériennes, le pays tisse sa toile en enfonçant les réticences de la vieille Europe à coups de millions de dollars. 

Mais pas question de jeter l’argent par les fenêtres. Même si vus de l’étranger, les chèques faramineux signés par le Qatar peuvent passer pour des caprices de gamin, tout les investissements consentis sont mûrement réfléchis et s’inscrivent dans une logique de long terme. Car au Qatar, la rentabilité ne se fait pas immédiatement. Bien au contraire : la stratégie choisie par Al-Thani favorise la prudence… par la dépense. Conscient du caractère éphémère de ses ressources en hydrocarbures, l’émirat tente de pérenniser sa richesse en investissant à tour de bras. Qu’il s’agisse du PSG, de filiales de Dexia ou d’immobilier parisien chaque acquisition vise la rentabilité sur le long terme.

Grand écart idéologique

L’ambition démesurée du pays se confond avec celle de son dirigeant. Pour promouvoir le Qatar, Hamad al-Thani est prêt à conjuguer les extrêmes. Allié des Frères musulmans, du Hamas, mais aussi en bons termes avec Israël et allié des Etats-Unis, le Qatar a fait valoir ses dollars et ses hydrocarbures pour s’offrir une neutralité difficilement imaginable idéologiquement parlant. Mais là n’est pas le seul grand écart d’Al-Thani. Réformateur progressiste autoproclamé, il crée une école gratuite, une sécurité sociale, favorise la liberté d’expression et l’émergence de nouveaux médias.

Et en parallèle, le monarque éclairé n’a toujours pas officiellement aboli la peine de mort.

Avec ses 24 enfants, ses yachts et ses jets privés, l’émir Al-Thani est à l’image du pays qu’il a façonné : partagé entre tradition et modernité. Hésitant entre islam modéré et wahabisme strict, le Qatar et son monarque semblent parfois ne plus savoir à quel monde se raccrocher. Arabes par leur culture et Occidentaux par leur mode de vie, les Qataris tentent de s’imposer sur les deux tableaux, au risque de ne s’identifier réellement à aucun des deux camps.

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