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La rigueur, source de la prospérité israélienne

[image:1,l]Face à des systèmes en crise en Espagne, en Italie et en Grèce, l’économie florissante d’Israël – la seule dans le bassin méditerranéen – demeure « un mystère ou une énigme » pour d’Omer Moav, un professeur d’économie à l’université hébraïque de Jérusalem.

Le paradoxe de l’économie israélienne est d’autant plus surprenant quand on regarde la taille du pays – le territoire de l’Etat d’Israël est plus petit que celui de Rhode Island, aux Etats-Unis, avec une population de 7,5 millions d’habitants –, ses relations diplomatiques, son isolement économique, son manque de ressources naturelles et le contexte régional instable.   

Une croissance remarquable

Mais dans les faits, son produit intérieur brut a connu une croissance quasi régulière pendant cinq ans. En 2011, la croissance a été de 4,8 %, et les prévisions pour 2012, selon les projections du ministères des Finances israéliens, sont de 3,2 % .

On pourrait dire qu’Israël a tout simplement été chanceux. Plusieurs de ses industries comme l’armement et la technologie de défense – des domaines dans lesquels Israël a su s’imposer parmi le trio de tête – sont relativement insensibles aux fluctuations du marché. L’équipement médical et l’extraction de diamants restent également des facteurs forts.

Esprit d’innnovation dans le high-tech

Mais tout ne se résume pas au hasard. Un modèle semble émerger alors que l’on se plonge dans le sujet. Le système bancaire israélien, prudent et conservateur, serait l’une des principales raisons pouvant expliquer l’immunité apparente de l’économie du pays. Il en va de même pour l’esprit entrepreneurial des Israéliens – réputé robuste et dynamique – particulièrement visible dans le secteur high-tech.

« L’explication que j’ai est qu’Israël dispose d’un secteur privé très développé, y compris celui du high-tech », analysait Gil Feiler, un économiste du centre BESA à l’université de Bar Ilan. « Si vous regardez bien, pas une semaine ne passe sans qu’une société internationale de premier plan ne rachète une start-up israélienne. Mais plus important encore, le secteur bancaire a montré une formidable responsabilité en comparaison à ses homologues des Etats-Unis et d’Europe. En Israël, vous ne verrez jamais le même genre de négligence que vous avez vu dans leur secteur immobilier. »

La force du secteur bancaire : pas de prêt

Presque tous les économistes s’accordent pour faire du secteur bancaire le soutien principal d’une économie stable.

Pendant longtemps, les Israéliens ont critiqué un système rendant quasi impossible l’obtention d’un prêt. Et pourtant, cet inconvénient s’est révélé être l’une des principales raisons ayant permis à Israël de rester à l’abri de la crise économique.

« Nous nous sommes toujours plaints, et nous continuerons de nous plaindre de notre système bancaire favorable à la création de cartels. Le secteur financier manque de compétitivité, ce qui lui permet de faire des profits élevés sans prendre de risques inutiles comme les hypothèques à 100 % ou plus comme on l’a vu aux Etats-Unis ou en Europe, analyse Omer MoavCela n’existe tout simplement pas en Israël, si bien que nous n’avons jamais eu de crise de la dette ou de crise financière. Pour une fois, le fait d’avoir un manque de concurrence nous a servi. Nous avons été chanceux. Dans un sens, la régulation du secteur financier nous a été utile. »     

En Israël, obtenir un prêt hypothécaire suppose de nombreux essais et tout autant de documents et d’engagements. Gare aux mauvais payeurs : un seul retard de paiement peut suffire à motiver des poursuites judiciaires. « Ici, la dette est personnelle. Vous ne pouvez pas marcher sur votre hypothèque et laisser votre maison derrière. La dette va vous poursuivra », ajoute Moav.

Libéralisation des marchés

Une autre politique économique a contribué à l’expansion contrôlée du marché libre. Au cours des trente dernières années, Israël est passé d’une économie avec participation massive du gouvernement, relique du socialisme d’après-guerre, à une économie prônant « plus de marché libre que les pays d’Europe du Sud qui sont en ce moment en crise », selon Gil Feiler.

L’isolement, bénéfique en temps de crise

D’après Michel Strawczynsky, directeur adjoint du département de recherche de la Banque d’Israël, les crises économiques qui ont frappé les Etats-Unis et l’Europe ces dernières années auraient des « sources internes et externes ». 

« Les sources internes étaient liées au secteur immobilier, qui s’est effondré dans de nombreux pays dont l’Espagne, l’Irlande, le Royaume-Uni et même les Etats-Unis. »

En Israël, la source externe – perte d’opportunités pour l’exportation au fur et à mesure que les pays occidentaux plongeaient dans la crise – a été contenue début 2009.

« A aucun moment, les banques israéliennes n’ont risqué de s’effondrer », explique Strawczynsky. Ironiquement, l’isolement d’Israël a protégé le pays d’un plus grand mal.

« Le gouvernement israélien n’a pas eu besoin de renflouer les banques et malgré une petite diminution de l’impôt sur le revenu en raison d’une légère récession en 2008-2009, il a réussi à surmonter la crise sans augmenter la dette publique, affirme Joseph Zeira, professeur à l’université hébraïque. Comme Israël est une petite économie ouverte, elle est affectée par les événements mondiaux et ne peut échapper complètement à la récession mondiale. Mais, dans une certaine mesure, elle peut s’isoler. »

Les leçons du passé

Les raisons expliquant l’attitude prudente et conservatrice d’Israël sur le plan financier se trouvent dans l’histoire du pays selon Joseph Zeira, « quand les secteurs bancaire et financier ont connu de graves moments de dysfonctionnement ».

« Au cours des années 1967-1985, et principalement en raison d’une augmentation des coûts liés à la défense, les dépenses budgétaires ont augmenté de manière significative, à environ 75 % du PIB, le déficit est monté à 15 % du PIB, ce qui a augmenté la dette (jusqu’à 160 % du PIB) et mené à l’inflation, qui a la fin s’élevait à 400 % par an. »

Les banques, qui avaient manipulé leurs comptes, se sont retrouvées dans une situation catastrophique, explique Joseph Zeira. « En 1983, le gouvernement les a renflouées. Ce plan de sauvetage a coûté beaucoup d’argent aux contribuables et par conséquent, les banques ont appartenu au gouvernement pendant une longue période, jusqu’à ce qu’il parvienne à les vendre. En fait, l’une des plus grandes banques, la banque Leumi, n’a toujours pas été entièrement privatisée. »

Mais Israël reste un pays vulnérable

Aussi brillant et vigoureux que peut l’être le miracle israélien, son économie reste soumise à de nombreux imprévus. Le plus dangereux étant un bouleversement régional majeur ou encore une guerre.

Omer Moav a listé cinq points de vulnérabilité : manque de concurrence dans certains secteurs de l’économie, syndicats puissants dans des services essentiels, particulièrement dans les secteurs aériens et maritimes, ultra-orthodoxie, coûts de la défense, relations avec la Palestine.

De son côté, Joseph Zeira voit deux points de vulnérabilité. En premier lieu, la montée des inégalités sociales« Durant la dernière décennie, le PIB par habitant a augmenté de 9 % alors que les salaires réels n’ont pas augmenté d’un centime. Cela signifie que toute la croissance a été concentrée dans les mains d’une petite élite qui représente seulement 1 % de la population. De telles inégalités sont dangereuses pour la société, comme on peut le voir dans la récente vague de protestations, mais également préjudiciables à l’économie. L’accès à l’éducation se réduit, tout comme la mobilité sociale. »

Une guerre aurait des effets dévastateurs 

Le second risque est ce que Zeira nomme « le manque de paix »« Une nouvelle guerre pourrait avoir des effets dévastateurs sur l’économie. Aujourd’hui, il y a des chances pour qu’éclate une guerre avec l’Iran. En outre, la paix avec l’Egypte est confrontée à de nouveaux défis découlant du Printemps arabe. Par conséquent, les risques pour qu’une guerre à grande échelle se déclenche sont relativement élevés en ce moment… Promouvoir la paix n’est pas seulement important pour sauver des vies, mais également pour améliorer l’économie de façon significative. »

GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press. 

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