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Londres 2012: le Qatar enverra des athlètes féminines

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[image:1,l]L’Arabie Saoudite, véritable poids lourd du Golfe Persique est en désaccord avec son voisin qatari, sur les récents appels à inclure les femmes dans les équipes olympiques.

Les deux pays (et Brunei) avaient pour habitude de n’envoyer que des compétiteurs masculins à l’événement quadriennal. Mais suite à une levée de boucliers des principales associations de défense des droits de l’Homme, le Comité International Olympique (CIO) a incité les trois nations à inclure au moins une femme dans les délégations officielles.

Prince Nawaf Bin-Faisal, le président du Comité Olympique Saoudien et ministre des Sports, campe sur ces positions. Le membre de la famille royale saoudienne a déclaré sans équivoques, qu’il « n’approuvait pas » l’envoi d’athlètes féminines aux Jeux Olympiques de Londres, en 2012. Moins catégoriques, les responsables qataris ont en revanche accepté la requête du CIO, pour manifester, entre autres, leur autonomie face à l’Arabie Saoudite.

Pour Christopher Davidson, expert du Moyen-Orient, « le Qatar se positionne soigneusement comme une entité bien distincte de l’Arabie Saoudite. Un jeu potentiellement dangereux étant donné que cette puissante nation à des frontières communes avec le Qatar. La question des femmes athlètes est une nouvelle occasion pour le Qatar de mettre une distance entre sa société, sa culture politique, et celle des Saoudiens. »

Le Qatar veut prouver sa bonne foi

Le Qatar, petite nation du Golfe Persique, redouble d’efforts pour améliorer la participation des femmes aux J.O. Le pays espère que ce récent revirement appuiera favorablement sa candidature en tant que pays hôte pour les prochains Jeux Olympiques et Paralympiques de 2020.

« Recevoir les Jeux à Doha aura d’importantes répercussions sociales et positives dans une région du monde, où l’indépendance et l’autonomie des femmes restent un défi dans certains domaines », expliquait le dossier de candidature présenté par le Qatar en février dernier. « Briser les barrières et créer de nouvelles opportunités pour les femmes grâce au sport, ouvre également la voie à l’égalité dans d’autres aspects de la vie. Les jeux de Doha seront un tremplin vers le progrès social du pays ».

C’est la deuxième fois que cette riche nation pétrolière dépose sa candidature pour accueillir l’événement mondial, après une tentative infructueuse pour les Jeux Olympiques de 2016. Cette fois-ci, le Qatar entend faire peau neuve. En signe de bonne foi, Noora Al Mannai, une femme, a été nommée à la tête de la délégation visant à conduire le Qatar vers les Jeux convoités. Soucieux de convaincre la communauté internationale que son passé « sexiste » est bel et bien derrière lui, le pays s’est attaqué à la mise en place de programmes d’éducation physique pour les filles dans de nombreuses écoles près de Doha. Des athlètes prometteuses ont également été parrainées pour s’assurer une instruction avec des experts américains et européens. Le gouvernement envisage de construire un centre de formation disposant d’équipements de pointe pour les athlètes féminines de Doha.

Un exercice de séduction 

« Nous organisons des stages d’entraînements, de management et des cours techniques. Nous envoyons de nombreuses athlètes aux conférences et ateliers réservés aux femmes, pour qu’elles acquièrent de nouvelles connaissances », précise Ahlam Almana, président du comité des athlètes féminines du Qatar.

Le Comité International Olympique (CIO) annoncera la liste des villes candidates dès le mois de mai 2012. Christopher Davidson  se dit « sceptique sur les chances de Doha ». Le spécialiste estime toutefois que cette candidature « a été l’occasion pour le Qatar de continuer à exister et s’imposer sur la scène internationale ». « Je soupçonne la candidature olympique d’être davantage un exercice de séduction bien orchestré et participe de l’ascension progressive du pays. La question des athlètes féminines correspond parfaitement au nouvel esprit dont souhaite se doter le pays » explique-t-il.

Le Tournoi Sportif Féminin, une oppotunité pour les athlètes du Moyen-Orient

Le CIO a déjà remis trois jokers au Qatar pour des athlètes féminines cette année. La nageuse Nada Arkaji, la championne de tir à la carabine Bahia Al-Hamad et la sprinteuse Noor al-Malki sont donc éligibles à Londres. Ces jokers sont des invitations accordées par le CIO pour les sportifs qui ne répondent pas aux normes internationales de qualification. Ces trois femmes seront rejointes par d’autres athlètes féminines du Koweït, de Bahreïn et des Émirats Arabes Unis qui ont d’ores et déjà autorisé la participation des femmes, lors des précédents Jeux. En défiant l’Arabie Saoudite, ces pays du Golfe ont pris les devants au Moyen-Orient en encourageant la participation des femmes dans le sport.

En février dernier, des athlètes de onze pays de cette zone géographique ont participé au premier Tournoi Sportif Féminin au club de Sharjah Ladies, aux Émirats Arabes Unis. « Nous ne savions pas que ce Tournoi était le rêve de beaucoup de femmes dans le Moyen-Orient » a expliqué Noura Al Noma, présidente du Comité Supérieur d’Organisation des clubs féminin.
Après le succès de l’évènement, Noura Al Noman a déclaré que la compétition aurait désormais lieu tous les deux ans et inclura au minimum cinq sports différents. Au programme : du basketball, du volleyball, de la course, du tir et du tennis de table.

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Convaincre l’environnement familial

Les Jeux de 2006 en Asie ont été la première occasion de participer à une compétition de grande envergure pour les femmes du Golfe. Le succès est régulièrement au rendez-vous. Le taux de participation a bondi ces dernières années, avec de belles performances aux Jeux de Singapour en 2010, et aux Jeux arabes de Doha. Un rôle pas toujours facile pour ces femmes, qui sont soutenues par le gouvernement, mais souvent moins encouragées par l’environnement familiale, plus conservateur. « La culture sportive n’est déjà pas très présente pour les hommes, encore moins pour les femmes. Cela ne signifie pas que les femmes doivent attendre les hommes, mais que la société a besoin de mûrir encore un peu » analyse Ayoub Al Lulwa, tireur professionnel Koweitienne. 
« La société, en général, a besoin de plus de temps pour comprendre l’importance que peut avoir le sport dans la vie des filles. La plupart y voit un simple loisir voire une perte de temps » ajoute-t-elle.

Lorsqu’Al-Lulwa et sa sœur Balsam ont commencé la pratique du tir en 1995, elles n’imaginaient pas que cela les mènerait à un niveau professionnel. Al-Lulwa a en effet remporté une médaille de bronze aux Championnats du Monde de tir, alors que Balsam s’est illustrée au Jeux d’Asie en montant sur la deuxième marche du podium. Les sœurs ont d’ailleurs organisé le premier tournoi amateur de tir au Koweït, et ont entraîné et encouragé de jeunes femmes à suivre leurs pas.

« Les conservateurs ne sont pas des fondamentalistes » 

Le basketball est devenu un sport très populaire pour les jeunes femmes du Koweït, mais les sceptiques subsistent. « Comme j’ai commencé à jouer au basketball dès mon plus jeune âge, je n’ai pas été confrontée aux nombreuses remarques désobligeantes. Cependant, cela a été plus difficile lorsque j’étais à l’école. Nous n’avions pas le droit de voyager pour participer aux tournois à l’étranger. L’école évoquait des « raisons religieuses » dit Danah Dehdary, diplômée de l’Université de Georgetown pour les Affaires Etrangères au Qatar. « J’ai aussi dû batailler contre certains membres de ma famille car ils pensaient que le basketball ne me mènerait nulle part et me détournerait de mes études ». Le témoignage de Danah Dehdary soulève un point primordial contre lequel les responsables qataris tentent de lutter.

« Ce qui n’apparaît pas dans la plupart des reportages sur le Qatar, c’est essentiellement ses paradoxes et ses incohérences internes. Le conservatisme du pays fait essentiellement débat : on s’interroge sur la distribution d’alcool etc. » explique Christopher Davidson« L’interdiction partielle d’alcool qui a récemment été imposée n’est pas un bon signe pour la Coupe du Monde de football (en 2022). Ce n’est pas très bon pour le tourisme à court terme, non plus », ajoute-t-il.

« L’émir (du Qatar, ndlr) tente de créer et maintenir un certain équilibre au sein du pays. Mon sentiment, c’est qu’au Qatar, les conservateurs ne sont pas des fondamentalistes comme en Arabie Saoudite, seulement des citoyens qataris qui ne veulent pas que leur pays ressemble à Dubaï », avance le spécialiste.

L’heure du changement

« Que le Golfe Persique accueille ou non ces évènements internationaux, on sent que le changement arrive » souligne Chistopher Wilcke, spécialiste des Droits de l’Homme et du Moyen-Orient. Son rapport accablant sur les discriminations subies par les athlètes saoudiennes, est à l’origine de la sanction du CIO, qui fait désormais pression sur l’Arabie Saoudite pour l’inciter au changement. « Le spectacle et l’économie du sport a déjà bien pénétré dans la région grâce à des chaînes comme Al Jazeera et d’autres programmes du câble, qui proposent des bouquets sportifs » ajoute le spécialiste. Il est désormais primordial que la voie du sport prenne un virage plus égalitaire.

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