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Abdel Moneim Abou El-Fotouh, un surprenant favori

[image:1,l]Soutenu par les libéraux et les conservateurs musulmans de la mouvance Salafiste, un favori se détache de la course à la présidentielle en Égypte, à la surprise générale.

Ce candidat, qui appartenait à l’organisation panislamiste des Frères musulmans (FM), est l’islamiste modéré Abdel Moneim Abou El-Fotouh. En une semaine, il a réussi à conclure des accords avec des partis de tous horizons politiques, y compris trois groupes islamistes clé. Mais sa campagne a dû être suspendue en raison des altercations entre militants et assaillants qui ont secoué la capitale la semaine dernière. Elle devrait être relancée avant les élections, qui auront lieu le 24 mai.

Le fait qu’il ait appartenu au mouvement des FM joue en sa faveur, que ce soit auprès d’autres islamistes qui souhaitent s’émanciper du mouvement, ou des libéraux qui sont opposés à la montée de l’organisation.

Les partis islamistes dominent

Le Parti de la Liberté et de la Justice, vitrine politique des FM, a obtenu une victoire écrasante aux élections parlementaires. Beaucoup s’inquiètent d’une victoire du parti à l’élection présidentielle, car un trop grand pouvoir donné au mouvement des FM pourrait être néfaste à la politique égyptienne post-révolution, dont la démocratie naissante reste encore fragile. « Ce serait inacceptable d’avoir une majorité des FM au Parlement ainsi qu’un président issu des FM : le gouvernement est censé représenter tout le monde » insiste Essam Shebl, vice-président du parti modéré islamiste Al Wasat, qui a apporté son soutien à Abdel Moneim Abou El-Fotouh, lundi 30 avril.

Un candidat qui rassemble

« Il a été islamiste, mais il appelle à une gouvernance modérée. C’est ce dont le pays a besoin, et les Salafistes commencent à voir l’intérêt d’une approche modérée comme celle d’Abdel Moneim Abou El-Fotouh, et c’est un grand pas. »

Le candidat des FM à la présidentielle, Mohamed Morsi, dégringole dans les sondages (parmi les derniers), selon le Centre Al-Ahram pour les Études Politiques et Stratégiques.

Treize candidats s’affronteront le 24 mai, et les deux finalistes seront départagés le 16 juin. Le mouvement des FM avait au départ promis qu’il ne présenterait aucun candidat en son nom, mais a par la suite changé d’avis, ce qui n’inspire pas confiance aux Égyptiens.

Fier de son passé, tourné vers l’avenir

Abdel Moneim Abou El-Fotouh, qui était favori pour succéder à Mohammed Mehdi Akef, « Guide suprême » au sein du mouvement des FM, fut exclu de l’organisation lorsqu’il décida de se présenter à la présidentielle. Les FM ne voulaient pas le soutenir.

Mais depuis, il est suivi par une foule qui apprécie ses positions pour le droit à l’éducation et à la santé pour tous les Égyptiens, pour que les procès militaires des civils prennent fin, et pour que le tourisme soit encouragé, de façon à redonner un coup de fouet à l’économie.

Contrairement à d’autres islamistes, il est contre les lois qui imposent l’Islam aux non-croyants. La montée des partis islamistes, qui représentent désormais 70% des sièges du Parlement, inquiète les libéraux et la minorité chrétienne.

Un soutien de perdu, dix de retrouvés

Nombreux étaient ceux qui disaient que sans le soutien des FM, le candidat n’avait aucune chance de remporter la présidentielle. Toutefois, de nombreux groupes de réflexion ainsi que des sondages réalisés par des journaux l’annoncent en tête ou second, derrière l’ancien ministre des Affaires étrangères, Amr Moussa, candidat qui croit en la séparation des pouvoirs politiques et religieux.

Mardi 1er mai, le cyberdissident Wael Ghonim, symbole de la révolution égyptienne, qui travaille actuellement chez Google, a annoncé son soutien à Abdel Moneim Abou El-Fotouh via le réseau social Twitter.

À l’instar du parti modéré Al Wasat, le parti ultraconservateur Al Nour et l’organisation Gamaa al-Islamiya (groupe armé islamiste égyptien), qui à eux deux rassemblent un bon nombre de votants islamistes, ont respectivement apporté leur soutien à Abdel Moneim Abou El-Fotouh.

Une opportunité pour les extrêmes ?

Ces fondamentalistes y voient là, plutôt qu’un soutien à la politique modérée du candidat, un moyen de destituer le parti des FM, qui semblait invincible.

Le parti salafiste Al Nour, qui encourage la pratique d’un Islam à l’image des disciples du prophète Mahomet dans l’Arabie du 7e et du 8e siècle, est représenté à 20% au Parlement« Les FM dominent la scène politique, et c’est dangereux » affirme Sameh Abd Al Hamid, membre de la Commission électorale centrale d’Al Nour à Alexandrie. Selon lui, le parti des FM chercherait à éclipser toute autre force politique. La preuve en serait la création par le parti en question d’un comité de rédaction constitutionnelle composé exclusivement de 25 de leurs parlementaires.

Un peuple déçu

Un sondage du Centre Al-Ahram pour les Études Politiques et Stratégiques indique que 45% des Égyptiens ayant voté pour le parti des FM aux législatives ne réitéreraient pas leur vote pour le parti.

Ils ont présidé un Parlement qui est en sa majorité inefficace, car toujours sujet aux forces armées égyptiennes, le Conseil suprême des forces armées.

« Abdel Moneim Abou El-Fotouh ne sera pas une marionnette des FM, de grandes divergences les séparent depuis longtemps » soutient Sameh Abd Al Hamid.

Certains s’inquiètent tout de même du soutien apporté à Abdel Moneim Abou El-Fotouh par les partis Al Nour et Gamaa al-Islamiya, qui pourrait forcer le candidat à revenir sur ses positions modérées pour aller dans le sens de ces partis extrémistes.

Un candidat « pas assez islamiste »

Le représentant d’Al Nour affirme d’ailleurs que le candidat favori a des opinions qui vont quelque peu à l’encontre de leur vision « plus pure » de l’Islam.

« C’est vrai que pour nous Abdel Moneim Abou El-Fotouh est un peu laxiste en matière d’idéologie islamiste » concède Sameh Abd Al Hamid, en ajoutant tout de même que s’ils ont choisi ce candidat c’était surtout pour mettre fin aux « pratiques de corruption » de certains touristes et promouvoir le tourisme pédagogique et médical en Égypte.

« Pour être honnête, nous aurions préféré un meilleur candidat islamiste, avec une interprétation « plus pure » de l’Islam. Mais c’est le meilleur des candidats islamistes, et en politique, il faut faire des concessions ».

Les FM tentent quant à eux de rejeter les critiques dans l’espoir d’avoir leur mot à dire dans la politique post-révolution.

Ahmed Al Nahhas, activiste des FM et membre du Parti de la Liberté et de la Justice, reconnaît que si son parti perd les élections, ils se remettront en question. « Les FM n’en souffriront pas. Mais le Parti perdrait de sa popularité. »

Global Post / Adaptation Amélie Garcia – JOL Press

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