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Entre espoirs et inquiétudes, les activistes hésitent

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[image:1,l]Le Caire, au beau milieu de la nuit. Ragia Omran, l’une des plus grandes avocates des droits de l’Homme du pays, se précipite dans un tribunal militaire égyptien, où près de 300 civils sont détenus, sans avocats.

Ragia Omran, qui se décrit comme une féministe convaincue et une farouche militante des droits de l’Homme, veut représenter légalement les manifestants, dont 26 femmes et un jeune de 14 ans, accusés par le parquet militaire d’avoir perpétrer des attaques contre le personnel de l’armée.

Mais l’armée – une institution puissante et patriarcale accusée de nombreux crimes, tels que des agressions sexuelles contre les détenues – empêche l’avocate d’entrer. « Ils m’ont refusé l’accès car il était 2 heures du matin », explique-t-elle. « Je suis une femme, alors ils considèrent qu’il est « trop tard » pour pénétrer dans les locaux. » Elle ajoute: « Je suis donc restée là, exigeant qu’on me laisse entrer car chaque détenu a le droit à un avocat ».

Un scrutin historique: entre espoir et vigilance

Quinze mois après la chute de Hosni Moubarak, les Égyptiens sont appelés aux urnes mercredi et jeudi pour choisir leur prochain chef d’État entre douze candidats. Pour la première fois, le résultat n’est pas connu d’avance. L’élection présidentielle et la nouvelle Constitution permettront peut-être de franchir un cap pour la démocratie naissante en Égypte et d’améliorer la condition des femmes.

Alors que le débat se poursuit sur l’étendue du pouvoir qu’aura le nouveau président sur le Conseil suprême des Forces armées (SCAF) et l’influence que la majorité parlementaire islamiste exercera sur la société, les femmes – comme l’avocate Ragia Omran – qui étaient aux avant-postes de la révolution redoutent d’être écartées de la vie publique et politique. Aucun des douze candidats à la présidentielle, n’a montré d’intérêt significatif sur la question des femmes. De nombreuses femmes ont pourtant été la cible d’intimidation et de violence par des militaires

Les femmes refusent d’être encore une fois marginalisées

Beaucoup d’Égyptiennes refusent cette marginalisation imposée et se battent pour obtenir un rôle dans la société égyptienne à un moment charnière dans l’Histoire du pays. « Pas un seul candidat n’a fait d’efforts lors de sa campagne pour s’entendre avec le mouvement de coalition des femmes, à l’exception de M. Amr Moussa » déclare Fatma Emam, chercheuse à la Nazra et bloggueuse militante.

À 29 ans, Fatma Emam se dit déçue par les Frères musulmansMohamed MorsiAbdel Moniem et Aboul Fotouh. Elle explique que « ce qu’il se passe en ce moment dans les élections montre que les droits des femmes ne sont toujours pas un sujet de préoccupation ».

Peu de place pour les préoccupations sociales

Fatma pense que les questions économiques et sécuritaires l’ont emporté sur les préoccupations sociales, y compris sur les droits des femmes. De récents sondages du Centre de Recherche de Pew montrent que 81 % des Égyptiens considèrent l’amélioration économique comme « très importante » dans l’élection – plus que toute autre question.

Toutefois, selon le Conseil national de l’Égypte pour les femmes33% des ménages égyptiens sont dirigés par des femmes. « Pendant très longtemps, les femmes n’ont pas eu de réductions d’impôts, car elles n’étaient pas considérées comme des chefs de ménage, même si, maintenant, au moins 33% des femmes sont chefs de famille » déclare Fatma Emam.

Le droit de Femmes négligé

La société égyptienne, n’a toujours pas de système judiciaire équitable qui garantisse les droits de tous les citoyens, selon Mozn Hassan, défenseur des droits à la Nazra.

L’armée procède même à des « tests de virginité » forcés sur les femmes arrêtées, et fait preuve d’une grande violence contre les manifestantes, comme le témoigne la terrible image de la « jeune fille dans le soutien-gorge bleu », violentée par des militaires.

La militarisation de l’Égypte aggrave considérablement la condition des femmes déclare Hassan, et selon lui « l’élection présidentielle n’arrangera rien ». Alors que beaucoup d’Égyptiens aspirent à de véritables changements avec l’élection du nouveau président, les égyptiennes, estiment quant à elles que la population doit récupérer ses droits par ses propres moyens.

Dalia Ziadamilitante des droits des Femmes, mène actuellement une étude au Centre Ibn Khaldoun sur la situation des femmes après le printemps arabe. Elle travaille en étroite collaboration avec des chercheurs du centre pour surveiller, de près, les élections cette semaine dans 22 gouvernorats du pays, y compris au Caire et à Alexandrie.

Le « Printemps des femmes » aura-t-il lieu?

Comme Dalia, de nombreuses Égyptiennes estiment que les candidats de l’élection présidentielle n’ont pas réussi à répondre aux questions de l’électorat féminin, qui représente 52 % de la société« Bien qu’il soit associé à des restes de l’ancien régime et accusé de prolonger la dictature militaire, Amr Moussa  est le seul candidat qui a fait des droits des Femmes une priorité, dans son programme », déclare-t-elle.

Toutefois, selon Dalia Ziada, même le candidat Amr Moussa pourrait accentuer le chauvinisme national, « déjà omniprésent dans la politique égyptienne », dit-elle.  « Lorsqu’on interroge les candidats sur le rôle de la Première dame, tous refusent l’implication de leurs épouses dans la politique égyptienne », souligne Dalia Ziada. Or, « si un président ne respecte pas sa femme et n’imagine pas qu’elle puisse jouer un rôle dans la politique » alors « comment pourrait-il respecter la femme moyenne égyptienne ? ».

Global Post/ Adaptation Louise Michel D./ JOL Press

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