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Elizabeth II, sa majesté des reines

[image:1,l]Déjà, le premier week-end de juin 2002, pendant quatre jours, en continu, les Britanniques avaient fêté le jubilé d’or d’Elizabeth II, ses 50 ans de règne. Trois jours inoubliables. Je me souviens, à Londres, du Pimm’s et des sandwichs au concombre de la street party de Chiswick, du concert classique sur les pelouses de St James’s Park, de Brian May, le guitariste de Queen, sur le toit du palais de Buckingham.

« God save the Queen ! Long live the Queen ! »

Je me souviens de tout, mais surtout de l’atmosphère si particulière, de cette bouffée de ferveur, d’admiration et de tendresse à chaque apparition de la reine. « God save the Queen ! Long live the Queen ! », scandait la foule de ses sujets. Une foule bigarrée, agitant des centaines de milliers de drapeaux britanniques. Devant de telles images d’un royaume uni comme rarement, j’ai compris l’importance et l’utilité de cette souveraine, qu’il est de bon ton de railler, sur la rive sud de la Manche. 

À l’époque, cinq ans seulement s’étaient écoulés depuis le traumatisme de la mort accidentelle de Diana, princesse de Galles, et l’épisode de déraison collective qui s’ensuivit. Les conseillers de la reine, comme ceux du Premier ministre Tony Blair, avaient longuement hésité avant de décider du programme officiel. Comment seraient accueillies des dépenses qui pourraient paraître excessives ? Les tabloïds se déchaîneraient-ils contre un tel exercice de propagande monarchiste ? Et si les gens ne se déplaçaient pas ?<!–jolstore–>

La mort de la princesse Margaret, sœur cadette de la reine, le 9 février 2002 et, plus encore, celle de la reine mère Elizabeth le 30 mars suivant, avaient bouleversé les Britanniques. Aussi avaient-ils tenu à manifester leur gratitude et leur tendresse envers leur souveraine.

Dix ans plus tard, ces mêmes conseillers ne se posent pas la question. Évidemment que Londres se prépare à connaître une réédition des joyeuses célébrations de 2002 ! La reine aura 86 ans le 21 avril. C’est désormais une fringante arrière-grand-mère. On la dit en bonne santé et si, d’année en année, elle a réduit quelque peu le rythme de ses engagements, elle tient son rang, son rôle et sa place. Comme il y a 60 ans…

Une jeune reine, mais de lignée ancestrale

Le 6 février 1952, la princesse Elizabeth et son mari Philip, duc d’Édimbourg, sont au Kenya où, en voyage officiel, ils représentent le roi George VI à la santé déclinante. À 10 h 45, la terrible nouvelle, attendue et crainte, tombe : « Le roi est mort, vive la reine ! » Philip s’est agenouillé pour baiser la main d’Elizabeth en signe de fidélité à sa souveraine. C’est en reine que la jeune femme de 25 ans regagne Londres endeuillé.

Elle n’aurait jamais dû régner. Si, en décembre 1936, son excentrique et névrosé oncle adoré, Edward VIII, alors roi d’Angleterre, n’avait pas perdu la tête pour sa divorcée américaine du nom de Wallis Simpson, son père ne serait jamais monté sur le trône. Elle aurait passé sa vie comme princesse de sang, nièce puis cousine du monarque. En seize ans, et une guerre mondiale, elle avait eu néanmoins le temps de s’imprégner du rôle, éduquée en cela par deux reines exemplaires, sa mère Elizabeth et sa grand-mère Mary. Elle s’inscrit dans une tradition millénaire, qui remonte aux rois des Angles et aux premiers souverains écossais.

Un royaume métamorphosé

Une telle longévité défie l’entendement. Encore trois ans et sept mois à tenir et elle aura dépassé son arrière-arrière-grand-mère, Victoria. Huit ans et ce sera le tour de François-Joseph Ier, empereur d’Autriche-Hongrie. Douze ans et le Roi-Soleil en personne s’éclipsera !

Au-delà des records, il est incroyable de constater à quel point le monde en général, et l’Angleterre en particulier, ont été métamorphosés en six décennies. Tout a changé, tout sauf une chose, elle. Car Elizabeth II n’a pas changé ou très peu. Elle n’a que très peu changé d’allure vestimentaire, goûte toujours les couleurs criardes et les chapeaux assortis à son tailleur ou à son manteau. Certes, elle ne monte plus à cheval, ou très rarement, mais elle a conservé son amour des pur-sang, de l’équitation et des courses hippiques. Elle préfère les landes écossaises de Balmoral ou les forêts de Sandringham, dans le Norfolk, à l’effervescence de Londres.

Elle règne, mais ne gouverne pas

On sous-estime souvent le rôle du monarque. Dans le système parlementaire qui régit la monarchie britannique, Elizabeth ne gouverne pas, elle règne. Pourtant, une fois par semaine, le Premier ministre vient lui rendre visite au palais de Buckingham pour la tenir informée des affaires du pays. Elle ne décide pas, mais elle peut donner son avis. Plus le temps passe, plus son expérience est précieuse. Le Premier ministre David Cameron n’est-il pas d’ailleurs né sous son règne ? Le douzième Premier ministre de Sa Majesté. Le premier fut un certain… Winston Churchill.       

Par la grâce de Dieu

Elizabeth II est, par la grâce de Dieu, reine du Royaume-Uni, de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, du Canada, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, de la Jamaïque, de la Barbade, des Bahamas, de La Grenade, de Papouasie Nouvelle-Guinée, des îles Salomon, de Tuvalu, de Sainte-Lucie, de St Vincent-et-les-Grenadines, d’Antigua-et-Barbuda, du Bélize, de Saint-Christophe-et-Névis. Elle est aussi chef du Commonwealth et défenseur de la foi. Pour elle, sa mission est divine. C’est Dieu qui l’a placée sur le trône et l’onction qu’elle a reçue de l’archevêque de Canterbury, lors de son couronnement, le 2 juin 1953, symbolise cet engagement. Ce que Dieu a fait, seul Dieu peut le défaire et, dès lors, Elizabeth s’est, jusque-là, interdite d’envisager toute abdication.

Cet engagement de servir à vie, elle l’avait formulé la première fois au Cap, en Afrique du Sud, le jour de ses 21 ans, en avril 1947 : « Je déclare devant vous tous que je consacrerai ma vie, qu’elle soit longue ou courte, à votre service et au service de la grande famille impériale à laquelle nous appartenons », avait-elle proclamé.

Aujourd’hui, elle a réaffirmé son serment de servir à vie. Tant pis si son fils Charles est désormais le plus âgé des princes de Galles de l’histoire. Tant mieux s’il doit encore patienter cinq, dix, peut-être quinze ans ou plus. Après tout, la propre mère d’Elizabeth II ne s’est-elle pas éteinte à près de 102 ans ?

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