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G. Nadeau-Dubois, chef de file des étudiants québécois

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JOL Press : Vous êtes un étudiant, porte-parole de « La Classe ». Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est cette organisation ?

Gabriel Nadeau-Dubois : « La Classe » ( Coalition large pour l’Association d’une solidarité syndicale étudiante) est une coalition temporaire d’associations étudiantes. Elle regroupe plus de 160 associations et compte plus de 154 000 étudiants membres. Il faut savoir qu’au Québec vous faites automatiquement partie d’une association d’étudiant, dès votre inscription dans une faculté. C’est pourquoi notre représentativité est exemplaire. En ce qui me concerne, je suis étudiant en 3ème année d’histoire à l’Université de Québec de Montréal et j’ai été choisi comme co-porte-parole du mouvement étudiant.

Vous vous préparez à une nouvelle manifestation géante le 22 juin prochain, à Montréal, malgré les mesures d’interdiction introduites par le gouvernement. Qu’attendez-vous de cette nouvelle épreuve de force ?

Gabriel Nadeau-Dubois : Nous attendons très clairement que le gouvernement annule son projet d’augmentation des frais de scolarité des études supérieures et qu’il revienne sur ses récentes mesures de restrictions du droit de manifester. Cette manifestation, qui devrait largement mobiliser, montre que notre détermination ne faiblira pas. Et que, s’il le faut, nous forcerons à la tenue de nouvelles élections au Québec. Notre mouvement montre qu’il a rallié à sa cause une grande partie de la population québécoise, car c’est toute une conception de la société qui est en cause, au-delà des seules préoccupations des étudiants.

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Comment en est-on arrivé là ? Pouvez-vous nous résumer le film des évènements ? 

Gabriel Nadeau-Dubois: Les premières manifestations ont débuté en 2010, lorsque le ministère des Finances du Québec a annoncé l’augmentation des frais de scolarité des études supérieures, qui devaient passer, pour ce qui est de la part de l’Etat, de 1 625 dollars à 2 168 dollars par an, ce qui est énorme. Nous nous sommes mobilisés, car nous avons tout de suite considéré que ces mesures revenaient tout simplement à remettre en question notre système d’éducation qui favorise l’accès aux études, avec des frais moins élevés que dans beaucoup d’autres universités du Canada. Puis, le 10 novembre 2011, alors que le gouvernement avait annoncé qu’il entendait maintenir son projet, a eu lieu notre première grande manifestation qui a réuni 30 000 personnes. Le 13 février 2012, nous avons décrété la grève générale illimitée dans les universités. Le 22 mars 2012, nous avons lancé une nouvelle manifestation géante, qui a rassemblé 200 000 personnes, signe que le mouvement non seulement ne s’essoufflait pas mais, au contraire, s’amplifiait.

Pendant tout ce temps le gouvernement québécois ne vous a pas fait de proposition ?

Gabriel Nadeau-Dubois : Si, mais une proposition qui ne changeait presque rien. Ce qui nous a été proposé revenait à diminuer le montant de l’augmentation annuelle, mais à la répartir sur 7 ans au lieu de 5. Donc cela revenait au même ! C’était même se moquer de nous. Cela ne nous a donc pas arrêtés.

A quel moment le gouvernement québécois a-t-il pris des mesures drastiques pour limiter et encadrer le droit de manifester?

Gabriel Nadeau-Dubois:  Après la manifestation de mars 2012. Et cela a  été très maladroit et a provoqué la colère de toute la population, car ces mesures ont été vécues comme une véritable atteinte à notre liberté d’expression. D’ailleurs, le 22 mai 2012, bravant ces interdictions, nous avons lancé un appel à une nouvelle Manifestation géante. Entre 300 000 et 400 000 personnes se sont mobilisées. Parmi les manifestants, il n’y avait plus seulement que des étudiants, mais aussi tout ceux qui voulaient défendre la démocratie au Québec.

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C’est alors, qu’ont circulé des images montrant des étudiants faisant le salut nazi. Qu’est-ce que cela signifiait? 

Gabriel Nadeau-Dubois : C’était une provocation vis-à-vis des policiers pour leur monter que nous étions choqués par les mesures de répression prises par le gouvernement. Jamais nous n’avons connu de telles attaques. Il y a des filatures, des profiling, des contrôles… Les étudiants sont traqués et traités comme s’ils étaient de dangereux terroristes. Du jamais vu dans notre pays…C’est pourquoi certains étudiants ont fait le salut nazi à l’adresse des policiers pour leur signifier qu’ils se comportaient d’une manière excessivement autoritaire.

Ne pensez-vous pas cependant que cette augmentation des frais de scolarité est nécessaire dans le contexte de crise actuelle ?

Gabriel Nadeau-Dubois : Nous répondons à cela, qu’il existe  surtout une mauvaise répartition des dépenses au sein de l’université. L’université a privatisé certains secteurs afin de faire du profit indépendamment du projet éducatif. Elle s’est aussi lancée dans des programmes immobiliers sans rapport avec sa vocation première, coûteux et sans intérêt pour les étudiantsTout doucement, le gouvernement québécois est en train de transformer l’université et ses objectifs de transmission d’éducation. C’est pourquoi nous demandons la mise en place des Etats Généraux de l’université pour remettre à plat l’ensemble de ces perspectives.

Comment comptez-vous mobiliser pour votre nouvelle manifestation du 22 juin ?

Gabriel Nadeau-Dubois : Nous espérons mobiliser encore plus de monde et montrer au gouvernement que nous ne céderons pas à l’intimidation. Nous voulons défendre la qualité de l’éducation, qui est essentielle à notre compétitivité. Il existe au Québec 10 % de plus d’étudiants que dans le reste du Canada et cela est dû à notre politique d’aide aux études supérieures. Si cette politique est remise en question, c’est tout notre éco-système éducatif qui sera lui aussi remis en cause. D’ailleurs, nous militons aussi pour que, à terme, le Québec adopte le principe de la gratuité totale des études.

Peut-on dire que votre mouvement a provoqué aujourd’hui une crise politique et sociale majeure au Québec ?

Gabriel Nadeau-Dubois : Oui certainement. Et ce n’est pas la nomination d’une nouvelle ministre de l’Education, Michelle Courchesne, qui changera quoi que ce soit. Le Premier Ministre Jean Charest assure qu’il ne cèdera pas et qu’il en fait une question de principe. Eh bien, nous aussi nous en faisons une question de principe et nous ne céderons pas. Si le gouvernement croit qu’il va pouvoir jouer la carte de l’essouflement, il se trompe. Notre mouvement est en train de rassembler de plus en plus de monde. Il prend de l’ampleur et devient un combat pour la démocratie et la solidarité. En rigidifiant sa position, Monsieur Jean Charest est en train de s’enfermer lui-même dans une impasse politique face à la population québécoise. 

Au point de provoquer des élections à l’automne, comme certaines rumeurs le laissent entendre…

Gabriel Nadeau-Dubois : Peut-être. S’il n’y a pas d’autre issue, il faudra demander à la population de se prononcer sur ce qui est un choix de société fondamental pour notre démocratie.

Propos recueillis par Olivia Phélip pour JOL Press

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