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Les Afghans redoutent le départ des troupes américaines

[image:1,l] Une rue animée de Kaboul… Les insurgés sont descendus d’un mini-bus devant un immeuble en cours de construction. L’un d’entre eux a tiré un coup de feu en l’air, en guise de signal, puis s’est engouffré à l’intérieur du bâtiment. Les autres ont calmement rempli leurs sacs de munitions et de grenades puis l’ont rejoint.

La multiplication des « actes d’héroïsme ».

Depuis les étages supérieurs, par ce bel après-midi ensoleillé, ils avaient une parfaite vue sur leur cible : le Parlement afghan.

Hashmatullah Mohibi était au travail quand les combattants sont arrivés. Il les a vus débarquer, dans leurs vêtements traditionnels, portant des Kalachnikovs. Plus tard, en revenant sur ce qui s’était passé, il s’est indigné : « c’est clair. Si la sécurité était meilleure, comment ces gens-là pourraient venir ici et mener, sans la moindre difficulté, une telle opération ? »

Dans la ville, d’autres insurgés s’étaient postés dans un second immeuble en construction, causant le chaos dans un quartier habité par des diplomates et de riches hommes d’affaires. Au même moment, des attaques étaient menées partout ailleurs dans le pays.

À propos de ce jour d’avril, les Talibans ont parlé de « grands actes d’héroïsme ».

Beaucoup d’Afghans commencent à se préparer au départ des Américains. Ils réalisent que l’occupation prendra bientôt fin. Barack Obama a bien réaffirmé, lors du dernier sommet de l’OTAN, que ses troupes quitteraient l’Afghanistan d’ici 2014.

Une « menace systémique croissante »

En tant qu’ancien officiel taliban, Arsalan Rahmani, membre du Haut Conseil pour la Paix, une organisation internationale, avait été chargé, lors des récentes attaques, de négocier avec les rebelles. Le 13 mai, il a été abattu à Kaboul. L’assassin s’est servi d’un pistolet à silencieux. Une balle aura suffi. Un groupe se faisant appeler le Front Mullah Dadullah, en hommage à un commandant des insurgés tué en 2007, a revendiqué le meurtre.

Sara Sorkhabi, une collègue d’Arsalan Rahmani, affirme que tous les membres de l’organisation constituent une cible de choix. Elle vient de Faryab, une province du nord du pays qui a fini par être entraînée dans le conflit après des années de calme. Des militants islamistes venus de la toute  proche Ouzbékistan sont actifs dans la région.  « Les gens les aident, leur donnent à manger et un endroit où passer la nuit » explique t-elle.

Barack Obama a parlé des « excellents progrès » réalisé par les Américains en Afghanistan. Une telle déclaration laisse la population sceptique.

Les attaques des troupes étrangères par les soldats afghans sont devenues monnaie courante. L’an passé, un rapport de la coalition a évoqué une « menace systémique croissante ». Les citoyens lambdas craignent désormais aussi pour leur propre sécurité.

Le doute a laissé place à la peur

De 2006 à 2009, le général Atiqullah Amarkhil a travaillé au ministère de la défense à Kaboul. Cette mission a été la dernière de la longue carrière de celui qui fut commandant de l’armée de l’air sous le régime communiste.

Le général a mis en garde : l’armée n’a pas le soutien de l’ethnie pashtoune, qui la considère dominée par des hommes loyaux à l’alliance du nord qui l’a autrefois persécutée : « C’est la raison pour laquelle il y a un décalage entre la population et le gouvernement » estime-t-il.

Le trouble qui a toujours entouré la mission de l’OTAN a finalement laissé place à la peur. Nombreux sont les Afghans à redouter que la situation ne dégénère, une fois les Américains partis.  En conséquence, ils commencent déjà à déserter Kaboul.

Omid Ansari, agent immobilier, montre une maison vide, en face de ses bureaux, proches du palais présidentiel. L’an dernier, celle-ci était louée par une entreprise de sécurité 20 000 dollars par mois. Aujourd’hui, plus personne n’en veut. Pas meme pour  10 000 dollars. Des histoires similaires, on en entend partout en ville. Comme les expatriés, les riches Afghans ont préféré envoyer leur argent à l’étranger, craignant qu’une nouvelle guerre civile n’éclate et que l’économie ne s’effondre : « En ce moment, beaucoup de gens mettent leurs propriétés en vente. Mais il n’y a personne pour les acheter ».

Global Post/ Adaptation Anaïs Leleux pour Jol Press

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