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Mohamed Morsi : le pire cauchemar d’Israël

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[Image:1,l]Pour bien des raisons, Mohamed Morsi, le nouveau président égyptien, pourrait bien être le pire cauchemar d’Israël. Tel Aviv a-t-elle de justes raisons de s’inquiéter ?

La paix de Camp David menacée 

Mohamed Morsi est entré en politique par opposition aux accords de Camp David de 1979, qui avaient marqué l’ouverture d’une ère où Israël – ostracisée par l’ensemble des pays arabes depuis sa création – pouvait enfin rêver d’une paix dans la région. A la signature des accords, les sages sémites célébraient l’événement dans les rues de Tel Aviv.

Tous les accords de paix successifs, avec la Jordanie et ceux en cours avec l’Autorité palestinienne, sont gravés sur le monument établi en l’honneur des accords de Camp David : la terre contre la paix, même s’il s’agit parfois d’une paix chaude reposant davantage sur des intérêts économiques que sur une amitié profonde.

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« Je ne suis pas optimiste, » avoue Dr. Liad Porat, un professeur enseignant l’histoire du Moyen-Orient à l’Université d’Haifa, à propos du futur des relations israélo-égyptiennes. Porat est l’un des plus grands spécialistes israéliens des Frères musulmans, l’organisation à laquelle Mohamed Morsi appartient. Dans le cadre de son doctorat, il a lu chacune des publications des Frères depuis les années 1970.

« Je pense que, pour le moment, nous pouvons nous attendre à la perpétuation de leur position rigide en matière de relations internationales. Mais les Frères Musulmans représentent désormais la voix officielle de l’Egypte, même si le parti au pouvoir s’appelle « Justice et Liberté ». Ils vont vouloir prouver leur loyauté au Hamas et leur fanatisme vis-à-vis d’Israël. »

La position sur Israël, gage de popularité

Porat pense que c’est un terrain glissant dans lequel l’Egypte, sans annuler ouvertement son traité avec Israël, pourrait progressivement devenir l’agent principal incitant les autres pays et mouvements à se positionner contre Israël. Il pense que l’Egypte va réduire ses relations avec Israël au strict minimum requis pour maintenir des liens avec les Etats-Unis, qui fournissent 2 milliards de dollars d’assistance annuelle à l’Egypte.

« Je pense qu’à un moment cela va se jouer en fonction du sentiment populaire, » dit-il à propos du traité de paix avec Israël. « Et, bien sûr, il en parlera comme il veut en parler. »

Les changements qui ont eu lieu en Egypte ont déjà eu des implications pratiques pour Israël. L’ambassade d’Israël au Caire a été un temps la fierté de l’Etat juif dans le monde arabe. Mais en septembre dernier, une foule venant tout droit de la place Tahrir l’a prise d’assaut. Désormais, l’ambassadeur d’Israël en Egypte est basé à Jérusalem et ne se rend au Caire que lorsque c’est nécessaire.

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Les responsabilités du président peuvent jouer 

Les Israéliens connaissaient Morsi en tant que membre fondateur de nombreux comités anti-Israël au sein de l’organisation des Frères. Pendant cinq ans, député au parlement égyptien, il n’a cessé de proposer des textes de loi contre Israël.Mais certains analystes israéliens espèrent que, en tant que président, Morsi sera différent.

« Morsi n’est plus un candidat, » explique Elie Podeh, professeur d’études islamiques et du Moyen-Orient à l’Université en hébreu de Jérusalem. « Il a désormais de vraies responsabilités et son élection, avec 51% des voix, ne lui assure pas une marge de sécurité suffisante. Il devra prouver sa légitimité et sa capacité à gouverner réellement pour la nation toute entière – y compris les minorités, son opposition politique, et vraiment, le reste du monde. »

L’oracle de Ben Gourion

D’un point de vue historique, cependant, la situation ne pourrait pas être pire.

David Ben Gourion, le fondateur et premier premier ministre d’Israël, avait prédit que le futur d’Israël dans la région serait garanti par les liens entre les nations non-arabes, l’Iran et la Turquie en particulier. En gardant l’Iran, la Turquie et l’Egypte – les trois géants – séparés, son hypothèse était qu’Israël pourrait survivre.

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« Pour la première fois, nous sommes face au fait que ces trois pays sont dirigés par des fondamentalistes islamiques, » a dit Hillel Frisch, professeur à l’Université Bar Ilan et expert en affaires militaires et sécuritaires dans le monde arabe.

Morsi, plus pragmatique que fanatique

Néanmoins, pour le moment, Frisch, qui avait écrit  une analyse dévastatrice sur la vision d’une Egypte dirigée par les Islamistes l’année dernière, prend le pari que le réalisme l’emportera sur l’idéologie. Frisch est optimiste sur le fait que la situation économique précaire de l’Egypte la contraindra à « mettre ses passions idéologiques de côté. »

« Je n’ai aucun doute sur le fait que Morsi déteste Israël et souhaiterait son annihilation, » a-t-il déclaré, impassible. « Les Frères Musulmans n’ont cessé de le répéter depuis 1928 et Morsi, à 61 ans, n’est pas prêt de changer ses convictions. » Mais pour le moment, dit-il, le discours inclusif, grandiloquent du président élu est rassurant.

Quelle nouvelle aurore?

L’ancien ministre israélien de la défense, puis de l’échange et de l’industrie, Binyamin Ben Eliezer, désormais membre au parlement du Parti travailliste, est probablement l’Israélien le plus impliqué dans l’accord de paix israélo-égyptien. Né et élevé en Irak, parlant l’arabe couramment, il était le gouverneur militaire de Juda et Samarie lorsque la paix a été signée avec l’Egypte. Il y a moins d’une décennie, il a contribué à l’élaboration de l’accord de pétrole entre Israël et l’Egypte, établissant un oléoduc qui traverse le désert du Sinaï.

« J’ai le sentiment que nous sommes face à une nouvelle aurore, un nouveau monde, un nouveau Moyen-Orient, » dit-il, se moquant des termes souvent répétés du président Shimon Peres qualifiant les accords de paix d’Oslo comme « le nouvel aurore du Moyen-Orient. »

« Celui-là est bien plus religieux, bien plus haineux vis-à-vis d’Israël, islamiste et, à mon grand regret, l’axe central de tout cela, c’est l’Egypte, » déplore Ben Eliezer, un ami personnel du président déchu Hosni Moubarak, dans un échange avec GlobalPost.

Aujourd’hui, Ben Eliezer prédit une glaciation « drastique » des relations entre Israël et l’Egypte. « [Morsi] va adopter le plus petit dénominateur commun possible tout en garantissant qu’il ait toujours ses deux milliards américains, » dit-il.  

Des conséquences graves pour toute la région 

Ben Eliezer envisage que Morsi, président, va tenter de renégocier l’un des articles principaux du traité de paix, qui stipule que le désert du Sinaï longeant les deux nations doit demeurer une zone démilitarisée. Le Sinaï, dit-il, pourrait « se transformer en une poudrière régionale. »

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« Je suis très pessimiste, » ajoute-t-il. Cependant, l’ancien ministre espère qu’Israël agira sur deux fronts, en continuant à nourrir ses liens militaires et sécuritaires avec l’Egypte, tout en trouvant un terrain d’entente avec les islamistes. L’inconnu, comme il qualifie ce futur, est vaste.

« Les gens parlent de cette révolution comme si elle était achevée, mais nous n’en sommes qu’au début. Nous sommes encore en plein tremblement de terre. Morsi va devoir prendre des décisions cruciales, la première étant la direction qu’il va prendre. Les gens veulent de la nourriture, du travail et du logement. Les populations massives défilant sur la place Tahrir veulent être récompensés pour leurs efforts, ils veulent de l’espoir, de la vie. Ils ont des attentes. Morsi doit décider s’il veut entrer en conflit avec Israël ou s’il veut poursuivre le cours de la révolution et se concentrer sur la satisfaction des revendications sociales, économiques et démocratiques. »

GlobalPost / Adaptation Annabelle Laferrère – JOL Press

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