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Mohamed Morsi: un islamiste pour tourner la page Moubarak

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13 millions de voix. Ce n’est pas beaucoup si l’on considère que 50 millions d’électeurs égyptiens étaient appelés à élire leur président.

Légitimé par l’électorat islamique

Avec 51,73% des suffrages exprimés, Mohamed Morsi est devenu, dimanche 24 juin, le tout nouveau président égyptien.

Pourtant, ce Frère musulman, désormais à la tête du pays, n’aurait jamais dû être candidat. Surnommé la « roue de secours », Mohamed Morsi a été désigné par le parti Justice et Liberté pour reprendre le flambeau de Khaïrat al-Chater dont la candidature avait été invalidée en raison de deux condamnations à des peines de prison du temps d’Hosni Moubarak.

Réputé peu charismatique, il n’a pas été chaleureusement accueilli par le Parti lors de l’annonce de sa candidature. Pourtant, au fil de la campagne, ce dernier, soutenu par le gigantesque réseau dont disposent les Frères musulmans à travers le pays, a gagné en confiance et cela lui a permis de gagner le cœur des membres de son parti et de nombreux Égyptiens.

Il a notamment été très habile pour attirer les électeurs religieux, faisant de nombreuses références au Coran, à Mahomet et promettant l’instauration d’un Etat islamique.

Attirer les votes chrétiens et libéraux

Pour attirer de nouveaux électeurs, Mohamed Morsi a ensuite, au fil de sa campagne, tenu un discours mesuré et tempéré ses propos sur la charia. Il a notamment été surpris à ne pas répondre à une question concernant le port du bikini sur les plages des stations balnéaires, considérant que le sujet était, selon lui, « très marginal » et devait être examiné par des spécialistes.

C’est après le premier tour que le discours du candidat islamiste s’est particulièrement modifié. En face du candidat Ahmed Chafik, héritier de l’ancien régime et dernier Premier ministre d’Hosni Moubarak, il s’est posé en défenseur des libéraux, avides d’une nouvelle Egypte après la révolution du 25 janvier. En cela, il s’est posé en garant des valeurs de la place Tahrir. « Nous vivons un moment décisif de notre histoire, nous devons mettre fin à la farce de l’ancien régime » a-t-il déclaré alors qu’il était interviewé sur une chaîne nationale. « Nous ne pouvons pas permettre le retour de l’ancien régime. »<!–jolstore–>

Elu par des islamistes

Durant sa campagne, si le candidat Morsi s’est efforcé de calmer les craintes que peut susciter l’arrivée des islamistes au pouvoir, en promettant notamment de protéger les droits de la population chrétienne copte – qui représente 10% de la population égyptienne -, ce n’est que grâce au vote islamique que le candidat Morsi a été élu.

En effet, les Frères musulmans ont largement souffert de plusieurs éléments durant cette campagne. Leur majorité au Parlement, élu en janvier dernier et dissout par l’armée la veille du second tour des présidentielle, a dissuadé de voter pour lui une partie de la population égyptienne, refusant de voir le pouvoir législatif et exécutif aux mains de la même confrérie.

D’autre part, la communauté chrétienne, comme les libéraux issus de la révolution, ont, dans leur majorité, préféré le candidat de l’ancien régime à un candidat islamiste.

Un ancien des Frères musulmans

Cet ingénieur de 60 ans, diplômé de l’Université du Caire en 1975, puis de l’Université de Caroline du Sud, aux Etats-Unis, en 1982, prétend proposer un véritable « projet de renaissance » à l’Egypte post-révolutionnaire.

Né le 20 août 1951, Mohamed Morsi est issu d’une famille rurale installée dans le delta du Nil, dans le gouvernorat d’Ach-Charqiya. C’est au cours de ses études qu’il choisit d’adhérer aux Frères musulmans. Les années passant, il accède à toujours plus de responsabilités au sein de la confrérie. Il devient alors responsable des relations avec le Soudan, directeur de la section des Affaires étrangères, membre du Conseil de guidance – principale autorité du mouvement.

Grand militant anti-israélien, membre notamment du Comité de résistance au sionisme, il veut installer de nouvelles « relations plus équilibrées avec les Etats-Unis » et, dans le même temps, a déjà menacé le pays, qui fournit à l’Égypte de belles aides financières, de revoir le Traité de paix avec Israël si les Etats-Unis décidaient de revoir leur contribution.

Le dernier combat sera contre l’armée

Il a également fallu à Mohamed Morsi s’assurer les bonnes grâces de la toute puissante armée qui, depuis qu’elle assure l’intérim de l’exécutif en Egypte, s’est accaparé certains pouvoirs qu’elle n’est désormais pas prêts à abandonner. Mohamed Morsi s’est notamment engagé à nommer un ministre de la Défense en accord avec le Conseil suprême des forces armées (CSFA). Annonce intervenue, bien évidemment, avant que l’armée en question ne publie sa « déclaration constitutionnelle », texte dans lequel elle annonce qu’à l’avenir, elle nommera elle-même son ministre de la Défense.

La victoire n’est donc pas acquise pour le nouveau président. Avant de reconstruire l’Egypte, le président islamiste, dont on ignore encore l’étendue des prérogatives en l’absence de constitution, devra se frotter à l’armée qui cherchera elle-même à outrepasser les futurs pouvoirs du président pour conserver ses privilèges et faire fructifier son trésor qui représente près de 40% du PIB égyptien.

Dans la mesure où la désormais célèbre « déclaration constitutionnelle » accorde à l’armée un droit de regard sur la formation de l’assemblée constituante et un droit de véto sur la constitution rédigée, le président au pouvoir peut déjà s’attendre à une lutte acharnée à partir de son investiture, prévue le 1er juillet prochain.

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