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Un «coup d’État» de l’armée, tout simplement

[image:1,l]Je ne dirai pas « on vous avait prévenus » mais, dans nos derniers articles publiés à l’occasion de l’élection présidentielle égyptienne, nous avions largement répété que la seule chose qui était assurée dans ce scrutin historique est que justement, rien n’était sûr.

Des évènements extraordinaires

« Ne faites aucune prédictions, » écrivions-nous alors.

Nos conseils se sont révélés judicieux. Mais, même en tenant compte du climat politique sauvagement imprévisible de l’Égypte contemporaine, les évènements qui surviennent actuellement nous apparaissent vraiment extraordinaires.

Après deux jours d’un scrutin très attendu, les 16 et 17 juin, il semblerait que le candidat des Frères musulmans, Mohamed Morsi, ait été élu avec plus de 52% des voix. C’est en tout cas ce que prédisent les experts présents sur place et ce que clament les Frères musulmans depuis le lendemain du dernier jour de scrutin. Mais, le candidat de la vieille-garde d’Hosni Moubarak, Ahmed Chafik revendique également la victoire.

Encore une fois, ne faisons aucune prédiction.

« Coup d’État en douceur » ou « coup d’État » tout court

Alors que les résultats du scrutin ne sont pas officiels et ne devraient l’être qu’à partir du 21 juin, une seule chose est certaine : l’armée détient aujourd’hui le pouvoir et elle n’est absolument pas disposée à l’abandonner.

Pour Shadi Hamid, directeur de recherche au Brookings Doha Center et spécialiste de la question égyptienne, les évènements qui ont animé l’Égypte la semaine dernière ne peuvent être qualifiés autrement que par l’expression « coup d’État en douceur » de l’armée égyptienne.

Effectivement, dans un premier temps, l’armée a dissout le Parlement, élu en janvier dernier avec une large majorité de 70% pour les Frères musulmans et, plus largement, les différentes factions islamistes. Cette démonstration de machiavélisme pourrait être considérée comme un petit coup d’État. Mais lorsque l’armée a soudainement publié sa « déclaration constitutionnelle », dans la soirée de dimanche 17 juin, annonçant qu’elle allait garder le contrôle sur son budget ainsi que sur la rédaction de la future constitution, il a alors été difficile de voir les évènements autrement que par un « coup d’Etat » pur et simple.

Un président, oui, mais pour quels pouvoirs ?

L’armée, qui contrôle, selon certains experts, entre 30 et 40% de l’économie égyptienne, ne lâchera pas de pouvoir. Si celle-ci affirme qu’elle confiera l’exécutif à un président civil, dès que celui-ci sera élu, la question demeure de savoir quelles prérogatives reviendront alors à l’exécutif ?

Une réponse en deux mots : très peu.

Si les États-Unis encourageaient la démocratie

Pendant des mois, le Département d’État américain s’est mis en « mode écoute » vis-à-vis de l’Égypte. Il n’y avait d’ailleurs que peu de choses à faire, ces derniers temps, à part écouter.

Mais, désormais, Shadi Hamid, tout comme de nombreux experts de la question, estime que les Etats-Unis sont à un moment charnière où ils doivent choisir. Sont-ils du côté de la démocratie ou vont-ils laisser l’armée s’emparer du pouvoir ?

Depuis des décennies, les États-Unis ont favorisé la stabilité politique dans cette région. Ils ont soutenu les dictatures et contrarié les mouvements islamistes, comme les Frères musulmans, pour assurer cette stabilité recherchée.

Mais une des conclusions qu’il faut tirer, après des mois de Printemps arabe, est que cette stabilité était en fait bien fragile, et ce partout dans le Moyen-Orient.

Désormais, les États-Unis vont devoir faire plus qu’écouter. Ils devront, tout simplement, décider s’ils soutiennent la démocratie ou non.

Shadi Hamid, pour sa part, propose aux États-Unis de mettre un terme à leur généreuse aide financière accordée à l’armée égyptienne, au moins jusqu’à ce que la démocratie ait réellement progressé en Égypte.

Cela pourrait être une très bonne idée de notre point de vue.

Global Post / Adaptation Sybille de larocque – JOL Press

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