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Censure et atteintes aux libertés: les nouvelles armes de Poutine

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Une attaque préventive de Vladimir Poutine

Vendredi 13 juillet, le Parlement russe a voté une loi criminalisant la diffamation, le même jour qu’était adoptée une autre loi désignant les ONG recevant de l’argent non-russe comme des « agents étrangers ».

Ces mesures portent un double coup aux militants de l’opposition, qui considèrent que le gouvernement a entamé une offensive contre la dissidence afin de la museler avant les protestations et les manifestations prévues en automne.

L’endiguement d’Internet en ligne de mire

Deux jours plus tôt, le parti Russie Unie proposait une loi à la chambre basse, qui visait cette fois la régulation d’Internet, et qui était presque immédiatement votée et aprouvée. Cette loi avait créé un véritable tollé dans le pays, où la communauté internet très dynamique, craint la censure plus que tout. Immédiatement les géants de la Toile, comme Google n’avaient pas manqué de protester… Mais, pour Vladimir Poutine, Google serait-il assimilable également à un  « agent étranger » ?   

De leur côté, les parlementaires de Russie Unie ont prétexté que cette loi visait à lutter contre la pornographie infantile, les sites promouvant le suicide ou encore l’abus de drogues.

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Les réseaux sociaux, nouveau carrefour de la protestation

Mais pour les jeunes militants de classe moyenne qui avaient été au cœur des protestations sans précédent à l’encontre de Vladimir Poutine, protestations largement organisées via les réseaux sociaux, le but de cette mesure est tout différent.

« Compte tenu de certaines réalités en Russie, il est évident que le but est de créer un levier de pression sur le seul moyen vraiment libre de s’informer dans le pays. » nous confie Roman Goldshtein, un jeune étudiant assistant régulièrement aux protestations à Moscou.

La loi, si elle était mise en application, permettrait au gouvernement d’établir des listes noires de sites internet et d’obliger les propriétaires de ceux-ci ou les fournisseurs d’accès de les fermer.

Une loi largement condamnée à l’étranger

Les Etats-Unis ont d’ailleurs condamné la mesure. Mardi, la version russe de Wikipédia avait été mise hors ligne en guise de protestation : le site n’affichait que son logo et la page d’accueil était barrée d’un lapidaire « Imaginez le monde sans information libre ».

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Yandex, le moteur de recherche le plus populaire en Russie, a publié un communiqué déclarant que le projet de loi « prépare le terrain pour d’éventuels abus et soulève beaucoup de questions pour les internautes et les représentants de notre entreprise ». Jeudi, Google s’est mêlé à la fête, communiquant pour sa part en ces termes : « [Le projet de loi] menace l’accès des utilisateurs à des sites légaux. »

Pour Oleg Kozyrev, un spécialiste d’Internet et blogueur de premier plan, la précipitation avec laquelle la loi a été proposée puis votée parle d’elle-même. « Cela montre qu’il n’y avait pas de désir de créer un instrument pour lutter contre des phénomènes négatifs [existant de longue date]. Ils veulent établir une base juridique pour pouvoir fermer des sites indésirables, c’est aussi simple que cela. »

Un retour en arrière

A la suite de cette première loi, le gouvernement a fait voter deux autres mesures. La première vise à établir une peine de 125 000 euros d’amende pour les actes de calomnie ou de diffamation, moins d’un an après que celles-ci aient été dépénalisées par l’ancien président Dimitri Medvedev.

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Les ONG sous contrôle

La seconde consiste à obliger les ONG financées en partie ou entièrement par des Fonds étrangers à fournir un rapport minutieux de leurs finances aux autorités et à se désigner dans toutes leurs publications ou services fournis comme des « agents étrangers ». Un terme faisant directement référence aux récurrentes accusations d’espionnage formulées par le régime de Vladimir Poutine à l’encontre des ONG étrangères, en particulier celles travaillant dans le domaine des droits de l’Homme. Le projet a largement été critiqué par l’Union européenne et par les Etats-Unis.

Ces trois projets de loi doivent d’abord être votées par la Chambre haute, une formalité, avant d’être promulgués par le président Vladimir Poutine. Sur le net, on essaye de plaisanter de la chose. Notamment sur Twitter où le tag « #diffameztantquevouslepouvezencore » est devenu l’un des plus populaires dans le pays.

Une contre-offensive du pouvoir

Mais nombreux sont ceux qui pensent que ces mesures font partie d’un plus large arsenal répressif, mis en place en réponses aux violentes échauffourées de Mai dernier qui ont fait suite à l’investiture de Vladimir Poutine pour son troisième mandat de Président.

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Les limitations au droit de manifester

Depuis, le montant des amendes qui sanctionnent une participation à une manifestation non autorisée a été considérablement augmenté tandis que plusieurs leaders de l’opposition ont vu leur domicile perquisitionné. Les manifestants craignent que la loi soit utilisée pour traquer les leaders de l’opposition qui communiquent via les réseaux sociaux.

Pas de mort d’Internet à prévoir

Toutefois, Oleg Koryzev tient à rassurer ceux qui craignent que la Russie ne suive le chemin de la Chine en matière de censure internet. Pour lui, le web russe est bien trop développé et utilisé pour être totalement placé sous contrôle.

Pas de « black-out total » donc. En revanche, le blogueur craint des représailles ciblées contre certains médias, des fermetures temporaires de sites ou de blogs et surtout la mise sous pression de tout site web considéré comme « indésirable ».

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