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De New York au Cap, l’engagement solidaire de deux femmes séropositives

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Il y a des dizaines de milliers d’histoires autour de l’expansion rapide de la communauté des agents de santé dans le monde. Voici deux d’entre elles, l’une en Afrique et l’autre en Amérique.

Afrique du Sud : le destin de Nozi Samela

Lorsque Nozi Samela est arrivée dans les bureaux de mothers2mothers, au Cap, en Afrique du Sud, elle avait un but précis. Récemment devenue membre de l’association, elle travaille désormais dans la branche communication. Elle s’occupe des mères séropositives et met en place des programmes visant à prévenir la transmission de la mère à l’enfant.

Le combat auprès des femmes séropositives

Née dans une province d’Eastern Cape, d’une mère célibataire, Nozi Samela est devenue orpheline à sept ans, et a dû se débrouiller par elle même avec ses frères aîné et cadet. Les trois jeunes enfants ont déménagé au Cap, où ils ont grandi entre les bidonvilles de Khayelitsha et Philippi. Leur tante et leur oncle se sont battus pour prendre soin d’eux.

Nozi Samela fut la première de la famille à obtenir son diplôme d’études secondaires, et avait l’intention d’aller à l’Université. Au moment de s’inscrire, elle a découvert que sa tante avait dépensé l’argent qu’elle avait économisé. Au lieu de le dire aux autres membres de sa famille, elle a menti en déclarant qu’elle n’avait pas été retenue. Elle a ensuite travaillé dans une station essence afin de joindre les deux bouts et de contribuer aux impôts de la famille.

A l’âge de 20 ans, elle est tombée enceinte. C’est à ce moment qu’elle a découvert qu’elle était séropositive, et s’est tournée vers l’association mothers2mothers.

Dans le bureau de mothers2mothers, dans sa clinique locale, Nozi Samela a commencé à fréquenter des groupes de soutien, qui lui ont redonné confiance. Grace aux encouragements de sa « mère-mentor », elle a avoué sa maladie à sa tante et ses cousins.

Le regard des autres

« Si les gens ont dit des méchancetés, il ne me les ont jamais dites en face » se souvient-elle. « Parfois, ils se rassemblaient et discutaient derrière mon dos, mais personne n’a eu le courage de me les dire en face, et je ne m’en suis jamais soucié ».
Neuf mois plus tard, alors qu’elle continuait de participer aux séances avec les groupes de soutien, Samela a donné naissance à un petit garçon en pleine santé. Par la suite, elle est elle même devenue une « mère-mentor », dans la clinique où on l’avait autrefois aidée. Elle ne travaillait qu’un jour par semaine, mais était désireuse de donner plus d’heures de son temps.
« Je me suis dis que je ne voulais pas que mon fils souffre de la faim, ou traverse ce que j’ai vécu » explique t-elle.[image:2,f]

Découverte d’une vocation

Assez rapidement, Nozi Samela s’est mise à travailler quatre jours par semaine à l’association. Avec l’aide des conseils de mothers2mothers, elle a ouvert son premier compte bancaire, et a fait l’acquisition d’une case du côté de Khayelitsha.

Chez elle, elle a commencé à utiliser les compétences qu’elle avait apprises pour soigner sa cousine, qui mourrait lentement du SIDA. Elle l’a soignée jusqu’à sa mort, et a pris soin de ses enfants. Nozi Samela a véritablement embrassé sa vocation de mentor. Elle est même devenue ambassadrice pour l’organisation et a voyagé aux Etats-Unis afin d’évoquer sa propre histoire en tant que mère séropositive. Ce n’était hélas pas la fin de l’histoire pour la jeune femme.

Le cauchemar d’une mère

Un samedi, en hiver, alors qu’elle regardait  « Toy Story » avec Khanya, son fils de trois ans, le pire est arrivé. Alors qu’elle l’avait laissé jouer avec un ami, elle remarqua que son fils ne revenait pas. Après trente minutes de recherche sans succès, elle demanda à sa famille de l’aider. Quatre heures plus tard, Khanya était toujours introuvable.

« Un garçon qui jouait dehors m’a dit qu’il avait vu un jeune enfant qui avait été frappé par une voiture près d’un garage » se souvient-elle.

Nozi Samela s’est donc précipité à l’hôpital voisin, qui se trouvait être celui ou elle avait travaillé. « Personne ne voulait me parler et me dire ce qui se passait. A un moment, il m’ont dit « asseyez-vous ». Je savais ce que cela signifiait ». Khanya était décédé en arrivant à l’hôpital.

La dépression…

« Dans les semaines qui suivirent, je ne pouvais plus entendre parler de l’organisation » explique Samela. « Elle s’appelait mothers2mothers, et je n’était plus une mère ».

Elle a cessé de se présenter au travail, et a pensé qu’elle serait congédiée. Au lieu de cela, elle a reçu plus de soutien de ses collègues de l’association que de sa propre famille. Beaucoup d’entre eux se rappellent avec douleur la mort de son fils.

Nozi Samela est alors retournée au travail et a continué à être un mentor pour les mères de Khayelitsha,  sans toutefois réussir à être aussi engagée qu’autrefois. « J’ai dû me lever chaque matin et y aller même si j’avais envie d’arrêter » dit-elle.

…Puis la renaissance

Quelques mois plus tard, une jeune femme s’est présentée à Nozi : elle venait de perdre son enfant. « Elle pleurait et je n’aime pas voir des gens pleurer ». Elle a donc décidé de partager sa propre histoire avec sa « patiente ». Un épisode qui l’a fait réfléchir, et qui lui a rappelé que son travail n’était pas important que pour elle. Deux ans plus tard, elle était promue au Bureau central de la communication, au Cap.

« Je ne sais pas ce qui serait arrivé si je n’avais pas connu mothers2mothers, dans cette clinique Khayelitsha » dit-elle en secouant la tête.

L’année dernière, Nozi Samela s’est remis à fréquenter un homme en sachant « qu’il était temps pour elle d’être mère à nouveau ». « Peut-être que mon fils aurait voulu un petit frère ou une sœur » explique t-elle.

Elle est donc retombée enceinte. Encore une fois très entourée, son seul souhait était d’avoir un enfant normal et sain. Elle a donc suivi un plan de traitement périnatal, censé réduire le risque de transmission du VIH. Elle attend une petite fille pour la fin du mois d’Octobre. Une date qui lui paraît lointaine, tant elle a du mal à contenir son excitation.

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Amérique du Nord : l’engagement de Susan Rodriguez

A l’autre bout du monde, Susan Rodriguez fait le même travail à Harlem, quartier pauvre de New York, et essaye de trouver des moyens d’aider les femmes atteintes du SIDA. Susan Rodriguez a été diagnostiquée comme séropositive en 1995. Peu de temps après, elle devenait veuve avec trois enfants sur les bras, dont l’un était également positif. Sa fille, Christina, âgée de 21 ans. Elle avait contracté la maladie de son mari décédé. Pour elle, cela été un véritable choc.
« Je savais que j’avais besoin d’informations pour continuer à vivre » dit-elle. Mais elle savait aussi qu’elle n’était pas la seule.

Pour répondre aux besoins des femmes séropositives comme elle, Susan Rodriguez a fondé SMART University, un Institut qui aide les femmes infectées par le VIH. Son objectif était de créer un espace sécurisé, afin que les femmes malades reçoivent l’éducation dont elles avaient besoin en terme de santé et de prévention, mais aussi un soutien moral.

Comprendre les besoins des femmes

Alors que la plupart des employés de SMART ont une formation dans le travail social, certains, comme la fille de Susan, âgée de 21 ans n’en ont on aucune.
Exactement comme mothers2mothers, SMART University a débuté parce que des personnes séropositives avaient besoin de services. L’idée consistait à dire que ceux qui étaient aussi séropositifs pouvaient contribuer à améliorer la santé et le moral des autres malades. Ces femmes ont compris les vrais besoins des patientes, car elles partagent la même maladie.

L’organisation aborde les problèmes de santé auxquelles les femmes sont confrontées, mais aussi ceux qu’elles peuvent rencontrer dans leurs communautés, où on peut les empêcher d’avoir accès à des aliments sains, ainsi qu’à l’éducation.

Une mère engagée

« SMART University sert de pont entre les médecins, les patients et les experts » dit Susan Rodriguez.

Ces programmes sont extrêmement importants dans les quartiers pauvres, ce qui explique pourquoi elle estime que SMART ne sert qu’un marché « de niche » dans la communauté pauvre d’Harlem.

Lors des réunions qu’elle organise, Susan vient toujours plus tôt pour couper des fruits et préparer de la nourriture, afin que les membres puissent profiter d’une collation dès leur arrivée. L’association propose également des cours de cuisine, où les participantes peuvent emporter les restes pour se constituer un garde-manger.

« Nous voulons que les gens appliquent ce que nous prêchons, alors on fait le travail, et on cherche de l’argent ensuite » ajouté Susan Rodriguez.[image:4,l]

Le problème du financement

Le programme doit faire face à un immense défi : le financement. Malheureusement, le financement fédéral néglige souvent les programmes de base comme celui de Susan. Une situation déconcertante, car les personnes qui travaillent pour SMART University, ou pour d’autres programmes de santé communautaires ont souvent un véritable impact sur la vie des gens.

« Ces femmes traversent une transition et tentent de se reconstruire, ce qui passe par la recherche de leur propre voie. Devenir une membre de la communauté leur permet d’apprendre à se défendre » explique Susan Rodriguez.

SMART University repose sur des financements à la fois publics et privés. Dans ce contexte économique difficile, les rentrées d’argent pour les organisations comme la sienne sont en baisse. Susan ne sait pas encore combien de temps elle gardera ses portes ouvertes.
Mais malgré ces difficultés financières, elle n’a pas l’intention de renoncer : « Chacune d’entre nous représente des milliers de femmes. Il n’a pas de solution miracle ». Mais nous partageons et c’est cette entraide qui nous sauve.

Global Post/ Adaptation Henri Lahera pour JOL Press

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