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La charia écartée, Gaza commence à revivre

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La charia, de l’histoire ancienne ?

Cinq ans après avoir pris le pouvoir dans la Bande de Gaza, le mouvement du Hamas semble être complètement revenu en arrière sur ses tentatives d’imposer à la lettre les écrits islamiques dans la vie quotidienne des habitants. 

Il fut un temps où la police très barbue du Hamas patrouillait agressivement dans les rues et plages de Gaza, traquant les câlins, les couples non mariés et intimidant les vendeurs de lingerie osée. Le gouvernement contraignait les avocates à se voiler à la Cour. Se référant aux traditions islamiques, il avait annoncé en 2010 l’interdiction aux femmes de fumer la chicha.

Mais maintenant, disent les locaux, la Bande de Gaza est devenue bien plus libérale.

Les commerçants peuvent faire leur travail normalement

« Le gouvernement ne vient plus du tout me surveiller, » s’exprime Said Al Helou, 35 ans, le propriétaire du magasin de lingerie de la ville de Gaza.

Même les coiffeurs, qui avaient pour ordre de la part du ministère de l’Intérieur de ne pas couper les cheveux des femmes, ont récupéré leur clientèle féminine.

Dans Gaza, la capitale relativement libérale, en bord de mer, les femmes – beaucoup ne portant pas le voile – peuvent plus facilement retrouver des hommes dans les cafés, fumer la chicha et porter des tee shirts, jeans moulants et talons hauts.

« Au début, il y a quelques années, la police du Hamas m’avait dit de ne jamais afficher en vitrines une photo ou un mannequin qui révèlerait le corps de la femme, » explique Al Helou. Les mannequins en cire remplissent désormais la vitrine de sa boutique, exhibant des tenues parfois légères. 

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Le Hamas se libéraliserait par stratégie

Le Hamas – un acronyme arabe pour « Mouvement de Résistance Islamique » – appelle, dans sa charte, à l’établissement d’un Etat islamique dans le territoire qui regroupe aujourd’hui Israël et les Territoires Palestiniens.

Mais il semble être en train d’abandonner son but officiel d’imposer la loi islamique (charia), donnant l’impression aux habitants qu’il devient de plus en plus tolérant, et s’adapte à son rôle et ses responsabilités en tant que gouvernement

Le Hamas était monté au pouvoir après avoir évincé le Fatah dans une série de batailles sanglantes dans les rues de Gaza en 2007. Après une période d’isolation diplomatique et économique, le Hamas essaye désormais de développer des relations avec plus de pays étrangers et, pour cela, semble obligé de faire des compromis sur la charia.

Un retour à la sécularité du temps du Fatah ?

« Les filles se sentent plus libres de porter ce qu’elles veulent, et je pense que cela va à l’encontre de l’Islam, » analyse au contraire Abdullah Mohammed, 28 ans, vendeur de parfum à Gaza. « Mais je ne pense pas que le gouvernement doive s’impliquer, » dit-il. « Je veux que les gens retournent à l’Islam, mais cela devrait venir de leurs convictions personnelles. Pas de la loi. »

Mohammed avait lui-même été arrêté par un policier à Hamas en 2009, alors qu’il marchait sur la plage avec sa fiancée. Il raconte que les histoires de policiers harcelant hommes et femmes, demandant la nature de leur relation, appartiennent au passé.

Et alors que Gaza est clairement conservatrice, et que la plupart des femmes sont voilées, les coutumes sont surtout transmises de manière informelle par la société et la famille.

Plus de 90% des 1,5 millions d’habitants de Gaza sont musulmans, mais le territoire abrite aussi une minorité de chrétiens et sécularistes – ainsi que de musulmans s’opposant à l’interférence du gouvernement dans les affaires personnelles ou religieuses.

Dans les années 1990, sous le parti Fatah, à tendance séculaire, la côte de Gaza regorgeait de bars et clubs de danses du ventre.

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Un tournant pour le Hamas

« [Le Hamas,] ce sont des radicaux, mais ils ont modifié leur impulsion initiale à imposer la charia à cause de la pression générale, » explique Eyad Sarraj, un psychiatre de 68 ans vivant à Gaza, et consultant pour la délégation palestinienne au sommet de Camp David en 2000.

« Ils venaient à ces endroits – aux restaurants – et ils empêchaient les femmes de fumer la chicha, » dit-il. « Ils ont forcé les restaurateurs à signer des documents stipulant qu’ils ne serviraient pas de chicha aux femmes. Et cela a causé beaucoup de problèmes. »

Maintenant, il y a même une poignée de femmes employées dans quelques-uns de ces cafés servant la chicha sur la côte de Gaza – quelque chose qui aurait été impensable il y a quelques années.

Les radicaux de plus en plus minoritaires

Néanmoins, dans les bastions les plus conservateurs de la région – dans les villes du sud comme Rafah ou Khan Younis, par exemple – les prêcheurs fondamentalistes font quelques apparitions à la plage pendant l’été, vantant les mérites de la « vertu » et prévenant les jeunes des dangers des comportements impies, comme fumer ou jouer aux cartes. Les campagnes ne sont pas sponsorisées par le gouvernement, mais le Hamas a tendance à tolérer ce prosélytisme dans les quartiers les plus conservateurs.

Beaucoup ici avancent la thèse selon laquelle le Hamas aurait prétendu vouloir imposer la charia afin de prouver ses convictions islamistes à une minorité chevronnée de fondamentalistes à Gaza, les Salafistes, certains d’entre eux étant prêts à aller au front si le djihad le requiert.

Taher Al Nounou, un des porte-paroles du gouvernement du Hamas, a souligné l’importance de la nature « modérée » de leur gouvernance islamique, et ne considère pas les fondamentalistes comme une menace, tant leur nombre est insignifiant.

Des bans symboliques, mais une ambiance plus « cool »

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L’alcool est toujours officiellement banni, comme le sont les mariages intercommunautaires et les fêtes dansantes. Mais le sentiment que ressentent les locaux est que le Hamas et son gouvernement se sont résignés à laisser les gens vivre.

Ceux qui produisent leur propre vin et autres liqueurs à la maison ne sont plus arrêtés par les forces de sécurité. Et, deux nuits par semaine, à Al Mashtalpremier hôtel cinq étoiles de Gaza, un dj local joue de la musique arabe pop à des couples au bord de la piscine, fumant et buvant du jus de fruit frais.

Alaa Abu Ghesh, l’ancien responsable de Valencia, restaurant sophistiqué dans un nouveau centre commercial, dont les gens pensent qu’il appartient aux hommes d’affaires affiliés au Hamas, a dit ne recevoir aucune pression de la part du gouvernement pour diviser le restaurant entre sexes.

« C’est parce qu’au Hamas, ils ont enfin réalisé qu’ils sont des gens comme tout le monde, » pense Khalil Abu Shammala, directeur d’Al Dameer Association for Human Rights, organisation basée à Gaza.

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Global Post / Adaptation Annabelle Laferrère – JOL Press

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