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«La Flamme qui m’a fait aimer les Jeux»

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Je pense que mes collègues et moi-même avons donné jusqu’à présent l’impression de ne pas être très enchantés par l’arrivée des Jeux dans notre capitale. Je dois vous dire que ce n’est plus le cas.

J’ai vu la Flamme

La Flamme Olympique est passée ce samedi 21 juillet à Stoke Newington, un quartier résidentiel de Hackney, au nord de Londres. Tout le monde est sorti jeter un coup d’œil. Mieux encore, on ne s’est pas fait arroser par la pluie. Les trois derniers mois ont battu tous les records de précipitations – et ce n’est pas rien au Royaume-Uni ! Et non seulement il n’a pas plu, mais il a même fait beau.

Les Londoniens se sentent rejetés

Le changement de comportement est encore plus incroyable si l’on prend en compte ce qui s’est passé avant. De maintes façons les organisateurs et les autorités locales ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour nous faire ressentir, à nous qui habitons dans les environs du Parc Olympique (la grille arrière est à 5 km de ma porte d’entrée) que nous n’étions pas les bienvenus.

Exhortés à partir loin de chez eux

Je ne fais pas mon susceptible. Depuis des mois le message est clair : « Si vous n’avez pas absolument besoin d’être là, allez-vous-en. Les transports en commun ce sera l’horreur, et la voiture, n’y pensez même pas ». A Angel, le point de correspondance principal entre le centre de Londres et mon quartier résidentiel, on nous a donné des dépliants plastifiés produits en masse nous expliquant quels bus seraient détournés et quelles lignes de métro seraient particulièrement bondées – toutes en fait. Prévoir des alternatives, qu’ils disent. Oui, partir en vacances quoi.

Mais nous ne sommes pas les seuls à avoir été traités de la sorte, nous qui habitons si près.

Le business des Jeux

Le Comité International Olympique et son partenaire le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été de 2012, ont tenu depuis le début à leurs droits de propriété intellectuelle en ce qui concerne le business autour des Jeux.

L’utilisation du logo olympique ou même de l’expression « Londres 2012 » par des petits commerçants a déchaîné les foudres de leurs avocats. Un boulanger du sud de Londres qui avait mis ses bagels comme les anneaux du drapeau olympique a reçu une ordonnance de cessation et d’abstention.

Même la famille de la Duchesse de Cambridge, anciennement Kate Middleton, a reçu une lettre de menace. Ils fabriquent et commercialisent des articles de fête et avaient une ligne d’assiettes en carton et de serviettes en papier aux couleurs olympiques. Les avocats des Jeux ont menacé la famille Middleton de sanctions.

Droits exclusifs sur la nourriture des JO

Et puis est tombée la nouvelle que trois sponsors olympiques (dont je tairai le nom) avaient des droits exclusifs en ce qui concerne l’alimentation et les boissons au sein du Parc olympique. Et ils ne comptent pas partager. Cela veut dire qu’aucune personne de la capitale londonienne, passée pourtant en 20 ans de désastre culinaire à meilleur ville gastronomique du monde (et je suis de New York) ne pourra vendre de la nourriture aux Jeux.

Aucune bière brassée à Londres ne pourra non plus être achetée. Pour les visiteurs, c’est vraiment dommage. La bière britannique a évolué aussi bien que la nourriture, et le New York Times l’a récemment constaté.

Tout cela a vraiment donné l’impression que Londres 2012 n’a en fait rien à voir avec Londres.

Même Danny Boyle, réalisateur oscarisé de Slumdog Millionaire, n’a pas son mot à dire

Et puis il y eu l’histoire de la dispute entre Danny Boyle et les services de diffusion pour les Jeux olympiques, qui ont les droits exclusifs sur l’installation des caméras. Boyle, le réalisateur oscarisé de Slumdog Millionaire et 127 heures, met en scène la cérémonie d’ouverture. Le journal The Guardian expliquait il y a quelques jours que Danny Boyle ne pouvait pas placer les caméras là où il le voulait. Les relations avaient l’air très tendues.

Le fiasco G4S

Et n’oublions pas le fiasco G4S. G4S est l’agence privée de sécurité au contrat de 320 millions d’euros pour fournir plus de 10 000 agents de sécurité aux divers centres de compétitions olympiques. Il y a deux semaines ils reconnaissaient qu’ils leur manqueraient « quelques milliers » d’agents, sans préciser combien (six au final). Leur directeur général a ensuite expliqué à une commission parlementaire qu’il croyait que G4S devait tout de même être payée pour ses frais de gestion à hauteur de 84 millions d’euros. Un peu cher pour un échec cuisant.

Des Londoniens blasés par les Jeux

Donc vous pouvez comprendre que les Londoniens soient un peu blasés par les jeux. Mais la Flamme arrivait et ma fille voulait la voir. Je ne pouvais pas dire non à mon enfant de 7 ans et lui faire rater cette opportunité qui n’arrivera qu’une seule fois de la voir à quelques mètres de chez nous juste parce que j’étais contrarié (ma femme l’était encore plus).

Un esprit convivial

Comme je l’ai dit, il ne pleut plus et le soleil se montre enfin alors que on l’attend depuis des mois. Nous nous sommes donc rendus dans notre petit coin de verdure à nous, Clissold Park, très tôt. Les pelouses étaient tapissées de couvertures de pique-nique. Une humeur enjouée se dégageait des familles réunies et des regroupements d’amis. Je m’étais acheté une bière brassée à Greenwich, une Mean Time Lager, de celles qu’on ne peut pas avoir sur le Parc olympique. Et j’ai essayé de me mettre dans l’esprit des Jeux.

Vingt minutes avant le passage de la Flamme, nous nous sommes trouvé un petit coin surélevé près de la grille qui sépare le parc de Church Street.

La Flamme qui change tout

Les sponsors avaient envoyé des bus avec des animateurs pour motiver la foule, mais à Hackney les choses ne marchent pas comme ça, une chaîne de fast-food ne va pas déclencher beaucoup d’applaudissements. Le premier à apparaître fut un cycliste, suivi d’une horde de policiers en moto et après, juste après : la Flamme ! En quatre secondes elle avait disparu – en même temps c’est un relai, c’est normal que le rythme soit soutenu.

Toute la contrariété de ma femme s’envola, elle applaudissait, riait. Je surpassais alors mon Grinch intérieur et criais de joie. Ma fille était perplexe. Elle était passée si vite.

« Ma chérie, tu t’en rappelleras pour toujours ? »

« Non », dit-elle, mécontente.

On ne peut pas faire plaisir à tout le monde.

GlobalPost / Adaptation Amélie Garcia – JOL Press

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