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Orfa, symbole de la colonisation israélienne

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Une ville embourbée dans ses propres eaux usées

La colonie d’Ofra, située à 40 minutes de voiture au nord de Jerusalem, est, depuis 30 ans, embourbée dans ses propres eaux usées, polluant les cours d’eau et les nappes phréatiques. Comme presque tout dans le Far West oriental de la Cisjordanie – conquis par Israël en 1967 durant la Guerre des Six Jours – la gestion des eaux polluées d’Ofra oscille relève autant de la tragédie que de la farce. Les habitants d’Ofra disposent d’une station d’épuration à la pointe de la technologie mais ne peuvent tout simplement… pas s’en servir.  Et personne d’autre ne le peut. Elle est là, juste derrière Ofra, inutilisée, laissant une déplaisante odeur d’égoût remonter jusqu’au sommet des collines environnantes.

Exproprier plutôt que partager

C’est en haut d’un petit rocher, aux abords de la ville, que nous avons rencontré Meir Nachiel, le maire de la communauté. Il pointe tristement du doigt la structure brillante en aval. Les 3500 habitants de sa ville ne peuvent bénéficier de cette installation. Il nous explique que, pour l’heure, si l’installation ne peut-être utilisée c’est en raison du litige qui oppose les Palestiniens – qui vivaient là où a été construite l’usine de traitement des eaux usées – à la ville d’Orfa. Des documents récemment découverts par la police israëlienne tendraient à prouver que les premiers arrivants ont été expropriés de façon illégale par la ville et le conseil régional. Aujourd’hui, la situation n’évolue pas. Les juifs et les arabes détruisent l’environnement qu’ils se partagent à contre-cœur.

Un camp clandestin qui se métamorphose en ville

L’histoire de cette installation était sans doute inévitable considérant la nature même d’Ofra dès son établissement en 1975. Ofra est la première colonie à avoir été implantée en plein cœur d’une zone à majorité palestinienne. Originellement, elle devait se limiter à un camp dans une base militaire désaffectée, mais la communautée a rapidement pris de l’ampleur. Elle a été rétroactivement reconnue par l’Etat d’Israël, après la victoire du Likud aux élections de 1977, grâce au soutien de l’ancien ministre de la défense Shimon Peres. Le cas de cette ville a fait jurisprudence et c’est ceui permet aujourd’hui aux colons de justifier, légalement, toute autre nouvelle installation.

Orfa, une ville fondée hors-la-loi

Orfa est aujourd’hui bien établie et ne cesse de croître. C’est un sourire nostalgique et plein d’admiration qui traverse le visage de Gershom Herbst, père cinq enfants, quand il nous raconte l’histoire de sa ville et de ses débuts hors-la-loi. Il hausse les épaules, il sait qu’il ne devrait pas se réjouir de la réussite d’une ville qui s’est construite au rythme des expropriations mais c’est avec fierté qu’il parle de ces quelques jeunes qui, il y a longtemps, se sont tenus en haut d’une colline et ont fait la promesse d’y établir leur colonie. Pour lui, hors de question de reconnaître que c’est la création de sa ville qui est à l’origine des prises de possessions anarchiques qu’a connu le pays par la suite.

Benjamin Netanyahu pris en étau entre son parti et la Cour Suprême

Dans le cas d’Ulpana, non loin de Beit El, la situation aurait pu être différente. Les colons se sont aussi établis sur les terres d’un Palestinien, mais celui-ci a pu prouver que les terres en question lui appartiennent et, du coup,  le gouvernement a pu faire évacuer les cinq bâtiments occupés sur le territoire concerné. Cette décision aurait pu envoyer un signal fort aux colons et faire cesser, au moins partiellement, ces installations sauvages. Elle aurait pu, mais les habitants de Beit El ont vu dans cette décision un coup de poignard dans le dos et ont organisé des marches de protestation vers Jérusalem, allant jusqu’à attaquer les fonctionnaires du ministère de la défense. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, pour sa part, se trouve aujourd’hui dans une situation qu’il a tout fait pour éviter : se trouver coincer entre la Cour Suprême et son propre camp politique.

Les colons invoquent la religion

Interrogé à propos de la région d’Ulpana, Herbst adopte un air songeur et déclare avec une sincérité désarmante : « je comprends qu’il ait un titre de propriété, mais moi j’ai la sensation que ma propriété sur la terre en question est plus forte et plus ancienne, » dit-il en se référant à la croyance religieuse des colons selon laquelle Dieu leur a cédé la totalité du territoire d’Israël. La Cisjordanie des colons semble être devenu, de bien des façons un univers paralèle, dans lequel il existe des lois alternatives et la tension reignant entre ces deux mondes amène aujourd’hui la société israëlienne à un point de rupture.

Les Feiglins, extrême-droite israelienne, veut défendre les colonies

En réponse à la décision de la Cour Suprême de faire évacuer la colonie, les Feiglins, l’extrême-droite du Likoud conservateur, a présenté une loi au parlement israëlien visant à annuler le verdict d’Ulpana et garantir la reconnaissance de toute nouvelle colonie. L’unique raison pour laquelle cette mesure n’est pas passée est que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a menacé d’évincer du gouvernement tout ministre qui aurait voté en faveur de cette loi.

La construction de logements de remplacement, un compromis insuffisant

Pour ramener au calme le mouvement des Feiglins, Benjamin Netanyahu a dû promettre la construction de 300 nouveaux logements en Cisjordanie pour remplacer les 5 immeubles qui devront être bientôt abandonnés, mais cela n’a pas suffit à garantir au Premier ministre un été sans nouveau rebondissement. Pour Gideon Rahat, professeur de science politique à l’université Hebrew : « Les ministres sont tout simplement terrifiés par les Feiglins. Ils ont assez d’influence au Likoud pour à peu près décider de qui sera réélu ou non […] le Likoud est en excellente position pour les prochaines élections, les Feiglins sont la seule menace qui pèse sur la victoire du parti : un cheval de troie ».

Les colons ne comprennent pas le positionnement de l’état

« Tous les partis démocratiques connaissent des problèmes internes » nuance Ofir Akunis, un député du Likoud. Par ailleurs, le politique l’affirme : « Nous respectons les décisions de la Cour, j’espère que la Cour respecte celles de la Knesset, dont le rôle est législatif et celui du gouvernement dont le rôle de faire entrer en vigueur ces lois. Il y a une répartition des pouvoirs et chacun se doit de la respecter. Nous n’irons pas contre les décisions de la Cour Suprême ». Un discours que Meir Nachiel n’accepte pas. Il dit avoir payé pour pouvoir construire et ne comprend pas qu’après avoir donné son aval l’Etat revienne sur sa décision par le biais de la Cour Suprême en attaquant en justice la communauté pour violation de la réglementation urbaine.

GlobalPost / Adaptation Stéphan Harraudeau – JOL Press

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