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Comment Vladimir est devenu Poutine…

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Dans un uniforme de l’armée, la poitrine barrée d’une flopée de médailles, Vladimir Poutine a vieilli. En grand format, caractères gras : « V.V. Poutine 2012-2024 ? » C’est le dessin et le titre en une de Novaïa Gazeta, lundi 26 septembre 2011. Depuis douze ans, la rédaction du plus féroce journal d’opposition russe n’a jamais eu froid aux yeux, elle en a payé le prix… Le prix de la vie pour la courageuse Anna Politkovskaïa et cinq de ses confrères, tous retrouvés mystérieusement assassinés. Deux jours auparavant, au congrès annuel du parti ultra-majoritaire « Russie unie », Dmitri Medvedev, le président en exercice de la Fédération de Russie, a annoncé son soutien à la candidature de « son » Premier ministre et prédécesseur à l’élection présidentielle du 4 mars 2012. Le coup est assuré : Vladimir Poutine retrouvera l’an prochain le Kremlin pour un mandat de six ans, renouvelable une fois. Six et six, douze… Douze ans avant une pause… et ainsi de suite. Jusqu’à… jusqu’à ce que la mort ne les sépare ?

Dans un premier temps, si tout se déroule selon le scénario manigancé, en 2024, le jeune président, alors vieilli, ou en tout cas vieillissant, aura passé 25 ans à la tête du pays, 20 ans de présidence et 5 ans comme chef du gouvernement. Une longévité record qui le placerait au second rang des locataires du Kremlin depuis la Révolution d’Octobre 1917, juste derrière Staline et son bail de trente ans.<!–jolstore–>

Retour vers le futur

Rien de fortuit dans le clin d’œil de Novaïa Gazeta, l’iconographie soviétique sied si bien au futur ex-ex-président. D’ailleurs, depuis 2000, un débat plein d’inquiétudes agite les observateurs, au pays discrètement, partout ailleurs plus ouvertement : les tendances à l’autoritarisme de Vladimir Vladimirovitch Poutine sont-elles les marques d’une sorte de néo-soviétisme ? Se rêve-t-il, plus ou moins secrètement, en « petit père des peuples » du XXIe siècle ?

En douze ans de pouvoir, malgré l’avènement d’un pouvoir fort et incarné, malgré les trop nombreuses victimes du régime, force est de constater que la Russie n’est pas devenue une dictature, et encore moins un régime totalitaire tel que put l’être l’URSS.

Toutefois, sans trop de scrupules, Vladimir Vladimirovitch aime à reprendre à son compte si ce n’est tout, en tout cas une partie de la pratique du pouvoir version « idéal soviétique ». D’ailleurs, il revendique son attachement aux grandes heures du communisme triomphant, en particulier les victoires de la deuxième guerre mondiale. Et, même si c’est quelque peu anecdotique, il aime à rappeler son lien privé, privilégié, avec les deux plus grandes figures de l’histoire de cette période : son grand-père préféré, Spiridon, aurait été successivement le garde du corps et goûteur de Lénine et Staline. Mais, surtout, Poutine est un pur produit du système de formation des élites façon soviets, un véritable « parvenu » de la dictature du prolétariat.

Une formation de petit KGB-iste

Le petit Vladimir, Vlad pour les intimes, est né le 7 octobre 1952 à Leningrad, le nom soviétique de Saint-Pétersbourg, dans une famille modeste et ouvrière, même si son père se piquait d’être un peu journaliste amateur à ses heures. Leurs racines sont paysannes, du hameau de Pominovo au nord de Moscou. Vladimir Spiridonovitch Poutine et Maria Ivanovna Poutina, née Chelomova, ont eu deux ainés, Viktor et Oleg, mais, dureté des temps, les deux sont morts en bas âge dans les années 1930. Du coup, leur petit dernier, débarqué sur le tard, est élevé en fils unique.

Un élève plutôt brillant. Pour preuve, à la fin de sa scolarité à l’école 281, la meilleure de la ville, il poursuit des études de droit à l’université. Nul doute que son mémoire de fin d’études lui aura servi. Il est consacré à la politique étrangère des États-Unis. On ne connaît jamais trop son ennemi. En pleine Guerre froide, l’Amérique, méchante capitaliste, est clairement l’ennemi identifié. L’ambition du jeune Poutine est clairement affirmée : rejoindre les services de renseignement. Un objectif atteint, lorsqu’il entre à la direction du KGB pour la ville de Leningrad et sa région. Pendant plusieurs années, il sert d’abord comme subalterne, puis comme officier opérationnel spécialisé dans le contre-espionnage local. Plus particulièrement, il a en charge l’action de la police politique contre les dissidents et autres « éléments antisoviétiques », sous le patronage de la redoutable 5e direction du KGB.

L’apparatchik modèle

Déjà, son ascension est rapide. Élevé au grade de commandant, il est sélectionné en 1984 – à 32 ans – pour suivre un cours annuel de formation continue à l’Institut Andropov, ou Institut du Drapeau rouge, l’usine à espions, le corps d’élite du KGB. À Moscou, il porte le nom de code « Platov », emprunté à un illustre général russe du tournant du XIXe siècle. L’ambitieux soigne son image. Soucieux de se distinguer, il exerce les fonctions de chef bénévole de son unité d’élèves-officiers.

Aux termes de sa formation, il n’intègre pas l’appareil central du KGB à Moscou, mais regagne Leningrad et l’unité locale sous la tutelle de la 1re direction du KGB, le service de renseignements extérieurs. Il passe dans la « réserve active » pour se préparer à une opération à l’étranger.

Bons baisers de Dresde

En 1985, direction RDA. C’est dans la République démocratique allemande d’Erich Honecker, le bon élève du Pacte de Varsovie, qu’il se voit confier sa seule et unique mission extérieure. Pendant cinq ans, à Dresde, il œuvre pour le KGB au sein d’une petite unité opérationnelle et sous la couverture, parfaitement transparente, de directeur de la Maison de l’amitié germano-soviétique.

Avec la réunification allemande et le démantèlement officiel des installations du KGB en Allemagne, Poutine, déjà lieutenant-colonel, reprend son service opérationnel tout en étant conseiller aux affaires internationales du recteur de l’université de Leningrad, Anatoli Sobtchak, un de ses anciens maîtres à la faculté de droit.

Le vent de l’histoire

En 1991, Sobtchak, démocratiquement élu à la tête du Soviet de Leningrad, la mairie de la ville, invite Poutine à devenir son conseiller aux affaires internationales. En août de cette année, il joue un rôle éminent dans les négociations délicates entre le KGB de Leningrad et les structures militaires liées aux putschistes conservateurs du Kremlin. Poutine prétend avoir donné sa démission officielle du KGB le 20 août lors de ce coup d’État contre Gorbatchev, mais, dit-il, elle n’aurait pas été acceptée.

C’est à sa propre initiative qu’il accepte alors la proposition d’Anatoli Sobtchak de passer dans son cabinet à la mairie, tout en restant, officiellement, officier opérationnel supérieur du KGB de la ville. Sa démission du KGB au grade de lieutenant-colonel n’est acceptée que plus tard, mais il n’y a aucun élément officiel qui le prouve sans ambiguïté.

Son parcours du temps de l’URSS est celui, relativement classique, d’un brillant apparatchik, grimpé à la force des neurones, mais grâce en outre à sa capacité à paraître indéfectiblement loyal. Son attachement va au système soviétique, à sa dimension totalitaire, plus encore très certainement qu’aux idéaux communistes.

À la différence d’autres leaders du tournant du XXe siècle, et dans la mesure où il a grandi en URSS ou sous le joug soviétique, on ne trouve chez lui aucun signe d’opposition. Ainsi, si Boris Eltsine, d’une autre génération, était un membre éminent du Comité central du Parti Communiste, il a participé activement à l’embryon de changement mené par Mikhaïl Gorbatchev avec sa « perestroïka ». Ailleurs, en RDA, la jeune Angela Merkel était certes membre du mouvement des jeunes du SED mais, fille de pasteur, elle a ouvertement soutenu l’opposition au régime. Le dossier établi sur elle par la Stasi, la police politique est-allemande l’atteste. Rien de tout cela chez Poutine.

Il est aux premières loges pour assister à la chute de l’URSS, étape par étape, à Dresde puis à Leningrad. Ce délitement progressif, mais impossible à stopper, le marque profondément. Plus tard, il qualifiera le processus de « plus grande catastrophe du XXe siècle »… à quelques broutilles près, omet-il très certainement d’ajouter. Cet homme qui ne fait que rarement dans la demi-mesure.

L’« éminence grise » de Leningrad

Mauvaise fortune, bon cœur. Si l’on retient le plus souvent dans l’histoire des dates, elle est en fait une succession de mouvements, de transitions lentes. En l’absence de véritables « décommunisation » et « détotalitarisation », l’essentiel des membres du personnel administratif et politique, pour peu qu’ils ne soient pas trop « mouillés », reste en place. Ce sont les hiérarchies, les perspectives d’avancement qui sont quelque peu bouleversées. Poutine saura en profiter.

De 1992 à 1996, il est une des personnalités les plus influentes de la politique municipale, l’« éminence grise » du président du Conseil de la ville. D’abord responsable des relations extérieures de la mairie de Saint-Pétersbourg, il devient, à partir de 1994, premier adjoint du maire Sobtchak.

À l’automne 1995, celui-ci le nomme président de la section locale de Notre Maison la Russie, le parti du président du gouvernement Viktor Tchernomyrdine. Il dirige la campagne des élections législatives dans la région pour le compte de NDR. Fidèle à Sobtchak malgré sa défaite de 1996, il refuse de travailler avec son successeur, Aleksandr Iakovlev, de peur de donner l’« apparence de la trahison » et démissionne. Cette démonstration de loyauté, cette capacité, au moins prétendue, à faire preuve de loyauté lui servira.

Direction Moscou pour une ascension fulgurante

En août 1996, il « monte à la capitale », Moscou et, directement, prend ses quartiers au Kremlin. On comprend désormais mieux la nature de son attachement à cette grande maison : de la nostalgie, rien que de la nostalgie. Là-bas, il exerce les fonctions d’adjoint au directeur des Affaires de la présidence, Pavel Borodine. Débute alors une ascension fulgurante…

En mars 1997, il entre dans l’administration présidentielle pour en devenir vice-président moins d’un an plus tard, chargé du département principal de contrôle, doté de pouvoirs étendus. À peine un an plus tard, en mai 1998, il devient vice-directeur de l’administration présidentielle chargé de la gestion des relations avec les régions, toujours avec une influence importante dans les hautes sphères du pouvoir. Et tout juste deux mois plus tard, il est parachuté directeur du FSB, le service fédéral de sécurité, héritier du KGB. De mars à août 1999, il cumule ce poste avec celui de secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie. Le 9 août 1999, le président Boris Eltsine le nomme Premier ministre, il s’installe à la Maison blanche la résidence du chef de gouvernement de la Fédération.

Tant de chemin a été parcouru en trois ans qu’il est difficile d’imaginer que quelqu’un ou quelque chose, sans que l’on puisse affirmer qui ou quoi, ne lui ait fait la courte échelle. On dirait du Tolstoï !

La dernière marche, presque la plus facile

Toute cette période est marquée par des luttes politiques intenses qui ont pour effet d’affaiblir Boris Eltsine, politiquement et physiquement – d’autant plus que sur ce dernier plan, son goût fort prononcé pour l’alcool fort n’arrange rien. La Russie elle-même est un pays affaibli par la grave crise économique de 1998. Dans ce contexte, le président et son entourage avaient été séduits par la discrétion et l’efficacité de cet homme à poigne, Poutine, qui promet de rebâtir l’autorité de l’État en formant une « verticale du pouvoir » dépendant de lui seul.

Le 1er octobre 1999, à la suite d’une vague d’attentats, il engage la deuxième guerre de Tchétchénie. C’est le moment de sa véritable entrée en scène tant aux plans national et international. Il acquiert et cultive déjà l’image d’un dur que lui confère un conflit sanglant marqué par les exactions russes et le bombardement aveugle de Grozny. Il suffit parfois d’un seul mot pour passer à la postérité. Poutine s’y essaie : lors d’une conférence de presse dans la nouvelle capitale du Kazakhstan, Astana, il déclare à brûle-pourpoint, sans que la traduction ne puisse laisser de doutes, qu’il va « buter les terroristes jusque dans les chiottes ». C’est très exactement l’expression de sa « pensée » : les traquer dans leurs derniers retranchements et les abattre sans pitié. Cette guerre demeure le fondement de sa popularité en Russie, mais aussi de son image de dirigeant autoritaire en Occident.

Boris Eltsine démissionne fin 1999 et transmet ses pouvoirs à Vladimir Poutine. Il s’est imposé comme le nouvel homme fort du pays. L’élection présidentielle de mars 2000 n’est qu’une formalité, il est élu dans un fauteuil, le sien, par 52 % des voix au premier tour. Reste pour le petit apparatchik, aux termes de sa métamorphose, à démontrer que son nouveau costume n’est pas trop grand pour lui.

Un nouveau régime « sur-mesure » ou la revanche des hommes en gris

Vladimir Poutine n’arrive pas seul au pouvoir. Il s’appuie, dès son arrivée, sur les « structures de forces », les services secrets, la police, l’armée et sur ses proches de Saint-Pétersbourg, l’ex-Leningrad. Poutine appartient à une caste, celle qui était, il y a 20 ans encore, le verrou de la dimension autoritaire, totalitaire du régime soviétique. Ces années depuis 1999-2000 marquent le triomphe des hommes en gris, la cryptocratie des services secrets, le triomphe des uniformes. Leur objectif, une obsession pour le nouveau président, mettre un terme au délitement de la Russie sans toutefois, par stratégie, prôner un quelconque retour en arrière.

Après la « Gorbymania » des années 1980, l’« oligarchie » des grands magnats s’est substituée à la « gérontocratie » brejnévienne. Dans les années 1990, ces « nouveaux Russes » qui disposent de comptes off-shore, qui entretiennent de prestigieuses résidences à Londres ou à Courchevel et se pavanent à bord de superbes yachts en compagnie de top models, symbolisaient à merveille l’entrée turbulente de la nouvelle Russie dans le monde capitaliste.

Dès le début des années 2000, Poutine les fait aussi rentrer dans les rangs, ces « oligarques », tous ces hommes d’affaires peu scrupuleux qui ont fait fortune en profitant des privatisations obscures des années 1990. Il les interdit de politique et de médias, à l’image de Vladimir Goussinski, un grand patron dépossédé de son fleuron, la chaîne emblématique NTV, avant d’être contraint à l’exil. Il écarte aussi le milliardaire Boris Berezovski, ancien personnage d’influence au Kremlin, qui fuit à Londres. Enfin, en 2003, c’est le patron du groupe pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, entré en résistance, qui fait les frais du système Poutine et est emprisonné. Le Kremlin transforme alors aussi les chaînes télévisées, dont la nouvelle liberté de ton dérange, en porte-voix du régime, et le petit écran loue Vladimir Poutine, sauveur de la nation.

Donner le temps au temps

Son système repose sur une grande subtilité. L’ancien espion demeure par bien des aspects un homme de l’ombre, il agit sous couverture, il est un adepte de stratagèmes. Il prend grand soin de ne jamais aller trop loin… à l’intérieur autant qu’à l’extérieur. Pour conserver le pouvoir, inutile de remettre en cause la transition capitaliste tant qu’il est possible de maîtriser ceux à qui elle profite. Pour redonner à la Russie un rôle, une influence sur la scène internationale, inutile de provoquer l’Occident, d’inquiéter la Chine ni même d’annexer la Biélorussie ou tout autre ex-petit confetti de l’empire. Quelques gesticulations ou vociférations onusiennes suffisent.

Peu importe, si les faiblesses de la Russie restent criantes – corruption endémique, crise démographique, infrastructures délabrées, rébellion islamiste dans le Caucase, attentats… – Poutine ne reconnaît aucun échec. Il a le temps, il joue pour lui.

Subtile à l’extrême aussi son départ du Kremlin en 2008. Une simple petite réformette de la constitution façon Chavez ou Castro, et, hop, la présidence à vie ? Non, Il ne tombe pas dans le piège, toujours soucieux de respectabilité. Confier temporairement les clés du Kremlin à un Dmitri Medvedev, à la personnalité plus effacée mais doté avantageusement d’un profil un peu plus libéral, ce n’est qu’une manière de donner le change. Il savait que, depuis la Maison blanche, celle de Moscou, la résidence du Premier ministre russe, il conservait la réalité du pouvoir, quasi certain de la fidélité des piliers sur lesquels repose son régime. Le bon élève Poutine a bien retenu les leçons de chaque étape essentielle de sa formation. Prendre un peu de distance, rester discret un temps, ne pouvait que servir ses desseins à long terme, façonner un peu plus son destin.

Et l’histoire bégaierait…

Comparaison, a fortiori historique, n’est pas raison. Pourtant, de nombreux experts ont comparé la Russie de l’immédiat après-communisme à l’Allemagne de l’avant-nazisme, à la République de Weimar. Avec Vladimir Poutine, cette vision d’une histoire qui se répéterait, le destin forcément autoritaire de la nouvelle démocratie russe a fini par prendre corps. À l’esthétique de la décadence s’est substituée une esthétique de la glaciation, recyclant sans complexe les recettes soviétiques, les ingrédients de la Guerre froide. L’aventure militaire prolongée en Tchétchénie qui rappelle l’Afghanistan (1979-1989), les assassinats de journalistes engagés contre le pouvoir qui évoquent la lutte contre les dissidents, l’empoisonnement au polonium d’Alexandre Litvinenko qui renvoie à la célèbre affaire des parapluies bulgares, et en toile de fond un regain de tension entre Russie et États-Unis, Russie et Europe, ou encore des prises de position solitaires comme, ces temps-ci, sur la contestation-révolution en Syrie. C’est sur la base de ces observations que ces mêmes experts affirment que l’on assiste, depuis le début des années 2000, à un retour à « un système autoritaire aux méthodes néosoviétiques ».

Pour ceux qui oseraient douter de la justesse des analyses de ces dits experts, l’argument imparable réside dans le goût, bien documenté, du chef pour le culte de la personnalité. Oui, Poutine n’hésite pas à se mettre en scène sous l’objectif des caméras. Immortalisée à jamais, la vie quotidienne d’un héros ordinaire : Vlad ceinture noire de judo en pleine démonstration sur les tatamis, Vlad galopant à cheval torse nu dans la taïga, Vlad éteignant un incendie aux commandes d’un avion bombardier d’eau, Vlad soupçonné d’avoir reçu des injections de botox. Une âme russe… au XXIe siècle.

Vladislav Sourkov, un des « idéologues » du pouvoir, n’est-il pas allé jusqu’à qualifier en juillet son président d’« homme providentiel », un homme « que Dieu et le destin ont envoyé à la Russie lorsqu’elle connaissait une période difficile » ! Un homme providentiel ? La providence jugera.

Du mâle russe au mal russe

Et si la faute, si tant est qu’il y ait faute, n’était pas seulement celle de l’histoire, qu’elle bégaie ou pas, mais tout autant celle de la géographie ? Pour comprendre qui gouverne la Russie, ou comment elle peut se laisser gouverner, il n’est pas inutile de commencer par planter le décor. La Fédération de Russie s’étend sur 17 millions de kilomètres carrés et son centre est… excentré parce qu’il n’est pas géographique, mais historique et politique. Ce centre, c’est le Kremlin, la forteresse de Moscou, un espace clos d’une muraille d’enceinte de 2 235 mètres hérissée de vingt tours, dont les premières portions remontent à la fin du XIVe siècle. Le Kremlin, c’est le centre et, en termes anatomiques, le cœur et le cerveau. Pour que ce cerveau fasse fonctionner un corps aux extrémités si lointaines, il doit être puissant, résistant, intransigeant, autoritaire. C’est peut-être la seule façon possible de gouverner la Russie, et la raison pour laquelle Poutine se donne parfois des faux airs de « petit père des peuples ».

Franck Guillory – JOL Press

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