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Crise énergétique: la rue gronde contre le président Morsi

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Le président égyptien Mohamed Morsi a peut-être réussi son coup politique contre l’armée, au début du mois d’août, en dépouillant de leurs pouvoirs les principaux généraux qui contrôlaient la politique depuis le soulèvement de la place Tahrir, début 2011. Mais, dans un autre domaine, le Président a eu nettement moins de succès.

La colère populaire grandit

La panne d’électricité qui a plongé l’Égypte dans l’obscurité pendant le mois le plus chaud de l’année a suscité une colère populaire contre le nouveau leader, quelques semaines à peine après son accession au pouvoir.

Ces coupures de courant, qui durent depuis un mois, ont totalement stoppé les activités boursières du Caire, bloqué les usagers dans les tunnels du métro, et incité les habitants en colère à bloquer les routes en signe de protestation.

Les pannes semblent pourtant avoir diminué dans certaines régions. Selon le ministère de l’Électricité, la consommation d’énergie a fortement diminué à la suite de la fin du ramadan, le mois sacré des musulmans. Deux nouvelles centrales ont également été mises en service. Mais dans les quartiers les plus pauvres de la ville, la situation est toujours la même.

Plus d’électricité pour les quartiers les plus pauvres

« Les coupures ont ruiné le ramadan, » explique Umm Mohamed, 38 ans, habitant d’un bidonville du Caire, dans lequel les coupures peuvent durer jusqu’à douze heures d’affilée. « Nous savons que le gouvernement ne fera rien pour nous. »

Le réseau électrique national a commencé à dysfonctionner en juillet, lorsque les températures avoisinent les 40°C en Égypte et que les habitants sont habitués à allumer ventilateurs et climatiseurs pendant de longues heures. Dans le même temps, une pénurie de gaz naturel – utilisé pour fournir 90% des centrales du pays – a contribué à créer un manque d’énergie pour les 82 millions d’habitants du pays.

« Le manque de gaz naturel, le vol des équipements des centrales électriques, la consommation excessive durant les mois d’été, tous ces évènements ont provoqué la panne », a déclaré le porte-parole du ministre de l’Électricité, Aktham Abu Alaa.

Les coupures programmées de cet été sont nouvelles pour une Égypte dont les infrastructures sont déjà en difficultés. Ces évènements sont également révélateurs d’une crise énergétique imminente en Egypte, qui aura bientôt des difficultés, au-delà de cet été, pour produire de l’électricité pour sa population grandissante.

Mohamed Morsi en ligne de mire

L’Egypte produit 124 milliards de kilowatt/heure d’électricité par an et en consomme 109 milliards.

Cependant, l’insuffisance des infrastructures et la gestion maladroite des ressources limitent les options de l’Égypte pour faire face à la demande croissante.

« Il y a un besoin urgent de rationner l’électricité parce que nous n’avons pas assez d’approvisionnement, » explique Magda Kandil, directrice du centre égyptien pour les études économiques. « Le système est très inefficace, et le gouvernement doit réfléchir à des alternatives. »

Bien que les problèmes énergétiques soient antérieurs à l’arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi, ils confrontent le Président issu des Frères musulmans à une déception de la part de la population.

Les industries énergivores, comme les fabriques de ciment et d’acier, reçoivent un soutien sans failles du régime, qui préfère faire porter le fardeau à la population.

Le gouvernement conseille de porter des vêtements en coton

Une déclaration du Premier ministre Kandil Hisham, qui a encouragé la population à porter des vêtements en coton pour faire face à la chaleur, a provoqué un déluge de moqueries de la part de la « Twittosphère » égyptienne.

Le gouvernement a également indiqué avoir proposé une loi obligeant les commerces et les entreprises à fermer à 21h afin de réduire leur consommation d’électricité. Mais au Caire, une ville de 20 millions d’habitants, où les températures battent des records, l’activité bat son plein durant la nuit, lorsque les températures commencent à baisser.

Certains analystes estiment que le gouvernement devrait mettre un terme à ses exportations de gaz naturel vers la Jordanie et ailleurs.

Mais l’Egypte a fondamentalement besoin de devises étrangères, dont les réserves se sont effondrées durant les six mois qui ont suivi le soulèvement populaire contre le président Hosni Moubarak.

« [Les dirigeants] ne peuvent évidemment pas comprendre combien les gens sont en colère », explique Ibrahim Zahran, expert de l’industrie pétrolière. « Ils ont demandé une réduction de la consommation, et rien de plus. Le gouvernement veut éteindre l’Égypte et lui demander d’aller au lit. »

La vie des Égyptiens est totalement bouleversée

Les résidents du bidonville de Umm Mohamed, dans le quartier ouvrier de Sayeda Zeinab, bouillonnent de colère contre Mohamed Morsi, mais aussi contre l’administration.

Construit par le gouvernement avant la révolution de 2011, ce quartier a été dépouillé de toutes ses installations électriques. Les nouvelles installations sont aujourd’hui très instables, et les accidents causés par des chocs électriques sont fréquents.

Les coupures électriques ont également de graves conséquences sur les installations ménagères des Égyptiens. Abu Rafaat explique qu’il ne cherche plus à racheter un réfrigérateur depuis qu’il a déjà dû en remplacer deux durant la période des pannes.

« Nos enfants ont peur, et ils ont peur de l’obscurité, » explique Umm Ahmed, 40 ans, habitant de Sayeda Zeinab. « Nous n’avons absolument rien vu de bon depuis que Morsi est arrivé au pouvoir. »

La place Tahrir sera de nouveau remplie cet automne

Les habitants de ce bidonville, qui ont organisé des manifestations devant les bâtiments de l’autorité locale de l’électricité, ont été malmenés et dispersés par la police. Ailleurs en Égypte, les gens ont aussi affronté les forces de police et bloqué des routes et voies ferrées pour protester contre les coupures de courant invalidantes.

Certains internautes égyptiens ont créé leur propre site, Kahrabtak, ou « Votre électricité », pour réunir tous les témoignages de coupures d’électricité.

Sans solution envisagée, Mohamed Morsi semble prêt à faire face à de nouveaux troubles. Les opposants aux Frères musulmans préparent une grande marche vers la place Tahrir, vendredi 31 août.

« Des déclarations comme « réduisez votre consommation d’électricité » auraient pu être dites par n’importe qui, » explique Hisham Kassem, cofondateur du plus grand journal indépendant d’Egypte, Al Masry Al Youm.

« Ce n’est peut-être pas de sa responsabilité, mais Mohamed Morsi aurait pu gérer cette crise différemment, » explique-t-il. « Nous sommes obligés de lui donner une chance, mais il semble qu’il n’y ait pas d’amélioration à prévoir. »

Heba Habib a contribué à ce reportage depuis Le Caire.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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