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Ces chiffres du chômage qu’on ne nous donne pas

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Le ministre du Travail a annoncé, jeudi 26 septembre, le franchissement dit « symbolique » des 3 millions de chômeurs. Mais les critères sont soumis a moultes interprétations. « Un cap a été franchi »… L’antienne, a force d’être répétée devient d’autant plus lassante que chacun sait bien, chacun sent bien, que cette barre a été franchie depuis bien longtemps, sans qu’on puisse d’ailleurs la préciser clairement. Et ça va finir par poser problème, dans la mesure ou, à force de communications  gouvernementales et manipulations des outils statistiques, on finit par ne plus savoir ou on en est. On peine à penser que ce soit le but du jeu.

Prenons deux exemples, autres que les fastidieuses contorsions sur le chômage, mais toujours dans le domaine de l’emploi salarié.

Contrairement à une idée répandue, beaucoup (mais combien ?) de personnes démissionnent de leur travail en France, encore aujourd’hui. Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Pourquoi, au moment ou la crise fait des ravages, prennent-t-ils le risque de quitter sécurité et rémunération pour s’aventurer dans les méandres du marché du travail ? Rappelons, tout de même, qu’en cas de démission, un salarié ne peut espérer récupérer à Pôle Emploi quelques droits, qu’à concurrence de 91 jours de travail ultérieurs, ou 455 heures… Ca devrait calmer les esprits, même les plus aventureux sortant d’une expérience à l’étranger

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, de nombreux salariés démissionnent, même en ces temps de crise

Si ce sujet est évoqué en parallèle des statistiques du chômage qui seront du grain à moudre  pour les éditorialistes dans les 48 heures qui viennent, c’est tout simplement parce qu’on ne sait rien d’eux. Ni évidemment combien ils sont (les statistiques sur ce sujet sont totalement inexistantes), ni pourquoi ils quittent leur emploi ( de leur plein gré, ou à l’insu de leur plein gré…), ni pourquoi les tenants du libéralisme et de la fluidité du marché ne s’occupent pas plus d’eux. Car si, enfin, dans la logique libérale, la fluidité du marché vantée par les employeurs est un paradigme, on voit mal pourquoi cette même fluidité pratiquée par des collaborateurs ne le serait pas tout autant. Une vertu du libéralisme est indéniablement de récompenser la prise de risque. Et, du coup, encore plus dans cette période actuelle, on voit mal pourquoi cette prise d’initiative, (quitter son boulot) ne serait pas prise en considération par Pôle Emploi avec les indemnisations normales qui vont avec…

Bien sur, on dira que le simple fait de poser la question, pourrait amener à des démissionnaires professionnels, des rentes à vie aux frais du contribuable. Mais on pourra être étonné de l’argument s’il vient des tenants de la fluidité, de la flexibilité, et de la fumeuse flexsécurité. Un juste retour des choses, non ? Non, semble-t-il , au mépris de toute logique contractuelle.

Dans le domaine des poncifs, venons à la deuxième marotte qui hante politiques et experts présumés dans le domaine de l’emploi. Il y aurait X milliers d’emploi non pourvus en France, chaque année. Dans les années 1973-1975, dans un sens  évidemment inverse, on parlait de chômage structurel, le temps suffisant pour retrouver du travail et assurer l’évidente mobilité. Là, non. La rhétorique est connue. Elle s’impose encore ce jeudi dans un quotidien parisien. Son sousentendu est tout aussi connu. Le chômeur français préfère rester tranquilou chez lui plutôt que d’aller dans les métiers de bouche, de restauration, ou faire profiter la communauté de ses talents de soudeur ou de plombier… Honte à lui…

Les chiffres du nombre d’emplois non pouvus dans l’Hexagone varient du simple au double

Loin de moi l’idée de contester que ces cas n’existent pas. D’aucuns préfèrent regarder Jean Pierre Pernaut à 13 heures chez eux que de prendre un Pernod avec les copains de chantier… Digression qu’on me pardonnera, même si le sujet fait la un « marronier » des JT, au mépris de toute démonstration.

Pour autant, là encore, on hallucine sur le chiffrage de ces offres d’emploi non pourvues. Chacun se souvient que, dans la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy les avait chiffrées à 500 00. Pourquoi pas ? D’autres analystes, proches du Medef, les chiffraient, au fil du temps, entre 300 et 400 000, et ce matin, donc « l’hôtellerie-restauration.fr », pour l’ensemble des métiers dépourvus de candidats, les chiffrent à 250 000. Pourquoi pas non plus ?

Le seul problème, est finalement que sur ces chiffres, douteux, plus présentés comme des arguties de communicants que comme raisonnements pertinents, on n’en sait rien.

Et qu’il conviendrait rapidement de donner sur ces chiffres des vraies données, validées par les instances statistiques, supervisées par les partenaires sociaux, et qu’on arrête de faire du marché de l’emploi dans ce pays un paysage factice digne des plus sémillants Villages Potemkine.

On ne sait rien de la réalité des chiffres de l’emploi en France, et à un moment ou l’autre, il va falloir casser les codes. Aux syndicats salariés et patronaux d’en prendre la mesure, la réalité prenant le pas sur la fiction..

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