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C’est quoi, une vie de retraité politique?

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Peu de retraités sous la Vè République française

« Vous n’entendrez plus parler de moi », avait prévenu en off Nicolas Sarkozy, en janvier 2012, en cas de défaite à la présidentielle. Depuis le mois de mai, l’ancien président de la République, d’une discrétion absolue, a tenu sa promesse. Ce retrait tranche avec l’omniprésence médiatique à laquelle il nous avait habitués ces dix dernières années. Mais son retour sur la scène publique semble imminent : l’ex-chef d’État donnera en effet sa première conférence à New York, le 11 octobre prochain, organisée par BTG Pactual, une grande banque d’investissement brésilienne. Il aurait également accepté plusieurs autres interventions à travers le monde

Sur le modèle des ex-dirigeants américains, Bill Clinton et Jimmy Carter, Nicolas Sarkozy devrait s’occuper des affaires internationales en créant une fondation. Selon l’essayiste et proche de Nicolas Sarkozy, Guy Sorman : « Son rôle sera d’intervenir dans les grandes affaires internationales pour faire progresser la démocratie, pour faire progresser les droits de l’homme ».

L’avenir politique de Nicolas Sarkozy replace la question de la reconversion des présidents et Premiers ministres à la retraite au coeur de l’actualité. 

Sous la Ve République, la question de la reconversion des anciens chefs d’État ne s’est pourtant pas souvent posée. Le Général de Gaulle est décédé en 1970, un an et demi après avoir quitté le gouvernement. Ce court « après-pouvoir » aura été marqué par une vie retirée à La Boisserie, et consacré à l’écriture de ses « Mémoires d’espoir »faisant suite aux Mémoire de guerre – qu’il n’aura pas le temps d’achever. Georges Pompidou s’éteint pendant sa présidence, en 1974, et François Mitterrand, quant à lui, perdra moins d’un an après avoir quitté l’Elysée sa bataille contre le cancer. Valéry Giscard d’Estaing, quant à lui, rêvera en vain d’un retour à la tête du pays et goutera à nouveau à toutes les fonctions politiques sauf la seule qui lui intéressait vraiment…

C’est donc vers l’étranger qu’il faut se tourner pour observer les modes de reconversion des chefs d’État. 

Les retraités hyperactifs 

Commercialiser son image et sa notoriété afin de multiplier les conférences dans le monde, ou devenir consultant pour des entreprises, sont des modes d’actions courants pour bon nombre d’anciens présidents, qui s’inspirent du modèle anglo-saxon.  

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Bill Clinton, toujours très impliqué dans la vie publique, est en effet devenu l’un des conférenciers les mieux payés au monde, avec en moyenne plus de 200 000 dollars de cachet par intervention selon le Huffington Post. Son autobiographie, intitulée « My Life », est devenue un best-seller lui rapportant plus de 10 millions de dollars. Dans le même temps, il préside la Clinton Foundation, ainsi que l’ONG Clinton Global Initiative, fondée en 2005, en faveur de l’Afrique. En 2009, Bill Clinton est également nommé émissaire spécial de l’ONU pour Haïti par le secrétaire générale Ban Ki-moon.

Tony Blair, Premier ministre britannique pendant dix ans, fait également partie de ces « retraités suractifs ». Il a su monétiser sa notoriété en multipliant notamment les conférences dans les universités américaines ainsi qu’en donnant des conseils aux entreprises. Ce statut de consultant auprès de la banque JP Morgan, par exemple, lui aurait rapporté plus de 2 millions de livres, selon le Sunday Times. Mais ce n’est pas tout. Tony Blair est devenu représentant au Proche-Orient du Quartet (Union européenne, États-Unis , Russie, Nations unies) et a créée deux fondations. Ses mémoires, intitulées « The Journey », lui auraient rapporté plus de 5 millions d’euros, dont les bénéfices sont reversés aux blessés de l’armée britannique.

En Allemagne, Gerhard Schröder, l’ancien chancelier social-démocrate, s’est totalement retiré de la vie politique et s’est « recyclé » dans le privé. Ce proche de Vladimir Poutine a été embauché en 2005 au sein de la société pétrolière russe Gazprom, très contestée. Il est également en charge de la construction du gazoduc Nord Stream. Ce businessman accumule les conférences qui peuvent lui rapporter jusqu’à 50 000 euros.

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L’ancien Premier ministre espagnol José Maria Aznar a également suivit le modèle américain en entamant une lucrative carrière après son départ du gouvernement en 2004. Ses livres et son poste de professeur-associé à l’université de Georgetown (Washington), sans oublier ses nombreuses conférences, lui assurent un avenir serein. José Maria Aznar possède également un statut de conseiller auprès d’entreprises multinationales privées, comme Centaurus Capital ou JER Partners et d’administrateur de la société NewsCorp, dirigée par Rupert Murdoch depuis 2006.

Le dernier dirigeant de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, a de son côté créé l’ONG écologiste Croix verte internationale et, dans un autre genre, a commercialisé son image en Occident en faisant des campagnes de publicité pour les restaurants Pizza Hut et la marque de luxe Louis Vuitton, dont les fonds ont été reversés à sa fondation

Les discrets, mais toujours impliqués dans la vie publique

De nombreux ex-chef d’État ou Premiers ministres ont choisi de commencer une vie au service des autres après avoir quitté le pouvoir.  

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C’est le cas de Jacques Chirac, 22e président de la République française,qui avait déclaré vouloir « servir son pays autrement » après avoir quitté l’Élysée en 2007.  Officiellement, l’ancien président ne mène pas de carrière lucrative et a choisi de lancer sa fondationFondation Chirac – en faveur de la paix, du respect et de la diversité des cultures et du développement durable.

De même pour Romano Prodi, deux fois président du Conseil italien, directeur aujourd’hui de la Fondation pour la coopération entre les peuples, et de l’ancien président de la République d’Afrique du Sud, Nelson Mandela, engagé en faveur d’un dialogue entre les peuples et pour la mémoire de la lutte contre l’apartheid.

Ceux qui dorlotent, se retranchent dans leur ranch…

Certains chefs d’État ont choisi de se retirer totalement de la vie publique et politique après leur fonction. C’est notamment le cas de George W. Bush après son départ de la Maison Blanche, en janvier 2009. Son père, George Bush, s’était lui aussi retiré de la politique pour se consacrer à ses loisirs. Le 43e président des États-Unis, qui réside désormais entre son ranch au Texas, et sa nouvelle résidence de la banlieue de Dallas, avait consacré les premiers mois de sa retraite politique à la rédaction de ses mémoires. Après avoir inauguré sa bibliothèque présidentielle, la George W. Bush Presidential Library – une tradition aux États-Unis – George W. Bush avait fait son retour sur la scène publique en s’associant à la Clinton Fonds Bush pour Haïti, et en donnant des conférences généreusement rémunérées.

Comme lui, l’ancien chef du gouvernement socialiste espagnol José Luis Rodriguez Zapatero s’est retiré de la vie politique après la déroute électorale des socialistes contre Mariano Rajoy en novembre 2011. L’homme politique a affirmé au mois d’avril son souhait de consacrer son temps à son épouse Sonsoles et à ses deux filles, Laura et Alba : « Je quitte la vie politique. Je n’ai aucune rancoeur contre qui que ce soit, je n’ai que de la gratitude », avait-il affirmé le 2 février dernier. Une manière sereine de tirer sa révérence. 

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