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Du rapport de force entre salafistes et libéraux dépend l’avenir de l’Égypte

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La tension est palpable dans le Majlis al-Choura, chambre haute du Parlement, dans laquelle se réunissent les membres de l’Assemblée constituante égyptienne.

Une Assemblée constituante partagée entre islamisme et libéralisme

Plusieurs mois après sa formation, l’Assemblée travaille toujours à l’écriture de la nouvelle Égypte post-Moubarak. Cette constitution, qui devra être à l’image de l’Égypte libérée du Printemps Arabe, est le sujet de nombreuses rivalités entre toutes les formations politiques qui ont émergé depuis un an.

Il faut dire que les soulèvements de la Place Tahrir, à partir de janvier 2011, ont révélé une Égypte pleine de diversités et de contradictions. Entres les salafistes du parti al-Nour et les libéraux de gauche, l’Égypte est partagée, et les divisions qui font l’architecture de la Constituante suscitent de nombreux et houleux débats.

Composée à 50% d’islamistes et à 50% de libéraux, de coptes ou d’autres partis minoritaires, la Constituante est le terrain de nombreuses tensions concernant la rédaction des articles polémiques qui doivent pourtant trouver une place dans le texte.

Débats bloqués sur les questions religieuses

Parmi les sujets polémiques, trois retiennent particulièrement l’attention des 100 membres de l’Assemblée. Les salafistes, que les élections législatives de l’automne dernier ont propulsés dans la vie politique égyptienne grâce à un score surprise de près de 25%, veulent, notamment, inscrire la pénalisation de l’offense à Dieu, la soumission de chaque loi votée à l’Assemblée à l’al-Azhar, qui représente la plus haute autorité de l’islam sunnite, ainsi que la mise en place officielle du Zakat, l’aumône religieuse des musulmans.

Les salafistes exigent également une révision de l’article 2 de la Constitution actuelle. Cette dernière déclare que les « préceptes » de la charia (loi islamique) sont utilisés comme références de base pour la législation. Alors que même les Frères musulmans ont renoncé au projet, les salafistes veulent faire de la loi islamique un « principe » qui soit la source unique du droit égyptien.

Le terme « principe » impliquerait également une application stricte de la charia, ce que refusent de nombreux membres de l’Assemblée.

Les salafistes creusent le fossé avec Mohamed Morsi

Si les Frères musulmans, grands vainqueurs des élections montraient, il y a quelques mois, un front relativement uni avec les salafistes, il semble que le fossé soit en train de se creuser entre ces deux courants.

Les derniers évènements qui ont secoué le Moyen-Orient à la suite de la publication de la bande annonce du film « L’Innocence des musulmans » n’ont d’ailleurs fait que creuser ce fossé.

Pendant que les salafistes appelaient à la manifestation devant l’ambassade américaine du Caire, le président Mohamed Morsi, Frère musulman et ancien leader du Parti de la Justice et de la Liberté (PJL), restait dans le silence, sans condamner, sans encourager. Interpellé devant l’ambassade américaine aux cris de « Morsi, Morsi, pourquoi restes-tu silencieux ? N’est-il pas ton prophète ? », le président égyptien a préféré soigner son allié américain plutôt que de se prononcer.

Une position reprise par de nombreux Frères musulmans qui apprennent, depuis l’élection présidentielle du 17 juin dernier, la mesure en politique.

Les trois quarts de la Constitution ont été rédigés

Dès lors, les salafistes ont profité de ce manque de fermeté pour creuser l’écart entre eux et les islamistes qui soudainement sont devenus modérés. Les salafistes se veulent désormais la caution religieuse de l’Égypte et pourront redoubler de vigueur dans l’enceinte de l’Assemblée constituante.

Si, aujourd’hui, les trois quarts des textes ont été rédigés, ils restent les articles polémiques. Ceux qui touchent aux sujets sensibles du religieux, de la condition des femmes et de la soumission de tous les Égyptiens, 10% de coptes compris, au règne de la charia.

Pour ces dernières questions, le vote par consensus a été choisi et sera utilisé en fin de rédaction.

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