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La flambée anti-américaine face aux frustrations du monde arabe

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Il n’aura suffi que d’une vidéo, une piètre vidéo filmée dans un studio de Californie pour soulever le Moyen-Orient d’un sentiment exacerbé d’anti-américanisme.

L’outrage de trop pour les musulmans

La bande-annonce du film « Innocence of Muslims », jugée islamophobe par les musulmans, a fait l’effet d’une étincelle pour allumer un feu qui, depuis les premiers foyers de la Libye et de l’Égypte, a embrasé la quasi totalité des grandes villes du Moyen-Orient où sont représentés les États-Unis par des ambassades ou des consulats.

Les émeutes se succèdent tous les jours depuis près d’une semaine et, alors que le chef du Hezbollah chiite libanais, Hassan Nasrallah, a appelé, lundi 17 septembre, à de nouvelles manifestations, le mouvement ne semble pas prêt de s’apaiser.

Pour le chef du Hezbollah, la bande-annonce du film représente « la pire attaque contre l’islam, pire encore que les ‘Versets sataniques’ [roman de Salman Rushdie publié en 1988, ndlr], que le fait de brûler des exemplaires du Coran en Afghanistan ou que les caricatures du prophète Mahomet. » Le message est assez clair : le monde arabe doit se soulever contre l’ennemi des musulmans, qui n’est autre que les États-Unis.

Un simple prétexte ?

Mais si cette bande-annonce n’était qu’un prétexte ? Des manifestations qui se déroulent devant la plupart des ambassades ou consulats des pays touchés, c’est moins une haine des réalisateurs du film polémique qui transparaît, qu’un anti-américanisme pur et simple.

Alors qu’un ambassadeur américain, Christopher Stevens, a été tué, parmi quatre membres du consulat de Benghazi, la révolte a pris, dès le début, un tournant plus politique que polémique.

Grand revers de fortune pour Barack Obama qui, à deux mois de l’élection présidentielle durant laquelle il tentera d’être élu pour un second mandat, réalise que ses tentatives d’apaisement des relations entre les États-Unis et le monde arabe durant son mandat ont échoué.

Quatre ans après le discours du Caire

Le monde musulman ne veut plus de ces États-Unis qui, malgré leur implication au côté des manifestants pendant les mois du Printemps arabe, n’ont fait que poursuivre, malgré de belles promesses, une politique interventionniste là où les musulmans ne le souhaitaient pas, et une politique de déni de la réalité là où le monde arabe attendait une action symbolique.

Il faut remonter aux premiers jours du mandat de Barack Obama pour comprendre dans quel contexte se déroulent les évènements de ces derniers jours. Le 4 juin 2009, sept mois après son élection, Barack Obama est au Caire pour prononcer un discours historique dans l’Égypte d’Hosni Moubarak.

Après huit ans d’une ère Bush marquée par deux déclarations de guerre sur fond de « guerre mondiale contre le terrorisme », Barack Obama veut adoucir les relations qui se sont fortement dégradées entre le monde arabe et les États-Unis.

Les engagements de Barack Obama

« Je suis venu ici au Caire en quête d’un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier, un départ fondé sur l’intérêt mutuel et le respect mutuel, et reposant sur la proposition vraie que l’Amérique et l’islam ne s’excluent pas et qu’ils n’ont pas lieu de se faire concurrence », déclarait Barack Obama en introduction de son discours.

Un discours dans lequel le président américain faisait de nombreuses promesses. L’Afghanistan d’abord. Barack Obama assure de son désir de mettre une fin à une guerre qui a déjà fait de nombreux morts. « Ne vous y trompez pas : nous ne voulons pas laisser nos soldats en Afghanistan. Nous ne cherchons pas à y établir des bases militaires », affirmait-t-il.

Poursuivant sur le dossier irakien, Barack Obama annonce : « J’ai fait clairement savoir au peuple irakien que nous ne cherchons nullement à établir des bases en Irak ni à revendiquer son territoire ou ses ressources. La souveraineté de l’Irak appartient à l’Irak. »

Le dossier israélo-palestinien au point mort

C’est sur le dossier israélo-palestinien que le président américain s’engage le plus. « L’Amérique ne tournera pas le dos à l’aspiration légitime du peuple palestinien à la dignité, aux chances de réussir et à un État à lui », affirmait Barack Obama, ajoutant, « les États-Unis n’acceptent pas la légitimité de la continuation des colonies israéliennes. Ces constructions constituent une violation des accords passés et portent préjudice aux efforts de paix. Le moment est venu pour que ces colonies cessent. »

« Israël doit aussi honorer ses obligations et assurer que les Palestiniens puissent vivre, travailler et développer leur société, » déclarait encore Barack Obama sous les applaudissements du public.

De désenchantements en scandales

Pourtant, près de quatre ans plus tard, force est de constater pour tous les habitants du monde arabe que peu de promesses ont été tenues.

Si les États-Unis ont quitté l’Irak, si 3000 soldats américains ont péri au cours de cette guerre, ils ont également laissé 100 000 morts irakiens sur leur passage.

Israël poursuit toujours sa colonisation sauvage en Cisjordanie au mépris de toutes les menaces qui lui sont faites.

En Afghanistan, les scandales impliquant l’armée américaine n’ont fait que se succéder. Corans brûlés, soldats qui urinent sur des corps… n’ont fait qu’augmenter le mépris des populations arabes envers les États-Unis.

Le bilan promis de Barack Obama lors de ce discours du Caire laisse un goût amer au monde arabe, pour qui les cas palestinien, afghan et irakien peuvent être prétextes à tous les excès.

La faiblesse de la diplomatie américaine en campagne

Certes, les États-Unis se sont engagés au côté des manifestants du Printemps arabe, mais la reconnaissance de ce même monde arabe « libéré » n’est pas éternelle et les États-Unis paient aujourd’hui le prix d’une politique en totale opposition avec les exigences arabes.

Le gouvernement américain a joué la carte de la prudence devant les évènements actuels, malgré la mort d’un ambassadeur et les centaines de drapeaux américains brûlés. Échéance électorale oblige, les États-Unis ne veulent pas prononcer un mot plus haut que l’autre et provoquer une secousse qui serait irréparable. Jusqu’au 6 novembre prochain, jour de l’élection présidentielle, les États-Unis seront au point mort.

Une position qui pourrait sans doute accorder un sursaut dans les sondages à l’adversaire du Président, le républicain Mitt Romney. Face à un anti-américanisme meurtrier et à l’immobilisme apparent de Barack Obama, Mitt Romney, héritier de George W. Bush, oppose la force et la suprématie des États-Unis. 

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