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Le fossé entre les islamistes et le président Morsi se creuse

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La fureur anti-américaine qui s’est emparée du centre-ville du Caire la semaine dernière pourrait en dire plus sur les rivalités politiques locales que sur les États-Unis et l’islam.

Mohamed Morsi fâche les islamistes égyptiens

Ce sont des groupes salafistes et islamistes, plus conservateurs que les Frères musulmans au pouvoir, qui ont fait les premiers appels à la manifestation à l’extérieur de l’ambassade américaine du Caire, la semaine dernière.

Depuis, certains de ces mêmes groupes ont incité publiquement le président égyptien Mohamed Morsi, longtemps chef des Frères musulmans, à prendre une position intransigeante contre les États-Unis pour avoir « autorisé » le film anti-islam – qui a été utilisé comme point de ralliement pour les troubles – à être produit sur son sol.

Mais le président égyptien est longtemps resté silencieux. Sans condamner, sans approuver. Si bien qu’à l’extérieur de l’ambassade, durant les attaques, les manifestants chantaient : « Morsi, Morsi, pourquoi restes-tu silencieux ? N’est-il pas ton prophète ? »

Pour de nombreux analystes, le film amateur qui dénigre le prophète Mahomet a donné aux salafistes une formidable opportunité de consolider leur crédit islamique vis-à-vis de Mohamed Morsi, qui a mis les groupes ultra-orthodoxes à l’écart de son gouvernement.

Les salafistes préparent une surprise pour les élections législatives

Ces évènements pourraient alors marquer le début d’une rivalité plus féroce entre les deux organisations politiques, qui devrait déterminer lequel des deux parle véritablement au nom de l’islam en Égypte, d’autant que les partis se préparent actuellement aux élections législatives, organisées plus tard cette année.

« Aujourd’hui, les partis ont beaucoup plus de liberté pour s’organiser », notamment les islamistes, explique l’analyste politique Ziad Akl, du Centre Al Ahram pour les études politiques et stratégiques. « Cela explique qu’il y ait un islamisme radical en développement », déclare-t-il.

Mais les groupes salafistes, déjà en colère contre Mohamed Morsi pour des raisons politiques – puisqu’ils cherchent la mise en œuvre de leur interprétation de la loi islamique, ont saisi l’occasion de critiquer le Président pour n’avoir pas été le premier à condamner la vidéo.

Le parti Jama’a al-Islamiya veut affronter Mohamed Morsi

Jama’a al-Islamiya est l’une de ces organisations. Ancien groupe terroriste inséré dans la sphère politique, Jama’a al-Islamiya a annoncé, quelques jours avant les manifestations, être en train de repenser le bienfondé de son alliance politique avec le Parti de la Justice et de la Liberté des Frères musulmans, en raison de l’écartement de ses délégués de deux nominations ministérielles ainsi que de postes au Conseil national des droits de l’homme.

À la suite de la manifestation devant l’ambassade américaine,  les responsables de Jama’a al-Islamiya ont d’abord demandé à Mohamed Morsi d’annuler une visite prévue aux États-Unis, avant d’exiger de ce dernier qu’il rompe toute relation avec l’administration Obama.

Les salafistes vont désormais défier les Frères musulmans dans les urnes en demandant aux électeurs de décider « quel est le parti le plus fervent et quel est le parti le plus à même de faire appliquer la charia ? » explique Kamal Habib, un ancien chef de Jama’a al-Islamiya, désormais analyste politique.

« Cela va affecter les Frères musulmans », explique-t-il.

Al-Nour refuse que Mohamed Morsi s’excuse

Le parti salafiste Al-Nour, déjà consterné d’avoir été écarté des fonctions ministérielles malgré leur 25 députés au Parlement – désormais dissout -, s’en est également pris au Président au sujet du film.

Dans un récent commentaire sur sa page Facebook, le parti Al-Nour a expliqué que, depuis qu’il a été élu [le 17 juin dernier, ndlr], Mohamed Morsi n’a ni communiqué officiellement ni consulté aucun des responsables de leur parti.

« En tant que salafistes, nous pensons que Mohamed Morsi pourrait faire plus pour défendre l’islam », explique Sameh Abd Al Hamid, membre du parti Al-Nour qui a soutenu l’attaque de l’ambassade américaine. « Je ne pense pas qu’il devrait présenter des excuses officielles aux États-Unis. »

L’enjeu de l’interdiction du blasphème

Les membres du Parti Al-Nour, qui siègent à l’Assemblée constituante – dont la mission est de doter l’Égypte d’une nouvelle constitution – travaillent d’arrache-pied pour insérer un article qui criminalise le blasphème.

« Nous voulons que la charia soit appliquée et une partie de cette loi inclue l’interdiction du blasphème, » ajoute Sameh Abd Al Hamid.

Si Mohamed Morsi ou les Frères musulmans, également présents à l’Assemblée constituante, hésitent à se prononcer en faveur de cette inscription dans la loi, ils prennent le risque de creuser un gouffre déjà profond entre eux et les salafistes.

« C’est vrai. Leur politique devient de plus en plus différente de la nôtre », ajoute Sameh Abd Al Hamid, se référant aux Frères musulmans.

Heba Habib a contribué à ce reportage depuis Le Caire.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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