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Quand l’obamania envahissait la France

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Obama n’a réalisé son programme que partiellement. Il n’a pas mis un terme à la crise économique, financière et sociale. Les États-Unis n’ont toujours pas retrouvé le chemin de la croissance et du plein emploi. La réforme du système de santé, votée après d’interminables débats, n’est pas encore appliquée et ne le sera peut-être jamais. L’opinion publique est profondément divisée. Dans le domaine de la politique étrangère, quelques succès spectaculaires, comme l’exécution d’Oussama Ben Laden, dissimulent bien des échecs, complets ou partiels.

En Irak comme en Afghanistan, face à l’Iran ou dans le conflit israélo-palestinien, les États-Unis n’ont pas obtenu les succès qu’ils espéraient. En Asie, la Chine est à la fois un rival coriace et un partenaire inévitable. Dans le monde d’aujourd’hui, les États-Unis ne sont pas plus forts ni plus influents.

Les explications ne manquent pas. La conjoncture a-t-elle été trop défavorable ? L’Amérique est-elle inexorablement confrontée à son déclin ? Les promesses étaient-elles inconsidérées ? La personnalité d’Obama, si difficile à cerner, est-elle, tout compte fait, moins exceptionnelle qu’on l’a cru ?

Les électeurs américains trancheront en novembre 2012. Ils compareront les promesses du candidat républicain avec le bilan du président sortant. En toute sérénité, en connaissance de cause, ils accorderont ou refuseront un second mandat à Barack Obama.

Extraits de « Barack Obama, la grande désillusion », d’André Kaspi

L’obamania, c’est un mot qui entre dans notre vocabulaire en 2008. Il désigne cette sorte de folie, cet engouement formidable qui a saisi le monde, l’Europe comme l’Afrique, le Moyen-Orient comme le reste de l’Asie, un peu moins l’Amérique du Nord. Ce fut une vague géante qui a tout emporté sur son passage. L’Amérique des bons sentiments était de retour. Barack Obama, le nouveau Messie, devait, d’un coup de baguette magique, transformer les États-Unis et redonner espoir à notre planète. On nous l’a fait croire, et nous l’avons cru. Certains continuent de le croire.

Il faut rappeler l’ampleur de l’obamania en prenant notre pays pour exemple. Jusqu’à la fin de l’année 2007, qui connaît en France ce jeune sénateur de l’Illinois, élu pour la première fois dans la haute assemblée fédérale trois ans auparavant ? Personne ou presque ne prête la moindre attention à ses ambitions présidentielles. L’ignorance des Français est partagée par le reste du monde, certainement aussi par une grande majorité des Américains.

Au début de l’automne 2007, deux jeunes chercheurs français, l’historien François Durpaire et le civilisationniste Olivier Richomme, publient chez Demopolis « L’Amérique de Barack Obama ». L’ouvrage compte 189 pages. Il présente « le premier homme noir à avoir des chances de devenir président de la première puissance mondiale ». Les auteurs restent modestes. Il est possible, écrivent-ils, qu’Obama ne devance pas dans les primaires démocrates Hillary Clinton, qui pourrait alors être la première femme candidate à la présidence au nom d’un des deux grands partis. L’homme est jeune, sympathique, charismatique. Ce nouveau Kennedy, qui fait rêver les États-Unis (il vaudrait mieux dire : une partie des États-Unis), est l’étoile montante du monde politique américain. Ce qui fascine nos deux chercheurs, ce n’est pas le programme politique d’Obama, auquel ils ne consacrent qu’un chapitre et demi sur neuf. Ils se passionnent pour le multiculturalisme, pour le nouveau melting-pot, pour une personnalité qui incarne le métissage. (…)

Les Français, qu’ils le regrettent ou non, ne votent pas dans les élections américaines. Peu importe. Un comité de soutien à Obama est fondé. Il regroupe plus de 5 000 membres. Inès de la Fressange est photographiée dans Elle vêtue d’un T-shirt aux couleurs du candidat démocrate. Jean-Charles de Castelbajac inclut dans sa collection printemps-été 2009 des robes en lamé à son effigie.

De passage à Paris, Stevie Wonder fait acclamer Obama par 15 000 spectateurs réunis au Palais omnisports de Bercy. Dans une galerie proche de la Bastille, une trentaine d’artistes créent des œuvres sur le thème d’Obama. Le visage du sénateur se retrouve sur des huiles, des dessins, des hologrammes entourés d’étoiles. Benjamin Franklin, l’inventeur du paratonnerre, le représentant des révolutionnaires américains, avait été accueilli en héros par le Tout-Paris et le Tout-Versailles. John et Jackie Kennedy avaient séduit Charles de Gaulle et les Français. La popularité d’Obama atteint un niveau bien supérieur, sans pareil. C’est un véritable délire.

Lorsque Barack, accompagné par Michelle, passe par Paris le 25 juillet 2008 pour un séjour d’une étonnante brièveté, des centaines de personnes l’attendent devant la grille de l’Élysée. Peu avant, 200 000 auditeurs l’ont acclamé à Berlin. Il suffit de prononcer le nom du magicien pour que la foule applaudisse à tout rompre, manifeste un soutien sans réserve, réclame encore plus d’ouvrages et d’articles, encore plus d’émissions de radio et de télévision sur Obama l’enchanteur.

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