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Au sortir de la révolution, l’économie égyptienne à bout de souffle

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« Il y a du travail, mais rien ne s’améliore »

Couverts de la tête aux pieds par la boue qu’ils cuisent dans un four désert à l’extérieur du Caire, ici, les travailleurs ont de longues et dures journées, alors que l’économie égyptienne est réduite à l’anémie depuis la révolution.

Leurs salaires sont maigres et les accidents du travail ne sont pas traités. La plupart des travailleurs ne peuvent même pas se permettre de se marier. Certains sont à peine âgés de huit ans.

« Il y a du travail, mais rien ne s’améliore, rien ne change jamais », déclare Ali Ragab, 27 ans. Pour casser et traîner des briques pendant douze heures d’affilée sous un soleil aveuglant, il est payé onze dollars. « Pourquoi personne ne prend soin de nous ? Nous sommes tous endettés ».

Il y a peu d’indications pour que le sort d’Ali et de ses collègues de l’usine de briques, qui font partie de l’expansion du paysage industriel urbain appauvri du Sud du Caire, ne s’améliore de sitôt.

L’instabilité politique de l’Égypte freine la croissance économique

Le nouveau président égyptien Mohamed Morsi a hérité en juin d’une économie freinée par l’instabilité politique qui affecte la transition démocratique du pays.

La croissance a chuté de 6% à 1,8% après le soulèvement du pays en 2011, laissant des millions de personnes dans une grande pauvreté. Le chômage a augmenté de 12,6%. Les investisseurs étrangers ont été effrayés et ont mis du temps à revenir. L’investissement direct étranger est tombé à 218 millions de dollars seulement au premier trimestre de cette année, comparé aux 2,1 milliards de dollars à la même période en 2011.

Le secteur de l’immobilier, que fournit l’usine de briques d’Ali, a été en récession ; les temps d’incertitude ont incité les acheteurs potentiels à s’asseoir sur leur argent.

Les experts financiers s’inquiètent que Morsi et son cabinet – dont la majorité sont des partisans du capitalisme de libre-marché – manquent d’un plan solide pour tirer le pays de son marasme économique. Morsi s’est félicité récemment d’une légère baisse de l’inflation, mais peu de mesures économiques ont été promulguées par le président récemment élu.

« Ils n’ont pas de gens suffisamment experts pour faire le travail », a déclaré Nevine Al Tahri, PDG du groupe financier Delta, connue en Égypte comme la « première dame de la banque ». « Des décisions doivent être prises – sur le travail, et sur la conciliation des investisseurs. Nous avons besoin de quelqu’un qui soit visionnaire ».

Attirer les investisseurs étrangers pour relancer le système financier

La politique économique de base du président a mis l’accent sur ​​la collecte de fonds à l’étranger, y compris en courtisant le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un prêt de 4,8 millions de dollars, dont certains experts disent qu’il permettrait d’injecter une nouvelle vie à l’économie chancelante de l’Égypte.

Un prêt du FMI « donnerait au système bancaire une chance de respirer » en soulageant les dettes de l’Égypte, a déclaré Mohamed Gouda, un porte-parole du comité économique du Parti de la Liberté et de la Justice des Frères musulmans, dont Morsi était un leader de longue date. « Cela renverra un message positif aux investisseurs étrangers et permettra d’accroître les investissements », a-t-il ajouté.

Le gouvernement cherche à réduire les dépenses publiques en supprimant des subventions

Mais dans le cadre des conditions du prêt, les fonctionnaires seraient tenus d’appliquer un ensemble de mesures d’austérité approuvées par le FMI. Ces mesures pourraient bien toucher les pauvres de plein fouet, a dit Amr Afly, un économiste de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels.

Le déficit budgétaire grandissant du pays se situe à 11% des 229 milliards de dollars du produit intérieur brut. Pour diminuer les dépenses publiques, le gouvernement envisage de réduire sa gigantesque facture de subvention publique.

Les subventions aux produits du pétrole, huile de cuisson, gaz et pain, représentent au moins un quart des dépenses totales du gouvernement (84 milliards de dollars). Les subventions ont agi comme un filet de sécurité pour les pauvres. Sur 82 millions d’Égyptiens, près de la moitié de la population vit au niveau ou au-dessous du seuil de pauvreté.

La suppression des subventions touchera indirectement les plus pauvres

Au four où Ali travaille, les prix élevés du carburant vont augmenter le coût de fonctionnement des machines pour poser les briques, augmentant les frais généraux de l’usine et menaçant le salaire d’Ali.

« Notre crainte, c’est que si la subvention pour le carburant est retirée, il y aura une forte inflation due à la hausse des prix », a déclaré Adly. « Cela deviendra une forme de taxation indirecte qui aura une incidence sur les pauvres ».

Mustafa Shehata, un employé de 50 ans qui travaille à l’imprimerie de l’université de Helwan, dit qu’il se bat pour faire vivre les quatre personnes de sa famille alors que les prix montent trop.

« Nous renonçons à d’autres nécessités et nous mangeons des choses très simples – pain, pommes de terre », dit-il. « Je dois prendre un travail en plus, ou emprunter de l’argent à des gens de mon quartier. »

Gouda a admis que les mesures d’austérité frapperaient probablement les travailleurs pauvres comme Ali, et les citoyens à court d’argent comme Shehata. « Mais elles sont nécessaires pour trouver une solution définitive et durable au problème de la consommation en Égypte », a-t-il dit.

Il a déclaré que le Parti de la Liberté et de la Justice, qui avait récemment obtenu une majorité au parlement aujourd’hui dissous, avait des plans pour restructurer le budget, créer des possibilités d’emploi dans les secteurs industriels, et purger la corruption dans le secteur public.

« [Les Égyptiens] ont enduré des décennies de corruption », a déclaré Gouda. « Il n’y a donc aucune raison pour eux de ne pas subir la réforme. »

[Heba Habib a contribué à ce reportage.]

Global Post / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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