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Bahreïn: la révolution oubliée?

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Pour l’histoire, le Royaume de Bahreïn est une ancienne colonie anglaise. À son indépendance en 1971, le petit émirat profondément marqué par la culture anglaise s’est doté d’une constitution et d’un Parlement élu démocratiquement. Cette émancipation politique n’était pas du goût de tout le monde. Le grand voisin, l’Arabie saoudite décida à l’époque de suspendre la constitution et le Parlement dans le but de rétablir sur le trône une famille sunnite totalement dévouée, la dynastie al-Khalifa.

La mise en place d’une monarchie type saoudienne a fait naître une contestation qui enfle depuis plus de quarante ans. Soutenue par l’Iran et le Hezbollah libanais, la communauté bahreïnie, composée à 90 % de chiites, est constamment stigmatisée. Elle voit ses libertés fondamentales bafouées (économiques, sociales et religieuses). La ferveur des « printemps arabes » en Tunisie puis en Égypte a donné un nouvel élan à l’opposition du Bahreïn. Le 14 février 2011, elle s’est soulevée contre la monarchie place de la Perle dans la capitale de l’île Manama.

Le roi Hamad du Bahreïn, de nature plutôt conciliante, s’était pourtant préparé à la révolte de la population. À la suite des troubles qui ont secoué le Maghreb et l’Égypte, il avait fait distribuer aux familles de l’émirat 1000 dollars bahreïnis soit environ 2000 euros. Tel était le prix du silence et de la servitude. L’agitation portée par tout un peuple a dépassé le Roi qui appela en renfort le grand frère saoudien.

Une répression sanglante

La répression débuta dès le premier jour, on y dénombra 7 morts. Les chars saoudiens ont envahi l’île quelques semaines plus tard grâce au pont le « King Fahd Causeway » qui relie les rives des deux pays. Le jour de la colère voulu par les révoltés de l’île a vite tourné au drame. En un mois, la monarchie a réussi à reprendre le pouvoir. La fameuse place de la Perle a été détruite afin qu’elle ne devienne pas le symbole de cette contestation qui n’a pas raison d’être. 

Aujourd’hui, la répression continue dans l’anonymat le plus total et la population reste stigmatisée. Les arrestations d’opposants au régime se multiplient et on ne compte plus les martyrs abattus ou disparus.

Les attaques contre les manifestants du petit émirat n’ont été que peu retransmises par les médias internationaux, notamment en France. Pire, la chaîne satellitaire al-Jazeera, média très écouté dans le monde arabo-musulman, a quasiment fait abstraction de la révolte sur l’archipel. Pourtant, que ce soit en Tunisie, en Égypte ou plus récemment en Syrie, al-Jazeera a toujours apporté son soutien aux printemps arabes.

Les raisons du silence

Bien qu’aujourd’hui l’émirat ne détient quasiment plus de pétrole, Barheïn dispose d’un rôle névralgique dans la région. L’archipel est spécialiste dans le système bancaire off-shore très utilisé par l’Arabie saoudite. Il est aussi le point d’encrage de la Vème flotte de l’US Navy, secteur stratégique pour les États-Unis car proche de l’Iran et de la zone contestée du détroit d’Ormuz. Enfin, il est certain que le Qatar ne souhaitait pas voir les contestations des mouvances arabes près de ses frontières, quitte à fermer les yeux sur une révolution tout à fait légitime.

Géopolitiquement, le basculement de Bahreïn pourrait installer au pouvoir une force chiite et cela, l’Arabie saoudite ne le veut pas. L’Iran et le Hezbollah libanais ne doivent pas disposer « d’un pied-à-terre stable ». La peur de voir se soulever une des régions les plus riches en pétrole et la voir échapper à la communauté chiite importante (Ach-Chariqiya) à l’est de l’Arabie saoudite est trop forte. La monarchie Saoud pourrait se sentir très vite isolée.

La situation est donc pour l’instant au point mort. Alors que l’île, à l’agonie, reste l’ombre d’elle même, la population de Bahreïn continue de faire les frais d’une opposition à la fois politique et religieuse qui la dépasse.

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