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Bidzina Ivanichvili: l’oligarque qui a conquis le pouvoir

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Les premiers pas officiels dans la vie politique

Jusqu’à l’année dernière, Bidzina Ivanichvili était encore inconnu du grand public. C’est au mois d’octobre 2011, que la vie politique officielle du milliardaire géorgien commence. Il décide de former un parti politique afin de participer aux élections législatives de 2012. En avril dernier, il crée une coalition d’opposition, baptisée « Rêve géorgien », composée d’une dizaine de partis et mouvements politiques, dont le Parti républicain, les Démocrates Libres, le Forum National, le Parti conservateur ou encore le Parti pro-industrialisation de la Géorgie.

Entouré d’une flopée de communicants et de conseillers occidentaux, Bidzina Ivanichvili, qui se prétend débutant en politique, déclare vouloir devenir Premier ministre « pour deux ans maximum, puis revenir dans la société civile ». Il explique aussi avoir « servi son pays humblement » pendant vingt et un ans « et avoir dépensé 99% de sa fortune dans son pays ».

153ème fortune mondiale

À 56 ans, ce fils de mineur, surnommé « Comte de Monte-Cristo » par le chef de l’État, Mikheïl Saakachvili, est l’homme le plus riche de Géorgie. Il dispose aujourd’hui d’une fortune estimée à 6,4 milliards de dollars, ce qui le classe au 153e rang des personnes les plus riches du monde.

Un oligarque qui a construit sa fortune dans la Russie des années 1990

Au début des années 1980, Bidzina Ivanichvili quitte son village natal, Chorvila, situé à une centaine de kilomètres de Tbilissi, et s’installe en Russie. Il y fera son doctorat d’économie, puis vendra des ordinateurs et des téléphones pendant la « perestroïka ». En 1990, ses économies lui permettront de lancer la grande banque Rossiyskiy Kredit Bank, qu’il vendra plus tard 352 millions de dollars.

À l’image des oligarques russes, Bidzina Ivanichvili construit sa fortune à la chute de l’URSS, en profitant des privatisations de Boris Eltsine, dans le secteur des métaux. C’est également à cette époque que l’homme d’affaire s’initie en politique, en rejoignant l’équipe d’Alexandre Lebed, qu’il pousse à se présenter à l’élection présidentielle russe de 1996. Le début de la carrière politique de Bidzina Ivanichvili ne date donc pas d’octobre 2011

Bidzina Ivanichvili, un « candidat russe » ?

En 2002, soit un an après l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, Bidzina Ivanichvili quitte la Russie pour « ne pas vivre sous la coupe du KGB », comme il l’expliquera plus tard, et s’installe en France, dont il obtiendra la nationalité. L’actuel chef d’État géorgien lui reprochera sa proximité avec la Russie : « Il dit tout ce que Poutine aimerait entendre », affirme-t-il à propos de son opposant, avant d’ajouter : « Il est allé plus loin que tout autre politicien dans l’apologie des Russes ». Des accointances avec le gouvernement russe ? Probable. Ce qui est certain, c’est que Bidzina Ivanichvili, qui clame être « novice » en politique, n’est sûrement pas un perdreau de l’année.

1,6 milliard de dollars dépensés pour la Géorgie

Un an plus tard, la « révolution des roses » éclate en Géorgie et l’ère Edouard Chevarnadze s’achève. En janvier 2004, Mikheïl Saakachvili accède au pouvoir : Bidzina Ivanichvili, lui, s’active et apprend. ­­­Le milliardaire aurait dépensé plus d’un milliard d’euros pour la Géorgie. Des élans philanthropiques ? Pas seulement. Il prétend avoir financé d’importantes réformes, comme celle de la police ou de l’armée. Dans un entretien accordé à l’Express, deux semaines avant les législatives de 2012, il rappelle avoir payé les salaires des hauts fonctionnaires et des ministres, les jugeant insuffisants : « Pendant deux ans et demi, j’ai payé des salaires au gouvernement et au Parlement ». Pas de manière directe, précise-t-il, « car c’est interdit par la loi, mais indirectement, via des fondations, qui aidaient les ministères de l’Intérieur et de la Défense ». Le président de la Géorgie, lui, réfute : « Ce sont des conneries absolues ! ».

La rupture politique entre Bidzina Ivanichvili et Mikheïl Saakachvili

Les deux hommes n’ont pas toujours été opposés. La rupture s’est faite en novembre 2007, lors de la grande grève. Des manifestants de l’opposition ont été la cible de la police, qui pris ensuite le contrôle de la télévision indépendante Imedi, proche de l’opposition. À ce moment, Bidzina Ivanichvili raconte avoir découvert « le vrai visage de Saakachvili ». « Un menteur professionnel », confie-t-il à l’Express. Et l’homme ne mâche pas ses mots : « C’est sa principale qualité, avec son goût pour la bonne bouffe et le sexe ». Il déclarera plus tard être venu voir le chef de l’État et avoir « refusé de lui serrer la main » : « J’ai hurlé que je serai son pire ennemi », affirme-t-il. Une version contestée par l’équipe de l’actuel président de Géorgie.

Bidzina Ivanichvili, menteur par omission ? Il a en tout cas bien assimilé la leçon de ses nombreux communicants.

Une cohabitation qui s’annonce sous haute-tension

Deux semaines avant le scrutin, l’une des chaînes de télévision qu’il possède a diffusé une vidéo prouvant la pratique de la torture dans une prison de Tbilissi, mettant ainsi le parti de Mikheïl Saakachvili dans une situation délicate. Ces images, qui ont provoqué de nombreuses manifestations à travers le pays et la condamnation de la communauté internationale, ont sans doute joué un rôle fondamental dans le basculement de l’opinion aux élections législatives

Cet homme d’affaire, pas vraiment novice en politique et soupçonné d’être un transfuge russe, se justifie en déclarant avoir vendu toutes ses acquisitions en Russie et se vante d’avoir un passé « immaculé ». Reste que la priorité de Bidzina Ivanichvili, probable futur Premier ministre géorgien, est de normaliser les relations avec Moscou. 

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