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L’armée égyptienne en butte aux djihadistes dans le Sinaï

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C’était juste avant l’aube, le 16 septembre, lorsque Mahmoud a entendu le rugissement caractéristique d’un hélicoptère de combat.

De son toit, il a vu l’armée égyptienne lancer un assaut de grande ampleur sur un groupe de maisons faites de roseaux, à proximité. Il a ensuite vu avec surprise que les extrémistes ripostaient avec une puissance de feu exceptionnelle.

Les combattants, provenant vraisemblablement de la base du Mouvement Al Salafiya Al Jihadiya Sinaï (le Mouvement salafiste djihadiste), chassaient le convoi blindé de l’armée hors de la zone à l’aide de canons anti-aériens montés sur des 4×4 Toyota, comme le racontent Mahmoud et d’autres riverains.

L’armée égyptienne doit faire face à la puissance d’armement des extrémistes

Les troupes égyptiennes sont surpassées en termes d’hommes et d’armes par les extrémistes, armés d’artillerie et d’armes lourdes en provenance de la Libye et du Soudan, dans la montagneuse et agitée péninsule du Sinaï.

L’opération de l’armée, qui visait à limiter le nombre de militants dans la région instable du Nord de la péninsule – suite à un attentat qui a tué seize soldats égyptiens en août dernier –, a eu peu de succès. Au contraire, les groupes extrémistes semblent s’être encore plus renforcés.

« L’armée ne peut pas nous battre pour deux raisons », a déclaré à GlobalPost Abdel Rahman, un membre du Mouvement salafiste djihadiste du Nord du Sinaï. Son groupe, comme au moins six autres au Sinaï, veut imposer la charia et combattre Israël.

« Premièrement, notre idéologie [islamique] se répand, or et vous ne pouvez pas rechercher et détruire l’idéologie », a-t-il dit. « Deuxièmement, la prolifération des armes signifie que vous ne pouvez pas distinguer un djihadiste d’un citoyen normal. Il y a des armes partout ».

Le vide sécuritaire du Nord-Sinaï a favorisé l’expansion des militants extrémistes

La région du Nord-Sinaï a longtemps été une passerelle pour les armes qui se dirigeaient vers la bande de Gaza, et de nombreux Bédouins indigènes, dont le nombre s’élève à 170 000 environ, se sont armés contre un État égyptien qu’ils considèrent comme oppresseur et discriminatoire.

Après que les forces de sécurité se sont installées hors de la région rebelle du Sinaï pendant la révolution en Égypte l’année dernière, les extrémistes de tout le pays, ainsi que ceux de la bande de Gaza, ont exploité le vide sécuritaire pour accumuler armes et forces.

Aussi bien les trafiquants d’armes qu’un responsable du renseignement égyptien, en s’adressant à GlobalPost sous couvert d’anonymat, déclarent qu’au moins 1000 combattants basés au Sinaï étaient en possession d’un nombre impressionnant d’armes, des armes automatiques aux missiles anti-blindage et anti-chars, en passant par les canons à épaule anti-aériens – provenant des arsenaux pillés de la Libye de Muammar Kadhafi.

Beaucoup de ces armes ont été utilisées dans les attaques contre Israël ou contre les forces de sécurité égyptiennes.

L’armée est « incapable d’utiliser toutes ses capacités » dans la lutte contre les djihadistes

« Ils [les militants] ne sont pas mieux équipés que l’armée, mais ils sont assez bien équipés pour offrir une résistance efficace », a estimé le responsable du renseignement égyptien à GlobalPost.

Au cours du raid dont a été témoin Mahmoud le 16 septembre, ce dernier a déclaré que les combattants utilisaient une mitrailleuse soviétique de calibre 14.5 mm pour abattre un hélicoptère Apache appartenant à l’armée, le forçant à battre en retraite. L’armée a ensuite confirmé ce revers.

« Le terrain aussi est difficile », a indiqué le responsable du renseignement. La géographie du Nord-Sinaï est une combinaison de montagnes désertiques élevées et de plaines côtières habitées. « Et l’armée est incapable d’utiliser toutes ses capacités ».

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Des opérations limitées à la frontière d’Israël

Selon les termes du traité de paix de 1979 entre l’Égypte et Israël, l’armée égyptienne doit limiter ses armements et mouvements de troupes dans la péninsule du Sinaï, à la frontière d’Israël. L’Égypte a été contrainte de retirer un certain nombre de tanks de la zone démilitarisée du Sinaï le long de la frontière au début du mois, après qu’Israël a protesté contre ces installations.

L’Égypte compte maintenant environ 2200 troupes stationnées dans la zone tampon démilitarisée pour lutter contre la montée extrémiste, selon l’Associated Press. Mais seule une poignée d’arrestations a été faite et six militants seulement ont été tués dans des raids sporadiques, selon le témoignage des habitants.

Les résidents du Nord-Sinaï disent que les renseignements militaires dans la région ne parviennent que faiblement à entraver les opérations.

« Ils doivent cesser de mener des raids et d’arrêter les mauvaises personnes », a déclaré Cheikh Abdul Qader, qui vit à un kilomètre environ de l’endroit où a eu lieu l’attaque du 16 septembre. « L’armée utilise des vieilles informations du ministère de l’Intérieur ».

L’important et répressif appareil de sécurité égyptien a recueilli des renseignements sur les réseaux criminels de passeurs et de trafiquants bédouins dans le Sinaï.

Les militants proviennent surtout du delta du Nil et de la bande de Gaza

Mais alors que certains Bédouins ont coopéré avec les extrémistes et ont rejoint leurs rangs, la plupart des militants viennent du delta du Nil et de la bande de Gaza, dirigée par le Hamas. Et ils ont apporté avec eux de nouveaux réseaux et tactiques qui opèrent parfois hors de l’infrastructure criminelle traditionnelle dans le Sinaï.

Quelques-uns des six militants tués lors d’un raid dans la région d’Al Jora au Nord du Sinaï le 12 août dernier, venaient du Caire et d’autres villes du delta du Nil.

Les personnes visées lors du raid du 16 septembre « étaient étrangères, nous ne savions pas qui ils étaient », dit Abdul Qader, lui-même bédouin originaire de la région. « Ils gardent leur zone fermée, et disent à toute personne qu’ils croisent de prendre une autre route ».

L’armée obtient un peu d’aide de la population locale bédouine, une communauté dont les membres ont été traités comme des citoyens de seconde classe pendant des années.

« Nous voulons une armée qui comprenne son rôle. Il est un citoyen, je suis un citoyen, et entre nous, il y a la loi », dit-il. « Ensuite, nous les aiderons ».

Global Post / Adaptation : Anaïs Lefébure / JOL Press

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