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Le peuple afghan est-il à la veille d’une guerre civile?

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Spécialiste de l’Asie centrale, ulcéré par l’aveuglement américano-britannique en AfghanistanRené Cagnat écrit, de 2001 à nos jours, toute une série d’articles accompagnant et même annonçant le cours fatal des événements. Malheureusement, il n’a jamais pu se faire entendre. Cet ouvrage détaille les sept erreurs gravissimes : « Les sept piliers de la bêtise »

Elles furent commises d’abord par les Américains, néophytes en terre afghane, mais étrangement relayées par les Britanniques, incapables de faire profiter leurs alliés de la dure expérience du grand jeu qui fut la leur au XIXe siècle. Les comparses de l’Otan ont suivi, peu à peu rejoints par la France, dans l’incapacité de maintenir cette distance pleine de dignité dont elle venait de faire preuve en Irak.

Extraits de Du Djihad aux larmes d’Allah : Afghanistan, les sept piliers de la bêtise, de René Cagnat

Quelles que soient les hypothèses envisagées pour l’avenir du peuple afghan, l’explosion d’une guerre civile plus ou moins longue paraît inévitable avec une projection de problèmes sur toute la périphérie du pays. Cela se produira notamment en direction de l’Asie centrale où les réfugiés rejoindront leurs frères de race (tadjiks, ouzbeks, turkmènes, etc.) mais aussi vers le Pakistan et l’Iran (émigration de Pachtounes et de Baloutches). Des troubles s’étendraient ainsi à tout le pourtour afghan. Les scenarii d’avenir peuvent être schématiquement limités à trois possibilités :

1. Les factions afghanes étant parvenues à s’entendre autour de la production de drogue, un narco-État apparaîtrait en première hypothèse sur tout le territoire de l’Afghanistan. Il reposerait sur la personnalité de Hamid Karzai qui se révèle être un extraordinaire équilibriste du pouvoir : discrédité chez lui pour la corruption de son entourage et de son clan, il parvient quand même à se ménager le soutien américain mais aussi celui de la Chine, de l’Inde, de l’Europe et, surtout, des milieux de la drogue : ceux-ci pourraient un jour financer en bonne partie l’entretien de l’armée et de la police laissées par les Américains et servir de pont entre le Nord et le Sud afghan

Mais le pays étant extrêmement divisé par nature et Karzai parfaitement impopulaire, cette éventualité est peu plausible. Tout juste devrait-elle concerner une période de deux ou trois ans. Ses conséquences pour l’Asie centrale seraient celles, catastrophiques, du troisième scénario exposé ci-après.

2. Les talibans avec l’appui du Pakistan réussissent à chasser Karzai ou celui qui lui succèderait après les élections de 2014. L’alliance du Nord, soutenue notamment par l’Inde, l’Iran et la Russie, résiste alors victorieusement au nouveau pouvoir : c’est un modèle de partition, mais qui pourrait être surmonté. Dans ce scénario, supposons que les chefs talibans, notamment  mollah Omar, mettent fin dans le Sud, au nom de l’islam, à leur alliance avec la drogue et l’attaquent. C’est une initiative à encourager car tout le mal actuel – de la corruption à la subversion – est lié au trafic de narcotiques

Dans ce cas de figure, l’Afghanistan, avec  l’aide du monde arabe, des pays voisins et de l’Occident, se remet peu à peu : dans la zone pachtoune au Sud, la lutte contre la drogue est menée, comme en 1999-2000, avec la dernière énergie ; dans le Nord, au contraire, l’approche est plus mesurée. Avec l’aide  d’une « coalition anti-drogue » la récolte d’opiacés est rachetée à des fins médicinales, le temps d’accoutumer les paysans à des cultures de substitution qui remplaceront peu à peu le pavot. Revenu à un certain équilibre, l’Afghanistan est alors en mesure de rétablir son unité. Dans ce contexte favorable, l’Asie centrale luttera efficacement contre la subversion, la corruption et les trafics parce qu’ils auront perdu leurs racines afghanes. Surmontant ses divisions et les incitations malsaines du très grand jeu, toute la zone devrait se développer assez rapidement.

3. Le troisième scenario, de loin le plus funeste mais aussi, malheureusement, le plus probable, voit les talibans au pouvoir maintenir leur alliance avec la drogue. Dans ce cas, à la division entre Sud et Nord, s’ajouterait en Afghanistan, dans le camp taliban, une orientation différente entre djihad national et djihad international. Par opposition aux talibans dits nationaux de mollah Omar, partisan d’un califat limité à l’Afghanistan, les talibans dits internationaux de Hakimullah Mehsud et Djalâlouddine Haqqani, appuyés par les restes d’al-Qaïda et du mouvement islamique d’Ouzbékistan, n’auront de cesse, à l’instigation des barons de la drogue, de répandre leur terrorisme en Asie centrale.

Le djihad international aurait alors toute facilité à se lancer en pays touranien où il disposerait des filières du trafic des narcotiques qui fait souvent jeu commun avec l’islamisme terroriste. Mais il bénéficierait surtout de la grande proximité religieuse et « sociétale » des Afghans avec les populations notamment sédentaires du Turkestan : Ouzbeks et Ouighours en particulier. Que la succession du président Karimov intervienne alors que le djihad international se projette en Asie centrale, et l’on verra l’action de ce mouvement grandement facilitée.

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