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Quelle alternative à Vladimir Poutine en Russie?

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L’opposition russe aux abois a annoncé, mardi 23 octobre, le résultat de l’élection de son gouvernement fantôme, dont l’objectif est d’unir les voix antagonistes de l’opposition. Plus de 100 000 partisans ont pris part au vote afin de former un « Conseil de coordination » de 45 membres qui comprendra notamment le blogueur anti-corruption Alexeï Navalny, le champion d’échecs Garry Kasparov, ainsi que d’autres personnalités importantes de l’opposition.

Quel mouvement d’opposition pour contester Vladimir Poutine ?

La création de ce Conseil de coordination survient une année après l’annonce de la candidature de Vladimir Poutine pour un troisième mandat présidentiel – candidature qui avait soulevé un vent de protestation parmi la population – et deux semaines après que les candidats pro-Kremlin ont remporté une série d’élections régionales, balayant ainsi les espoirs de l’opposition de voir leur contestation se transformer en ligne politique.

Malgré quelques piètres tentatives, l’opposition est actuellement toujours incapable de se présenter en véritable alternative à Vladimir Poutine. Mais, malgré les luttes intestines qui ont incontestablement ruiné toutes les précédentes tentatives, blâmer l’opposition pour avoir failli à leur mission de contester efficacement le Kremlin ne serait pas tout à fait juste.

De nombreuses tentatives

Il y a eu diverses tentatives afin de consolider l’opposition depuis que Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir il y a douze ans. Une récente, notamment, s’est formée à partir d’anciens membres de l’ère de Boris Eltsine. Appelée Union des forces de droite, ou SPS, elle était inévitablement vouée à l’échec pour avoir soutenu le président, issu du même camp. Parmi les autres tentatives, Garry Kasparov a conduit plus tard une alliance sous le nom « L’Autre Russie », qui a attiré plusieurs milliers de personnes dans les rues en 2007 lors de manifestations qui ont donné les premières illustrations de la brutalité de la police anti-émeute d’État.

Alexeï Navalny est, depuis, intervenu comme le leader d’opposition le plus populaire pour sa croisade contre la corruption, qui a permis à de nombreux Russes de témoigner de faits de corruption du gouvernement en les signalant sur Internet. Boris Nemtsov, un des leaders du SPS, a également réalisé une compilation de documents prouvant les faits de corruption qui entourent Vladimir Poutine et de nombreux autres politiciens.

L’opposition peine à s’organiser

L’opposition en Russie est active et ses leaders luttent depuis longtemps pour rendre publiques les actions du gouvernement et pour la démocratie. Malheureusement, les faits sont contre eux et l’élection du Conseil de coordination en témoigne. Ce scrutin a dû être prolongé une journée complète en raison d’une attaque des hackers du DDOS contre le site de vote en ligne qui a empêché de nombreux électeurs de s’exprimer. Les leaders d’opposition ont accusé le Kremlin d’être derrière cette attaque.

Ces attaques ne sont que le dernier obstacle d’une longue série de recherches, convocations et procès menés par les autorités depuis que Vladimir Poutine a été réélu en mai dernier.

Les réseaux pétroliers de la riche Russie

Le président, quant à lui, a été très occupé à poursuivre l’accomplissement d’une dizaine d’années de consolidation de pouvoir, en supervisant une dernière étape importante : un accord avec la compagnie pétrolière Rosneft afin d’acquérir le TNK-BP, ce qui fera de Rosneft l’entreprise pétrolière la plus cotée, dont 60% des parts seront sous le contrôle de l’État.

BP a annoncé dimanche 21 octobre qu’elle acceptait de vendre sa participation à hauteur de 26 milliards de dollars.

Rosneft achètera l’autre moitié de l’entreprise grâce à un consortium d’oligarques russes connus sous le nom de AAR.

Vladimir Poutine se construit un pouvoir inatteignable

La récente acquisition de Rosneft remet en question la coutume qui veut que le Kremlin reste d’habitude en retrait, notamment lorsque le PDG de BP, Robert Dudley a été forcé de fuir la Russie en 2008, après ce qu’il a qualifié de « harcèlement soutenu » des autorités.

Le PDG de Rosneft, Igor Sechin, est habitué à mettre ses rivaux sous pression. Loyaliste de Vladimir Poutine et considéré par beaucoup comme étant le second homme le plus important de Russie, il a notamment orchestré l’arrestation du milliardaire Mikhail Khodorkovsky en 2003 et la reprise par Rosneft de la plupart de son entreprise pétrolière Yukos, l’une des plus grandes du pays.

BP prétend désormais « construire une nouvelle fondation » pour son travail en Russie. En fait, sa vente à Rosneft pourrait être le fruit d’une longue campagne pour convaincre la société de vendre une de ses opérations les plus rentables.

Le contrôle de toutes les branches de la Russie, de son industrie du gaz et, désormais, de son industrie pétrolière, fait de Vladimir Poutine un homme très puissant.

Le régime intensifie sa lutte contre l’opposition

Les autorités intensifient leurs attaques à l’encontre des critiques du Kremlin. Aujourd’hui, ils ont annoncé l’arrestation d’un activiste d’opposition accusé d’avoir aidé à l’organisation d’une manifestation en mai dernier qui a tourné à la violence après que la police est intervenue.

La Commission d’investigation, une agence tenue par un autre proche de Vladimir Poutine, et fer de lance de la campagne du Kremlin contre ses opposants, a déclaré que Leonid Razvozzhaev, un assistant d’un député d’opposition, avait avoué avoir organisé le mouvement de violence.

Pourtant, les partisans de Leonid Razvozzhaev affirment que ce dernier aurait été enlevé en Ukraine, la semaine dernière, après avoir demandé à l’ONU un statut de réfugié politique. Il aurait été renvoyé à Moscou et torturé avant de faire cette confession.

Lundi 22 octobre, il a été élu au Conseil de coordination.

Ce nouvel organisme est désormais l’espoir de l’opposition pour le maintien de sa lutte, contre vents et marées. Mais les intempéries climatiques ne seront que la partie facile de cette lutte. Repousser les attaques d’un régime qui ressemble de très près à son prédécesseur soviétique est un défi difficile, même pour la force politique la mieux organisée.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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