Site icon La Revue Internationale

En Afghanistan, la population se tourne désormais vers les talibans

[image:1,l]

Le premier signe de la présence grandissante des talibans dans la province du Lôgar est visible depuis la route principale, où les ponts ont été dynamités à intervalles réguliers, chacun représentant un endroit idéal pour placer les bombes destinées aux passages des convois militaires.

Une présence grandissante des talibans

Plus loin, on aperçoit un poste de police improvisé dans un conteneur et entouré de sacs de sable. Il semble avoir été incendié avant d’être abandonné.

Mais la meilleure preuve de la présence de plus en plus importante des insurgés se trouve avant tout chez les habitants. Ceux qui acceptent d’être interrogés sont heureux d’exprimer leur admiration pour les talibans, quand d’autres sont simplement effrayés de s’adresser à des journalistes.

« Si le peuple ne soutenait pas les talibans, comment pourraient-ils être devenus importants comme ils le sont aujourd’hui ? » explique Mohammed Rafiq, gérant d’une librairie locale.

Impopularité des troupes de l’Otan

Le Lôgar est une région située au sud de Kaboul. Ces dernières années, cette région est devenue une des plus dangereuses du pays.

La situation ici est une préfiguration de ce qui pourrait attendre l’Afghanistan alors que les troupes de l’Otan ont entamé leur retrait. À l’extérieur des centres de districts, le gouvernement n’a qu’une faible influence. Les troupes étrangères sont encore plus impopulaires.

Une atmosphère de tension règne à Pul-i-Alam, la capitale provinciale. Récemment, de nombreux camions appartenant aux services de sécurité nationaux ont été vus dans le centre-ville.

Leur présence n’est pas appréciée par les habitants, qui accusent fréquemment les forces de sécurité d’être une partie du problème afghan.

« Ce combat est un djihad »

Sayed Abdul Wahab est étudiant, il explique à Global Post que même ses professeurs empruntent des musiques talibanes comme sonneries de téléphone.

Âgé de 18 ans, il est tadjik – une partie de la société qui n’a jamais cultivé de sympathie pour les talibans. Il admet ouvertement soutenir les insurgés, affirmant que les troupes américaines ont délibérément attaqué des civils. Il accuse la police de discrimination contre lui et contre d’autres villageois barbus qui viennent dans le centre, vêtus de vêtement traditionnels afghans.

« Ce combat est un djihad, tout le monde le sait et tout le monde le soutient. Ces gens sont nos oppresseurs et nos ennemis, ils ne nous laissent pas vivre et être heureux », ajoute-t-il.

Le mois dernier, quatre enfants ont été tués dans un affrontement entre troupes étrangères et talibans dans le district voisin de Baraki Barak. Le général John Allen, commandant des forces de l’Otan en Afghanistan, a exprimé ses « sincères condoléances aux familles des civils qui ont été tués. »

Les talibans s’installent et séduisent la population

Pendant ce temps, les rebelles font de nombreuses tentatives pour gagner les cœurs et les esprits. Outre l’utilisation de tactiques incluant les attentats suicides, assassinats et enlèvements, ils tiennent un système de justice informel qui est généralement considéré comme plus juste et rapide que les cours officielles.

Le Lôgar est également une route de transit pour les insurgés qui voyagent à destination et en provenance du Pakistan à travers les vieux sentiers montagneux, utilisés par les Moudjahidines contre l’armée soviétique dans les années 1980.

Haji Sayed Habibullah Husseunyar était commandant dans la résistance, il est aujourd’hui un chef tribal. Tadjik lui aussi, il explique que plusieurs factions militantes sont actives dans la zone et les habitants « leur donnent de l’argent, un hébergement et un endroit pour prier » dans le respect des enseignements de l’islam.

« Dans le gouvernement vous ne pouvez pas trouver quelqu’un de bien – ils sont tous corrompus », affirme-t-il.

Haji Sayed Habibullah Husseunyar explique que lorsque les troupes américaines étaient dans son village, certains lui ont demandé pourquoi ils étaient tellement détestés. Il aurait alors répondu : « Si vous voulez nous aider, partez, rentrez chez vous et envoyez-nous des ingénieurs, des docteurs et des enseignants, pas des armes, des troupes et des tanks. »

L’avenir économique de l’Afghanistan

En plus d’être stratégiquement vital, le Lôgar abrite un projet de construction de mine de quelques milliards de dollars, projet considéré comme un important baromètre pour les espoirs économiques de l’Afghanistan sur le long terme. En septembre, Reuters révélait que les investisseurs chinois avaient mis un terme à leurs travaux sur le site en raison de problèmes de sécurité.

Toute personne associée aux initiatives soutenues par le gouvernement ou à l’occupation est toujours en danger. Plus tôt ce mois-ci, les corps de deux Afghans ont été trouvés près de Pul-i-Alam. Une source officielle a déclaré que les victimes étaient des traducteurs travaillant pour l’Otan, quand une autre source a affirmé que les deux hommes étaient des employés d’un entrepreneur travaillant pour l’armée afghane.

La population abandonnée aux mains des talibans

Timor est un chauffeur de taxi qui effectue chaque jour le trajet de 50 minutes qui sépare Kaboul de Pul-i-Alam. Il explique à Global Post que les talibans sont actifs partout, même dans la capitale provinciale.

Il raconte comment un de ses collègue a accepté de conduire des hommes jusqu’à une base militaire locale. Peu après les avoir déposés, il a accepté un nouveau passager qui lui a demandé de le conduire dans le village suivant, où les insurgés attendaient. Ils l’ont frappé et lui ont confisqué son véhicule pour le punir.

« La sécurité n’existe pas ici. Chaque jour, après 16 heures, les gens ne sont plus en sécurité dans le village, sur la route principale ou dans les villages », ajoute Timor.

« Vers 16 heures, les soldats afghans quittent la route principale et retournent dans leurs bases. Même si vous jurez sur le Coran, ils ne viendront pas vous aider. »

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

Quitter la version mobile