Site icon La Revue Internationale

«The Economist» joue – une fois de plus – les Cassandre

La tendance serait donc globale. La mode des Unes – provocatrices au mieux, aguicheuses au pire –, motivées davantage par des soucis de marketing que choix de ligne éditorial ou d’angle, se répand… Alors qu’en France, L’Express et Le Point s’en donnent à cœur joie, chaque semaine désormais, pour tenter de retenir une audience en berne, un formidable exemple nous est donné, aujourd’hui, par un magazine qui, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, passait – à juste titre – pour LA référence en matière de newsmagazine : une fois de plus, The Economist a fauté.

[image:1,f]

L’objet du délit…

A chacune de ses Unes « françaises », l’hebdomadaire économique et politique britannique a recours à du lourd, alternant les clichés caractérisant aux yeux des rosbeefs, et du monde entier, ces grenouilles de Français, nous !

Là, quelques baguettes font office de bâtons de dynamite, reliés entre eux (elles) par un joli ruban tricolore et une mèche s’échappe de l’épi. Evidemment la mèche est en train de se consumer… Attention, ça va exploser !

Le titre est raccord : « The time-bomb at the heart of Europe » ou « La bombe à retardement au cœur de l’Europe »… So be it, ainsi soit-il !

Voilà qui est appétissant – avant d’être agaçant – et, en 14 pages, on imagine que la sérieuse rédaction depuis ses bureaux de la City de Londres aura le temps – et l’espace – nécessaires pour une démonstration approfondie… Libre à eux de jouer les Cassandre, mais quand on s’avance, mieux avancé armé !

Un leader tout en nuance…

Le leader sur la France et l’euro – « La bombe à retardement au cœur de l’Europe » – est dès son sous-titre beaucoup plus nuancé… « Why France could… » ou « Pourquoi la France pourrait devenir le plus grander danger pour la monnaie unique européenne ». « Could », « pourrait » donc.

A voir la Une, on s’attendait à ce que l’issue fatale soit inéluctable. Il n’en est rien. The Economist se prend pour les Mayas et annonce la chute de la France, la fin de l’euro, un peu comme les représentants de cette ancienne civilisation aurait prévu la fin du monde ce 21 décembre 2012.

Le problème, c’est qu’à partir du moment où on prend conscience de cette fâcheuse tendance de cet hebdomadaire, on lit leurs articles, on considère leurs démonstrations ou prises de position avec un certain scepticisme…

Des récidivistes…

Le problème, c’est que ce n’est pas la première fois – loin de là… – et sans doute pas la dernière – on le déplore – que ce constat peut-être fait à propos de ce magazine qui reste – n’exagérons rien de référence.

Il y a deux semaines, lorsqu’ il s’est agi pour The Economist d’indiquer sa préférence, de donner son endorsement à l’un des deux candidats à la présidentielle américaine, la justification de la prise de position en faveur de Barack Obama s’est trouvée être des plus fastidieuses, des plus alambiquées.

En fait, il fallait bien comprendre que cela les ennuyait et on l’a vite compris car on s’en doutait. Le président sortant – un autre « socialiste » – était – et est – bourré de défaut, Mitt Romney aurait pu être tellement parfait si, si, si, si et si… que non, non, non, ce n’était pas possible… mais, bon…

Certes, à notre époque, de nombreux choix se font par défaut, mais tout de même…

P’t-êt bin qu’oui, p’t-êt bin qu’non…

Et là, The Economist remet le couvert.

Leur titre – « La bombe à retardement au cœur de l’Europe » – relève quasiment à la lecture du dossier du « wishful thinking » – c’est, semble-t-il ce qu’il aimerait, ce qui les arrangerait si cela pouvait se produire – arrangerait ou, en tout cas, donnerait raison.

Effectivement, ces baguettes dynamites, c’est du pain béni ! Qu’elles explosent et, d’un coup, c’est l’ennemi intime des Britanniques, l’Europe maléfique et un président socialiste qui partent en fumée…

Le problème, c’est que pour sa démonstration, The Economist ressort tous les clichés habituellement ressorti au sujet de la France : le manque de goût pour l’entreprise, la place excessive de l’Etat, le coût exorbitant des prestations sociales, et caetera, et caetera… Déjà vu, déjà lu mais, surtout, à la lecture, on ressent une très grande impression de distance.

Faute de temps, bouclage oblige. Nos british donneurs de leçon n’ont sans doute pas eu le temps d’écouter la conférence de presse de François Hollande du mardi 13 novembre.

Et puis il ne pouvait pas savoir non plus que – ô surprise – les chiffres de la croissance en France au troisième trimestre serait positifs, légèrement positifs.

Le pire n’est pas toujours le plus probable.

Quitter la version mobile