Site icon La Revue Internationale

Et si la Grande-Bretagne disait «bye bye» à l’Europe?

[image:1,f]

De l’huile sur le feu

« L’euro est un projet calamiteux ». Le maire conservateur de Londres, Boris Johnson, n’a pas mâché ses mots le 4 décembre dernier, lors d’un évènement organisé par Thomson Reuters, dans la capitale anglaise. « Il faut que nous utilisions l’occasion de modifications du Traité […] pour convoquer une conférence intergouvernementale lors de laquelle nous mettrons le statut de membre de la Grande-Bretagne en conformité avec la volonté des gens ».

Et en parlant de « volonté des gens », il semblerait que les derniers sondages d’opinion montrent que la plupart des Britanniques se prononcent en faveur de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. En juillet dernier déjà, David Cameron soutenait l’idée d’organiser un référendum sur la renégociation des liens de la Grande-Bretagne avec l’Union européenne.

Il n’est pas encore question pour lui de quitter l’UE, sous prétexte que celle-ci traverse actuellement l’une des plus graves crises depuis sa fondation. Mais il s’est cependant prononcé pour « une position différente, plus souple et moins pesante pour la Grande-Bretagne au sein de l’UE ». « Ce que je souhaite, et ce que, je le pense, la grande majorité des Britanniques souhaitent, ce sont des modifications dans notre relation avec l’UE », avait-il ajouté.

« I want my money back »

Dublin, 30 novembre 1979. Le sommet des chefs d’État des neuf pays membres de la Communauté européenne vient de se terminer, sur un échec. Margaret Thatcher, fraîchement élue Premier ministre, prononce cette phrase désormais restée célèbre, à un journaliste du Guardian : « Ce que je veux, monsieur Palmer, c’est tout simple : je veux qu’on me rende mon argent ». Le Royaume-Uni, en pleine récession, paie en effet beaucoup plus que ce qu’il reçoit du budget européen.

Depuis, la politique britannique bénéficie d’une ristourne sur la contribution du pays au budget européen. Et conserve ses positions : en décembre 2011, David Cameron, après avoir quitté le Parti populaire européen, bloque le processus institutionnel de l’Union européenne et impose son droit de veto sur la proposition d’un pacte budgétaire européen censé sortir l’Union européenne de la crise.

Pas question de collaborer à ce « projet calamiteux » qu’est l’euro, pour reprendre les termes de Boris Johnson. La crise de l’euro ne fait d’ailleurs qu’accentuer la volonté du Royaume-Uni de conserver la livre sterling comme monnaie nationale. Et la City semble actuellement s’occuper plutôt de ses intérêts propres que de ceux de l’Union européenne.

Quitter l’Union européenne, mais à quel prix ?

L’euroscepticisme grandit au Royaume-Uni. Il suffit de voir comment celui-ci gagne le parti conservateur, et désormais une partie de la population. L’UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), à droite de l’échiquier politique, qui milite activement pour le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne et dont la politique était jusque-là plutôt marginale, occupe désormais le devant de la scène. En 2009, le parti remporte 13 députés, et se place en deuxième position au Royaume-Uni, juste derrière le parti conservateur.

Et la crise économique n’a fait qu’augmenter ce scepticisme et le repli sur soi de la population britannique. Certains en ont profité pour vanter les mérites de l’économie britannique, comme en juin 2012, lorsque David Cameron s’est dit prêt à « dérouler le tapis rouge » aux exilés fiscaux français qui souhaiteraient fuir l’impôt.

« Quand la France instituera un taux de 75% pour la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, nous déroulerons le tapis rouge, et nous accueillerons plus d’entreprises françaises, qui paieront leurs impôts au Royaume-Uni. Cela paiera nos services publics et nos écoles », avait-il lâché. La bombe amorcée, la France s’était fermement défendue, faisant valoir ses nouvelles réformes économiques « à la française ».

Mais cette petite guerre entre pays voisins ne change en rien la réalité : quitter l’UE ferait perdre en effet énormément d’intérêts au Royaume-Uni. Ce dernier, même excentré géographiquement, n’en est pas moins extrêmement lié au Vieux continent. Beaucoup de Français vivent sur le territoire britannique, et inversement. Par ailleurs, un grand nombre de banques britanniques sont présentes en Europe, et plus de la moitié des exportations du pays sont à destination de l’Union européenne.

Le paradoxe de la Grande-Bretagne

La Grande-Bretagne se trouve finalement dans une situation paradoxale. Le pays bénéficie d’un statut particulier et de nombreuses dérogations : il ne fait pas partie de l’espace Schengen, n’applique pas la Charte des droits fondamentaux, et a refusé d’adhérer au pacte de stabilité européen. Il reproche enfin le caractère trop intrusif du Conseil de l’Europe et de la Cour de justice européenne. « Il n’y a pas trop peu d’Europe, au contraire, il y en a trop », estime David Cameron. « Trop de coût, trop de bureaucratie, trop d’ingérence dans des sujets qui relèvent des États, de la société civile et des personnes ».

Mais, historiquement, il est proche de l’Union européenne : dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe cherche à consolider la paix. Le Royaume-Uni, même s’il n’est pas un des « Pères fondateurs » de l’Union européenne, n’en restait pas moins un allié de taille. Le principe d’une Europe unie avait clairement été énoncé par Winston Churchill, lors de son discours de Zurich, en 1946, où il évoquait la reconstruction de la « famille européenne ».

Une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne serait un échec cuisant pour l’UE qui perdrait une puissance importante sur la scène internationale. Cependant, comme l’a précisé le Premier ministre britannique, « quitter l’Union se serait pas dans l’intérêt du pays ». Reste à savoir si David Cameron, sous la pression des eurosceptiques qui souhaitent moins d’ingérence de Bruxelles, et de ses partenaires libéraux-démocrates pro-européens, organisera ou non un référendum qui changerait incontestablement la position de l’île britannique en Europe.

Wait and see

Mais, avant d’organiser un vote pour savoir si oui ou non la Grande-Bretagne doit sortir de l’Union européenne, The Economist préconise que « le gouvernement britannique attende de voir pour quel genre de « Grande-Bretagne européenne » les Britanniques veulent voter. Cette approche « wait and see » [« attendons de voir »] peut sembler insatisfaisante, mais c’est ce qui a permis à la Grande-Bretagne de se tenir écartée de l’euro ».

Et The Economist de conclure : « Aussi difficile, voire humiliant que cela puisse paraître, la meilleure solution est de se tenir à proximité de l’Europe, et d’essayer plutôt de plier celle-ci aux intérêts britanniques ».

Quitter la version mobile