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Jafar Panahi, le cinéaste iranien «libre d’esprit»

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En 1995, Jafar Panahi a 35 ans. Son premier long métrage, Le Ballon blanc, est récompensé par la Caméra d’or au Festival de Cannes. Une consécration qui lancera sa carrière cinématographique à l’international.

Le cinéma en cachette

Né en 1960 à Mianeh, en périphérie de Téhéran, il passe son enfance dans les quartiers pauvres de la capitale iranienne. C’est très jeune qu’il découvre son amour pour les films. Envoyé en cachette au cinéma par ses sœurs qui ne peuvent quitter la maison familiale, il rejoue pour elles les films qu’il a vus.

Un jour, surpris par son père dans une salle de cinéma de son quartier et sévèrement puni, il décide de changer de salle, et se rend au « Kanoon », l’Institut pour le développement intellectuel des enfants et jeunes adultes, qui diffuse des films internationaux. Il y découvre les films du cinéaste iranien Abbas Kiarostami. Très vite, il s’essaie à la caméra, s’inscrit à l’université de cinéma et de télévision de Téhéran, et se passionne pour Hitchcock, Buñuel et Godard. Après quelques films produits pour la télévision iranienne, il assiste le réalisateur Abbas Kiarostami pour le film Au travers des oliviers.

La société iranienne en ligne de mire

Après son premier film récompensé à Cannes, Jafar Panahi réalise Le Miroir (1997), Le Cercle (2000), Sang et or (2003), et Hors Jeu (2006). Le Cercle, qui traite de la place des femmes en Iran, et Sang et or, qui raconte l’histoire d’un vétéran de la guerre contre l’Irak, critiquent tous deux les inégalités de la société iranienne et l’absence de libertés. Ils sont immédiatement interdits par le gouvernement de la République islamique d’Iran, qui y voit une menace contre le régime. Les deux films remporteront respectivement le Lion d’or à Venise et le Prix du jury Un certain regard à Cannes.

La sortie en salles de Hors Jeu, un documentaire-fiction qui dénonce la place laissée aux femmes en Iran, est également interdite. Le film retrace la fronde d’Iraniennes qui, passionnées de foot, contournent l’interdiction qui leur est faite d’entrer dans un stade et d’assister aux matchs opposant des équipes masculines. Le film remporte l’Ours d’argent à Berlin, en 2006.

Chaise vide

Malgré son succès international, Jafar Pahani doit subir le durcissement du régime islamiste. Déjà en 2003, Panahi est arrêté et interrogé pendant quatre heures par le ministre de l’Information iranien. Relâché, il est invité à quitter l’Iran. En 2009, il se rend sur la tombe de Ned Agha-Soltan, une jeune Iranienne tuée lors d’une manifestation de protestation suite au résultat contesté de l’élection présidentielle iranienne de 2009. Il sera arrêté plusieurs jours. Et quelques mois plus tard, le régime lui interdit d’assister au festival de Berlin, alors qu’il en est l’invité d’honneur.

En mars 2010, il est emprisonné à Evin, accusé de « propagande » contre la République islamique. Il ne peut se rendre au festival de Cannes, alors qu’il devait faire partie du jury officiel. Une chaise à son nom sera symboliquement laissée vide à côté du jury pendant tout le festival.

« Ceci n’est pas un film »

Condamné à six ans de prison, assortis de l’interdiction de quitter le pays et de réaliser des films pendant vingt ans, Jafar Panahi contourne la restriction et réussit à produire Ceci n’est pas un film, tourné en numérique, parfois à l’aide de son téléphone, et co-réalisé avec Mojtaba Mirtahmasb. Présenté hors compétition au festival de Cannes en 2011, le film a voyagé jusqu’en France dans une clé USB cachée dans un gâteau d’anniversaire.

Dans Ceci n’est pas un film, Panahi se filme, dans son appartement, pendant la célébration iranienne de la Fête du feu. En allumant la télévision, il découvre que le président iranien a interdit les feux d’artifice et feux de joie traditionnels. Ce film, c’est sa situation. Celle d’un cinéaste qui n’a plus le droit de filmer et qui attend qu’on le jette en prison.

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