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Khairat el-Shater, celui qui voulait devenir calife à la place du pharaon

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La nouvelle Égypte islamiste peine à garder le cap en ces temps de troubles politiques. Face à une opposition virulente et fermement décidée à ne pas voir sa révolution de 2011 volée par les Frères musulmans au pouvoir, le gouvernement islamiste apparaît divisé et le président Mohamed Morsi ne fait plus l’unanimité dans son propre camp.

L’homme qui murmurait à l’oreille de Mohamed Morsi

Au cœur de ces divisions, un homme, Khairat el-Shater. C’est lui qui dirige l’Égypte, dans l’ombre de Mohamed Morsi, depuis son élection le 17 juin dernier. Et pour cause… Khairat el-Shater aurait dû être calife à la place du calife.

Lorsque les Frères musulmans ont finalement décidé de présenter un candidat à l’élection présidentielle, après avoir longtemps affirmé qu’ils ne présenteraient personne pour que cette organisation politico-religieuse, déjà très présente à l’Assemblée nationale, ne domine pas tous les pouvoirs, c’est Khairat el-Shater qui a solennellement été investi, le 31 mai 2012, par le Parti de la liberté et de la justice (PLJ).

Khairat el-Shater est donc passé à deux doigts de la présidence. Il serait sans aucun doute aujourd’hui à la tête de l’État si une décision du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui assurait l’intérim au pouvoir à l’époque, ne l’en avait pas empêché.

À l’époque, les militaires au pouvoir ont interdit la candidature de ce leader des Frères musulmans en raison des règles électorales en vigueur qui interdisaient à un éventuel candidat de se présenter s’il avait été emprisonné dans les six mois précédant le scrutin.

Homme d’affaires au service des Frères musulmans

Car Khairat el-Shater a eu de nombreux démêlés avec la justice. Durant l’ère Moubarak, l’organisation des Frères musulmans était interdite et nombreux sont ses chefs qui ont dû faire de la prison en raison de leur appartenance à cette confrérie. Il en est ainsi de Khairat el-Shater.

Né le 4 mai 1950, Khairat el-Shater a étudié l’ingénierie à l’université d’Alexandrie. Durant ses années d’études, il s’engage dans le militantisme et se familiarise avec le courant communiste.

Dans les années 1970, il se rend à Londres et découvre l’islam radical. Son cheminement le conduit à revenir en Égypte et il s’engage chez les Frères musulmans en 1981.

Homme d’affaires, il s’installe dans les pays du Golfe et se construit une fortune estimée aujourd’hui à plusieurs millions de dollars.

À l’appel de sa confrérie, il rentre quelques années plus tard et devient membre du Conseil exécutif des Frères musulmans en 1995.

Emprisonné par Hosni Moubarak

À la tête du mouvement, il n’aura de cesse de vouloir le développer et, grâce à sa fortune et à son talent d’homme d’affaireS, il devient rapidement le financier des Frères.

En Égypte, il crée une société informatique, Salsabi, qui devient vite très puissante dans le pays et qui lui permet de s’introduire dans de nombreux milieux. C’est parce que son nom revient trop souvent aux oreilles d’Hosni Moubarak que Khairat el-Shater devient l’objet d’enquêtes récurrentes de la justice.

En 2007, il est emprisonné. Un an plus tard, il est condamné à sept ans de prison pour blanchiment d’argent et financement des Frères musulmans, confrérie encore interdite.

Khairat el-Shater sera libéré pendant la révolution de 2011, trop tard pour pouvoir se présenter légalement à l’élection présidentielle.

Khairat el-Shater n’a pas renoncé au pouvoir

Mais, aujourd’hui, il semblerait que Khairat el-Shater n’ait pas complètement renoncé au pouvoir, et c’est à la tête des Frères musulmans mais également dans les bureaux du palais présidentiel que cet homme de 62 ans parviendrait à diriger l’Égypte, à sa manière.

Face à un Mohamed Morsi longtemps considéré comme une marionnette obéissant au doigt et à l’œil de sa confrérie, Khairat el-Shater apparaît comme un homme fort.

Khairat el-Shater et Mohamed Morsi ne semblent plus sur la même longueur d’onde. Il semblerait même que les discordes prennent de l’ampleur.

« La révolution ne doit pas être volée »

Pour l’instant, et compte tenu de l’ampleur que prend la crise qui oppose le pouvoir présidentiel à l’opposition, Khairat el-Shater n’hésite pas à se faire une place de choix dans les médias, en dénonçant le vol de la révolution par les partisans de l’ancien président Moubarak.

Lors d’une conférence de presse organisée samedi 8 décembre par la Coalition des forces islamiques, Khairat el-Shater a affirmé que l’Égypte « ne laisserait pas la révolution être volée », par les opposants au Président, regroupés au sein d’une force composée de laïcs, libéraux, coptes et « felloul », comme sont nommés les partisans de l’ancien régime.

« C‘est assez de voir qu’une des personnes qui parle de sauver l’Égypte ait dit dans une interview à un journal américain que l’opposition allait s’unir avec les anciens du régime de Moubarak », a-t-il ajouté, se référant à la présence de proches de l’ancien président tel qu’Amr Moussa, au sein du Front de salut national du prix Nobel de la paix 2005, Mohamed El-Baradei.

Pour un grand califat arabe

Islamiste dans l’âme, Khairat el-Shater, est également proche des milieux salafistes, dont certaines personnalités ont émergé lors des dernières élections législatives de l’automne dernier.

Selon de nombreux proches du pouvoir égyptien, les ambitions de Khairat el-Shater dépassent largement la simple Égypte et ce dernier aurait l’ambition intime de fonder un califat qui inclurait notamment la Tunisie et la Syrie.

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