Site icon La Revue Internationale

Le Festival d’Haïfa: juifs, chrétiens et musulmans ensemble

[image:1,l]

Haïfa – Pendant plusieurs décennies, cette ville côtière du nord d’Israël était appelée Haïfa la Rouge ; en effet, ses habitants étaient connus pour voter massivement à gauche.

Une ville de manutentionnaires et d’étudiants

Haïfa est traditionnellement célèbre pour ses travailleurs musclés, ses fruits de mer copieux, son port industriel, ses falaises abruptes qui relient la Méditerranée aux hauteurs de Mont Carmel, et enfin pour le Technion, le brillant institut de technologie, niché dans un campus paisible et verdoyant.

En bref, Haïfa a toujours été une ville du nord, peuplée de geeks et d’ouvriers, quand elle n’était pas raillée par les Hiérosolymitains branchés (les habitants de Jérusalem) et les Tel-aviviens frivoles pour sa placidité à toute épreuve.

Sapins de Noël et Menorahs côte à côte

Pourtant, il s’est avéré que cette quiétude n’était tout compte fait pas si mal. Bien sûr, les étudiants pâles avec leurs rapporteurs et leurs planeurs en papier sont toujours là, ainsi que les manutentionnaires et les marins.

Mais allez errer du côté du boulevard Ben Gurion, en direction des Jardins de Baha’i – jadis nommés Square pour la Paix et la Tolérance par l’Unesco – et vous vous retrouverez encerclés par une façade vertigineuse de 40 sapins de Noël décorés, de 25 menorahs de Hanoucca, et de biens d’autres éléments dont certains rappellent l’époque où la ville était une colonie allemande. C’est par exemple non loin de là, un quartier construit en pierre sèche par les Templiers, et dans lequel se tient un festival qui dure un mois.

Un Festival des fêtes d’un mois

Wadi Nisnas, ce quartier arabe voisin, scintille de toutes ses guirlandes. Le week-end, ses rues étroites se remplissent à en déborder d’une accumulation chaotique de stands qui vendent bijoux anciens et « Knafe de Noël », une adaptation blanche et brillante du dessert traditionnel, faite de fromage et de vermicelles.

[image:2,l]

À Haïfa, le mois de décembre est devenu synonyme de « Festival des fêtes, » ou, selon les mots ambigus prononcés par le maire Yona Yahav à la radio, les « Vacances d’Haïfa. »

Le Festival lui-même est devenu la version israélienne du Festivus, un carnaval séculaire qui, ailleurs dans le monde, ne célèbre rien de particulier. Ainsi, cette année, les organisateurs estiment que près de 200 000 personnes participeront au Festival des fêtes.

La fête du syncrétisme

Haïfa a toujours été fière de sa réputation de ville tolérante. Il y a vingt ans, alors que l’hiver qui approchait allait faire coïncider Hanoucca, Noël et le Ramadan, et plutôt que de célébrer chaque fête séparément, le directeur du Beit HaGefen, le centre culturel arabo-juif, point névralgique de la ville, avait pris la décision d’inclure des éléments de chaque fête dans une seule et même célébration.

Selon son successeur, l’actuel directeur Assaf Ron, l’idée centrale du Festival est « qu’Haïfa est un chemin de la tolérance. »

[image:3,l]

Juifs et musulmans réunis autour de l’art

Par un chaud samedi d’automne, des filles de Tel-Aviv, vêtues de T-shirts et portant des ersatz de bonnets de Père Noël, déambulent vers une grande scène. Une femme musulmane, la tête couverte, originaire du village de Musmus, dirige ses filles vers une galerie exposant des travaux réalisés sur le thème de cette année : « Connexion-Déconnexion ». « Elles adorent la peinture ! » avoue-t-elle.

Tous les documents sont imprimés en arabe et en hébreu. Les lecteurs anglophones n’ont pas cette chance. Et Olfat Haider, le directeur de programme du centre, ne tient pas à s’excuser pour cette lacune. « Nous allons y remédier, annonce-t-il. Mais nous sommes ici avant tout pour le public local ! »

Une cohabitation qui a ses limites…

Il est difficile de donner une vision complète de l’équation cosmopolite/provinciale qui se joue en Israël. Des peuples de différentes ethnies y cohabitent paisiblement, sans pour autant chercher à faire disparaître un extrême isolement des uns vis-à-vis des autres.

Il n’est pas rare pour un juif de n’avoir jamais assisté à un mariage musulman. De la même façon, il est encore normal pour un chrétien de n’avoir jamais franchi le seuil d’une synagogue. Les druzes, les baha’is, les tcherkessiens : tous coexistent mais se tiennent à part.

Le succès de l’hybridation culturelle

Le festival d’Haïfa est probablement la forme d’hybridation israélienne qui a le plus de succès. Au lieu de se demander pourquoi le reste du monde se pare de guirlandes de Noël et d’étoiles, Haïfa vit gaiement son mois de décembre, sans se poser trop de questions.

[image:4,l]

Les restaurants sont décorés de joyeuses images nordiques de Saint-Nicolas. Des bougies sont allumées tant sur les sapins que sur les candélabres, placés côte à côte. Des couples druzes servent des pitas fines comme du papier et grandes comme des plateaux fourrées de labaneh, un fromage de chèvre artisanal.

Pour les visiteurs originaires d’Haïfa comme pour ceux qui viennent de plus loin, le festival d’un mois offre une combinaison rare de familier et d’exotique, le tout servi avec le sourire.

Célébrer le « vivons bien ensemble ! »

Seules les autorités religieuses peuvent occasionnellement afficher un air renfrogné et malheureux. Juste avant Noël, un rabbin employé par la ville avait publié un décret mettant en garde les établissements arborant des symboles « non-juifs » : ils couraient le risque de perdre leur appellation « casher ».

Le texte avait été annulé le jour même par le maire Yahav, qui avait précipitamment annoncé à la radio que la déclaration du rabbin avait été retirée et qu’il n’y aurait aucune sanction pour les salles dans lesquelles étaient organisées des fêtes de Noël ou du Nouvel An.

C’était, comme aime le dire Assaf Ron, une autre belle journée pour les forces du « vivons bien ensemble ! »

GlobalPost / Adaptatation : Antonin Marot pour JOL Press

Quitter la version mobile