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Le Printemps arabe au Yémen, pourquoi personne n’en parle?

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Le Yémen, petit pays souvent oublié du sud de la péninsule arabique, a entamé sa révolution en 2011, comme de nombreux pays arabes.

Un an plus tard, le président Ali Abdallah Saleh était forcé à la démission et son vice-président, Abd Rab Mansour Hadi, prenait le pouvoir à la suite d’une élection présidentielle gagnée d’avance.

Les premières manifestations sont loin, mais l’opposition n’a pas rendu les armes. Entre la forte présence d’Al-Qaïda dans le pays, le droit des femmes toujours bafoué, une transition politique qui se fait attendre, le Yémen, pour Michel Fournier, responsable d’Amnesty International France pour le Maghreb et le Moyen-Orient, est aujourd’hui dans une situation complexe.

Le conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Yémen a récemment affirmé devant le Conseil de sécurité de l’ONU que le Yémen était sur la voie de la démocratisation. Qu’en pensez-vous ?

 

C’est une déclaration optimiste car, dans les faits, on constate qu’il n’y a pas eu beaucoup de changements au Yémen depuis le départ du président Ali Abdallah Saleh en février dernier.

Sa succession est assurée par son ancien vice-président Abd Rab Mansour Hadi et le régime est finalement le même. Les manifestations d’opposants sont également toujours actives mais parler de démocratisation est un grand mot.

L’opposition a marqué un point en obtenant le départ du Président ; désormais, de nouvelles élections devraient avoir lieu et le pouvoir affiche une volonté de changement, mais cette transition peut être longue.

Par ailleurs, le pouvoir central ne contrôle pas encore tout le pays et la situation est très confuse, notamment au sud. On peut espérer une démocratisation du pays, dans les années à venir, mais il est encore trop tôt pour la prédire.

C’est notamment au sud qu’Al-Qaïda exerce encore un grand contrôle sur la population ?

 

Il est difficile d’estimer la présence d’Al-Qaïda au Yémen. Un groupe islamiste se présentant comme lié à Al-Qaïda a pris le contrôle d’une partie du sud et a fait régner une véritable terreur pendant plus d’un an. Le gouvernement a réussi à le déloger et a ainsi marquer un point contre l’islamisme, mais Al-Qaïda, en tant que tel, y est toujours présent.

Qu’en est-il de l’évolution du statut de la femme au Yémen ?

 

La situation des femmes yéménites a toujours été très mauvaise. Elles sont reléguées au second plan de la société, rabaissées à un statut domestique. Pour autant, cette situation n’est pas seulement le fait de l’islamisme mais de traditions et de coutumes bien antérieures. Certains progrès sont néanmoins à signaler grâce au développement pourtant limité de l’économie et de l’éducation des filles.

Aujourd’hui, certaines femmes revendiquent leurs droits. Depuis que Tawakkul Karman, la célèbre activiste yéménite, a reçu le prix Nobel de la paix 2011, conjointement avec Helen Johnson Sirleaf, présidente du Libéria et Leymah Gbowee, militante libérienne, le droit des femmes a connu un nouveau retentissement.

Mais ce retentissement est inégal, les mouvements sont actifs aux alentours de la capitale ou dans les zones urbaines. Certaines régions du pays sont encore très traditionnelles.

Le Yémen a engagé sa révolution en même temps que de nombreux pays du Maghreb et du Moyen-Orient, en 2011. Aujourd’hui, la situation semble stagner. Pensez-vous que les Yéménites aient raté leur Printemps arabe ?

 

Il est encore trop tôt pour le dire. Des manifestations se déroulent encore aujourd’hui et le Printemps arabe n’est pas encore implanté.

Il semblerait que le gouvernement actuel ne puisse fonctionner comme celui d’avant et il faut attendre un peu pour observer les conséquences des futurs changements politiques.

Comment se fait-il que la communauté internationale, très active lors des différentes révolutions de 2011 et aujourd’hui encore au sujet de la Syrie, soit muette face à la situation au Yémen ?

 

La communauté internationale se soucie peu de la démocratie et des violations des droits de l’Homme dans l’ensemble des pays du Golfe, dont la plupatr, mais pas le Yémen, sont riches en pétrole et en gaz. La région est également importante du point de vue géostratégique parce que située face à l’Iran.

Bahreïn a également connu sa révolution dans le silence le plus total. Les États-Unis mais également tous les pays occidentaux ne réagissent pas et il y a une grande différence de discours entre la Syrie, par exemple, et le Yémen.

Les Etats-Unis suivent de près ce qui se passe au Yémen mais leur objectif essentiel est de faire échec à Al-Qaïda. Cela contribue, ainsi que les enjeux régionaux, à en faire un pays dont le régime bénéficie de l’indulgence de la communauté internationale.

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