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Pourquoi Israël a une stratégie de communication désastreuse

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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fait sensation en septembre dernier en illustrant son discours à l’Assemblée générale de l’ONU avec le dessin d’une bombe. Sur ce dessin, une ligne rouge avait été tracée pour illustrer le stade à partit duquel l’Iran sera doté de l’arme nucléaire.

Mise en scène

Ceci, a-t-il alors déclaré, est la ligne rouge que le monde devrait fixer avant que l’Iran n’achève son développement.

La mise en scène de Benjamin Netanyahu a immédiatement fait le buzz sur Internet, ce qui lui a apporté une notoriété et une sorte de respect pour son efficacité à faire passer son message.

Lundi 3 décembre, sous une forme beaucoup moins graphique et utilisant le langage de la diplomatie, l’Europe a montré ce que devrait être la propre ligne rouge du Premier ministre israélien : les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est qui empêchent la formation d’un État palestinien.

Les gouvernements européens n’ont pas été amusés par la manœuvre israélienne qui a vu Benjamin Netanyahu indiquer qu’il ne freinerait pas la construction de nouveaux logements dans les colonies.

Une liste de gaffes qui ne cesse de s’allonger

Cet évènement est une nouvelle bourde israélienne de plus dans la longue série de gaffes de ces derniers mois et ces dernières années, qui ne qu’écorner l’image diplomatique d’Israël auprès du reste du monde et semer la confusion chez certains de ses plus fidèles alliés.

Tamir Sheafer, professeur à l’université hébraïque et expert en communication politique, estime qu’Israël reste une société insulaire et son acoustique n’est pas toujours adaptée aux oreilles du marché international.

« Il faut toujours avoir à l’esprit que les guerres ne se gagnent pas sur un champ de bataille. Vous disposez d’un front diplomatique, un front international. Avant d’ouvrir votre bouche, vous devriez avoir à l’esprit que le monde entier est à l’écoute, et ce que ces oreilles internationales entendront », a-t-il expliqué.

Stratégie électorale

En Israël, il est largement admis que l’annonce de Benjamin Netanyahu, au lendemain de l’acceptation du statut d’État non-membre observateur à l’ONU pour la Palestine, a probablement été dirigée vers les électeurs de droite qui devront voter pour lui ou pour l’un de ses concurrents le 22 janvier prochain.

L’image de combattant que s’est donnée Israël a également suscité la perplexité auprès de nombreux observateurs, à commencer par une incapacité à avoir évité un affrontement public.

« C’est comme si personne ici n’avait jamais entendu parler de « soft power » », a ainsi déclaré un diplomate européen, en se référant aux armes de la culture, de la technologie, de l’agriculture, des sciences et de la médecine qu’Israël pourrait utiliser comme des atouts charme auprès de la communauté internationale. « Vous parlez aux gens ici et tous les sujets tournent autour de la sécurité, la sécurité et encore la sécurité. Mais le pays est riche en tout ce dont vous avez besoin pour une approche diplomatique du pouvoir, et pourtant, rien. »

Campagne d’affichage choc

La disparité entre les perceptions israéliennes et la réception internationale est profonde.

Parmi les récentes erreurs diplomatiques survenues durant les premiers jours d’offensive contre la bande de Gaza, Eli Yishai, ministre de l’Intérieur, a expliqué que « l’objectif de l’opération est de renvoyer Gaza au Moyen-Âge. »

Officiellement, la position du gouvernement était d’avoir pour objectif d’assurer la sécurité des habitants du sud du pays, qui ont été attaqués par des roquettes et des missiles pendant des mois.

Alors que les Israéliens connaissent Eli Yishai pour ses gaffes, et considèrent que cela fait partie de son identité, pour le reste du monde, ce dernier parle en tant que l’adjoint du Premier ministre.

Le bureau des relations publiques des Forces de défense israélienne a ensuite mis en place un plan de communication mal avisé en lançant une campagne d’affichage où l’on pouvair voir imprimé le visage rouge sang d’Ahmad Jabari, l’homme fort du Hamas, dont l’assassinat a lancé l’opération, accolé au slogan « éliminé ».

Une couverture médiatique disproportionnée par la presse étrangère

Yigal Palmor, porte-parole infatigable du ministère des Affaires étrangères, a déclaré que cette campagne était « une chose stupide, complètement puérile, pas illégale mais totalement infantile. »

En Israël, il n’y a pas eu les filtres nécessaires pour protéger l’image du pays. Car en Israël, il y a ce que Yigal Palmor appelle la « couverture disproportionnée », un millier de journalistes de presse étrangère, stationnés en permanence à Jérusalem.

Pendant les huit jours du conflit à Gaza, quelques 800 Syriens sont morts dans les affres d’une guerre civile qui reçoit beaucoup mois d’attention de la part des médias.

« C’est comme vivre sous un verre grossissant », a ainsi déclaré Yigal Palmor.

Utiliser les nouveaux médias

« Traiter avec les médias étrangers n’est pas une priorité », a ainsi déclaré Tamir Sheafer.

« La diplomatie publique est ignorée. Pendant la guerre du Liban, nous avions cinq personnes dans l’ensemble du pays dont le travail consistait à traiter avec les médias étrangers », a-t-il ajouté.

Dans le bureau de Yigal Palmor, de jeunes officiers à peine formés en communication sont chargés de représenter la politique de leur pays autour du monde.

« Nous utilisons les nouveaux médias pour contourner la presse et les chaînes de télévision, et élaborer le message nous-même », indique un des membres de ce personnel au magazine internet de l’armée, BaMahane, qui rédige un dossier sur l’examen de ces quelques jours qui ont suivi une semaine de combats.

Yigal Palmor a aujourd’hui six assistants, dont trois sont dédiés aux médias de langue arabe et dont l’un ne parle qu’aux médias hébreux. Cela laisse Yigal Palmor et deux autres assistants pour les milliers d’appels, les messages Facebook, les tweets et emails provenant du reste du monde.

Pourtant, Yigal Palmor estime que sa situation actuelle est confortable. Pendant les six derniers mois, Yigal Palmor était complètement seul dans son bureau.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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