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Abou Ismaïl, le prédicateur salafiste qui secoue la politique égyptienne

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Il a été approuvé par Al-Qaïda, et veut interdire la noix de muscade à cause de son pouvoir hallucinogène… Et pendant la campagne présidentielle égyptienne de l’année dernière, le candidat Hazem Salah Abou Ismaïl, un religieux ultraconservateur devenu politicien, a exhorté ses fidèles à boycotter les sodas Pepsi. Selon lui, les profits de la marque seraient reversés à Israël.

Abou Ismaïl compte sur sa popularité pour relancer ses ambitions politiques

Après un répit de plusieurs mois, Abou Ismaïl est de retour sous le feu des projecteurs, brandissant son message excentrique, populiste et anti-occidental, teinté de nationalisme islamisteIl attire une foule de plus en plus importante de partisans, attirés par le charisme du cheikh, et qui revendiquent leur sentiment de fierté nationale.

Conservateur, un peu farfelu, mais un des premiers partisans de la révolution égyptienne, Abou Ismaïl « le dur » a tout misé sur sa nouvelle visibilité, obtenue à la suite des récents tumultes qui ont secoué le pays, pour relancer ses propres ambitions politiques, qui étaient au point mort. Il y a un an, il était disqualifié de la course à la présidentielle.

Il défend Mohamed Morsi et crée ses propres organes médiatiques

Durant les troubles du mois dernier, ses partisans ont publiquement pris la défense du président Mohamed Morsi, vivement critiqué pour sa lutte contre les forces d’opposition au sujet de la Constitution, à coups d’attaques sur des centres médiatiques et des postes de police.

Depuis, Abou Ismaïl, âgé de 52 ans, a annoncé la formation de sa propre chaîne de télévision et de son journal, et a aidé à inaugurer le nouveau parti islamiste issu de la mouvance salafiste, Al Watan, pour les prochaines élections parlementaires.

« Il sait comment gagner les cœurs »

Il est une force montante, du moins alarmante, dans les rangs politiques égyptiens, et pourrait avoir beaucoup à gagner. « Il sait comment gagner les cœurs et rassembler les gens », a déclaré Sameh Abdul Hamid, un responsable du parti salafiste Al Nour à Alexandrie, la deuxième plus grande ville d’Égypte.

Les représentants d’Al Nour ont déclaré qu’il n’y aurait pas d’alliance électorale avec Abou Ismaïl, mais cela ne veut pas dire qu’il n’est pas populaire parmi les rangs du parti. « Comme tous les politiciens, il a des ennemis… Mais c’est un patriote », explique Hamid. «  Et beaucoup l’apprécient au sein du mouvement salafiste ».

Le discours radical d’un homme charismatique

On ne sait pas encore s’il réussira ou non à canaliser tout son magnétisme personnel – fondé sur ses discours révolutionnaires et sa ferveur religieuse, après des années à prêcher à la mosquée – pour faire remporter à son parti les élections législatives. Il pourrait effrayer beaucoup d’Égyptiens libéraux avec ses discours sur le boycott de Pepsi, sur la ségrégation des sexes et sur l’interdiction du tourisme balnéaire.

Son précédent programme présidentiel appelait à « snober » le commerce avec l’Occident en faveur d’une soi-disant « renaissance agricole » des vastes friches désertiques de l’Égypte. Il veut aussi mettre fin à l’accord de paix vieux de plusieurs décennies avec Israël.

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Mais la façon dont Abou Ismaïl et son armée de volontaires ont mené la campagne présidentielle l’année dernière – posant leurs affiches sur à peu près tous les bâtiments, bus, épiceries et cafés du Caire – suggère qu’il comprend bien l’importance de mener une campagne populaire.

Une commission électorale lui a interdit de faire partie de la course à la présidentielle parce que sa mère, décédée, avait obtenu la citoyenneté américaine. Pourtant, pendant un certain temps, il était donné deuxième aux élections derrière un ancien diplomate, Amr Moussa, dans un sondage publié par le journal gouvernemental Al Ahram.

Quelques sièges lors des prochaines élections législatives ?

« Il n’a pas l’infrastructure organisationnelle ni la base sociale pour le supporter financièrement et administrativement », explique Khalil Al Anani, un observateur des mouvements islamistes et professeur à l’université de Durham, au Royaume-Uni. « Mais son parti aura quelques sièges et il est lui-même susceptible de gagner un siège au Parlement ».

Des alliances électorales sont encore en train de se former pour les élections qui devraient se dérouler en avril prochain, selon ce que certains rapports disent, pour une nouvelle chambre basse du Parlement, et tout autre parti qui fait équipe avec Ismaïl est probablement prêt à mener une course acharnée.

« Il doit tout miser sur sa popularité post-révolutionnaire »

Même les membres bien installés chez les Frères musulmans (qu’Abou Ismaïl a déjà soutenus), sont impressionnés par ses prouesses politiques, bien que les responsables des Frères musulmans excluent largement une coalition politique avec Ismaïl.

« Il doit maintenant vraiment tout miser sur sa popularité post-révolutionnaire », explique Ibrahim Al Iraqi, un chef des Frères musulmans dans la province de Dakhleya, près du Caire. « S’il accompagne ses promesses d’actions concrètes, il pourrait, comme toute personne avec le même genre d’avantage politique auprès de la population, être le nouveau Saad Zaghloul ».

Saad Zaghloul était le dirigeant du parti Wafd dans les années 1920, et le leader des nationalistes égyptiens, guidant la révolte contre les forces britanniques. Il était très populaire auprès des Egyptiens.

Les partisans d’Abou Ismaïl, alliés de plus pour Morsi et les salafistes

Ismaïl ne connaîtra peut-être pas la même popularité. Mais pour le moment, il est un allié utile, à la fois pour les forces salafistes et pour le président Morsi, qui a besoin des fervents défenseurs du cheik comme « troupes de choc » pour descendre dans les rues lors des manifestations politiques.

Au cours d’un sit-in parrainé par Abou Ismaïl devant l’« Egyptian Media Production City » au Caire le mois dernier, ses disciples dormaient sur des matelas, et harcelaient des journalistes qui, selon eux, étaient hostiles aux islamistes.

« Dans le cas de la Constitution, il était un allié précieux et continue largement de l’être », a déclaré Hamid, du parti Al Nour. Les représentants du parti Al Nour dominaient le corps de l’assemblée constituante avec les Frères musulmans.

Un homme « modéré » ?

Les alliés islamistes d’Abou Ismaïl insistent sur le fait qu’il est modéré, diabolisé par un paysage politique longtemps façonné par la suspicion historique de l’État envers les islamistes« C’est un homme modéré, qui a des principes modérés. Il n’est pas comme on le dépeint dans les médias », a déclaré Al Iraqi. « Nous devons arrêter d’avoir peur des extrémistes, d’un côté comme de l’autre du spectre politique ».

Heba Habib a contribué au reportage.

GlobalPost / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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