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C.Steuer: «Le pouvoir égyptien ne doit pas humilier l’opposition»

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JOL Press : L’armée égyptienne a toujours joué un rôle primordial dans la politique égyptienne. Depuis l’arrivée des islamistes, elle a été progressivement évincée du pouvoir. Pourtant, elle est toujours un acteur économique de premier plan. Quel est son rôle aujourd’hui ?

Clément Steuer : L’armée dispose toujours de ministres au sein du gouvernement, où elle contrôle les portefeuilles dits « de souveraineté ». Elle a néanmoins quitté l’avant-scène du pouvoir, et semble vouloir se satisfaire d’un rôle en coulisse, assorti d’une large autonomie concernant la gestion de ses propres affaires. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) a rencontré de graves difficultés lors de la première phase du processus de transition, difficultés qui ont écorné l’image de l’institution militaire auprès d’une partie de l’opinion publique. À moins d’une crise politique très grave menaçant l’unité ou la sécurité du pays, il est peu probable qu’elle cherche à revenir aux commandes pour gérer un pays politiquement et institutionnellement instable et en butte à de graves difficultés économiques.

JOL Press : Quels sont, aujourd’hui et selon vous, les grands défis de la nouvelle Égypte et du président Mohamed Morsi ?

Clément Steuer : Les défis sont nombreux pour le Président qui, s’il veut affermir son pouvoir, devra acquérir à la loyale une victoire dans les urnes lors des prochaines élections législatives, tout en prenant garde à ne pas humilier l’opposition et en tâchant de l’intégrer aux décisions les plus importantes pour l’avenir du pays. Ces objectifs – purement politiques – s’apparentent à la quadrature du cercle.

Par ailleurs, l’Égypte est aujourd’hui confrontée à de graves problèmes économiques : déficit budgétaire, inflation, chômage, effondrement du secteur touristique, dégradation des infrastructures (transports, hôpitaux, éducation et enseignement supérieur). Les difficultés de ce type sont toutefois monnaie courante dans les transitions démocratiques, et l’ont parle souvent de « décennie sacrifiée », au cours delaquelle les nouvelles démocraties, tout accaparées par la nécessité de se consolider, laissent la situation économique se détériorer. Dans le cas de l’Égypte, l’instabilité régionale vient encore aggraver ces problèmes économiques et sociaux.

Enfin, l’un des prochains chantiers à ouvrir pour le gouvernement égyptien sera celui de la réforme de l’État. La centralisation administrative, qui avait prévalu depuis la fin des années 1970, ne semble plus adaptée ni à la situation économique – l’État manque de moyens – ni aux exigences de la population égyptienne en termes de démocratisation. Sachant que la précédente tentative de décentralisation – amorcée sous la présidence de Anouar el-Sadate – avait rapidement échoué après quelques années d’expérience, on mesure combien cette tâche va s’avérer ardue, tant elle va remettre en cause de nombreuses situations acquises dans l’administration locale.

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