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La CPI aurait dû se montrer plus pragmatique face au rebelle Joseph Kony

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Dans une tribune publiée sur Slate Afrique, l’homme d’affaires français Jean-Yves Ollivier, spécialiste du continent africain, considère que l’intransigeance occidentale de la Cour pénale International (CPI) de La Haye est complice des exactions commises par Joseph Kony en Ouganda.

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Depuis plus d’un an, une campagne de dénonciation contre le seigneur de guerre Joseph Kony et son mouvement de rébellion l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), fait beaucoup de bruit sur Internet. Des millions d’internautes ont vu la vidéo de sensibilisation diffusée par l’association Invisible Children et de nombreuses stars ont également relayé cette opération (Rihanna, Jay-Z, Justin Bieber, Lady Gaga, Taylor Swift, Bono…).

Joseph Kony est tristement connu pour être le leader de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) (composée à 80% d’enfants) en Ouganda, dont le but est d’instaurer une dictature théocratique dans le pays. Ce groupuscule qui se cache dans les zones frontalières, commet depuis 1988 différentes exactions en Ouganda, mais également en République centrafricaine, au Sud Soudan, ou en République démocratique du Congo.

Kony était prêt à faire la paix et à garder ses vaches, si seulement il était à l’abri de poursuites

Pourtant, à en croire Jean-Yves Ollivier, ces massacres auraient pu connaitre une fin en 2006, si la Cour pénale internationale avait fait preuve de pragmatisme.

Celui qui travaille avec les gouvernements africains depuis plusieurs décennies (notamment en Afrique du Sud et Australe) explique dans cette tribune comment le président Ougandais, Yoweri Museveni, l’avait chargé, dès 2006, en compagnie du président mozambicain Joaquim Chissano, de négocier avec Kony, afin que ce dernier mette un terme à son mouvement.

« Pour Museveni, au regard des près de deux millions d’Ougandais chassés de leur foyer, dont plus de 60 000 enfants kidnappés et enrôlés de force comme enfants soldats ou esclaves sexuels, la paix n’avait plus de prix. Aussi demanda-t-il à un ancien chef d’État éminemment respecté, le Mozambicain Joaquim Chissano, de bien vouloir entreprendre une médiation délicate et périlleuse. Chissano accepta et, en ma compagnie, rencontra le leader de la LRA, Joseph Kony, dans l’extrême-sud du Soudan, non loin de la frontière ougandaise », raconte ainsi Jean-Yves Ollivier, avant de décrire la surprenante rencontre et la réaction, non moins surprenante, de Kony :

« Au terme de longs pourparlers, Chissano obtint de Kony l’arrêt de sa croisade politico-religieuse et son départ à la retraite, tranquillement dans un village, en échange de 2500 têtes de bétail et de trois maisonnettes, pour lui et ses deux épouses. Je ne l’aurais pas cru, moi-même, si je n’avais pas été là ! Kony était prêt à faire la paix et à garder ses vaches, si seulement il était à l’abri de poursuites. Inutile de dire que le président Museveni y consentit sans hésitation. »

La Cour pénale internationale, encore une fois contreproductive

Pourtant, ces négociations si bien entamées ont rapidement rencontré un mur de technocratie en la personne du procureur de la CPI à La Haye, Luis Moreno-Ocampo, trop loin pour comprendre le besoin de paix des populations locales mais pas pour distiller ses belles leçons…

« Hélas, bien que Chissano se déplaçât en personne à La Haye pour négocier avec la Cour pénale internationale, le procureur de la CPI d’alors, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, refusa net au nom du sacro-saint principe de « l’impunité« . Quitte à punir des dizaines de milliers de civils, non seulement en Ouganda, mais aussi au Congo-Kinshasa et en République centrafricaine qui, depuis, ont été suppliciés par la LRA, une armée de desperados plus cruelle que jamais pour n’avoir plus rien à perdre. Bref, en fermant la porte de sortie à Kony, la CPI a ouvert à un cortège d’innocents un boulevard de souffrances », conclut un Jean-Yves Ollivier désabusé.

À la lecture de cette histoire, on comprend sa frustration et ses inquiétudes quant à la CPI, qui s’avère souvent contreproductive.

 

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