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Égypte: deux ans après, les figures de la révolution plus que jamais divisées

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Quinze idéalistes sous une tente verte

C’était une tente Coleman (le modèle « Montana »), et sa couleur émeraude se détachait sur le labyrinthe hétéroclite des bâches en plastique clair et des bâches en toile ternes que des centaines de milliers de manifestants avaient mises en place sur la place Tahrir au Caire, créant une véritable ville tentaculaire.

Les quinze personnes qui utilisaient cette tente pour huit comme base se surnommaient la « Coalition de la jeunesse révolutionnaire ». Après ces dix-huit jours décisifs de manifestations appelant à la démission du président égyptien Hosni Moubarak, après trente ans de règne brutal et corrompu, ces jeunes leaders étaient recherchés par les médias du monde entier et ont parlé au nom des milliers de voix de la place Tahrir.

Union et désunion

Ils croyaient vraiment à la révolution, et ils ont changé le cours de l’Histoire le 11 février 2011, la nuit où Moubarak a démissionné. Ils étaient unis sous la tente. Ou, du moins, ils pensaient qu’ils l’étaient.

Ils n’avaient aucune idée de la manière dont ils seraient, plus tard, profondément divisés. La révolution se scinde maintenant entre religieux et laïcs, et le fossé se creuse entre la majorité islamiste des Frères musulmans et les partis salafistes d’un côté, et l’opposition, moins nombreuse et plus fragmentée, des socialistes du Front de salut national, des militants syndicaux et d’autres factions soutenant une démocratie plus laïque de l’autre côté.

GroundTruth a retrouvé ces jeunes la semaine dernière, pour savoir où en était la « révolution » deux ans après, et savoir si leur espoir de fonder une nouvelle Égypte s’était concrétisé. Nous les avons trouvés non seulement divisés politiquement, mais certains ne souhaitaient même plus se parler.

De l’idéalisme à la frustration

La frustration a remplacé l’idéalisme quand il est devenu clair que la vision d’une nouvelle démocratie sous un gouvernement islamiste était incompatible ; beaucoup avaient cru pouvoir transformer le pays en une démocratie représentative avec des droits égaux pour tous. Mais la violence dans les rues touche désormais les deux forces – religieuses et laïques – qui s’affrontent.

En fin de compte, la révolution s’est effondrée, laissant place à des partis politiques fragmentés, des idéologies éclatées et une vague de désillusion et de regrets parmi ces jeunes, car ils n’ont pas su saisir un moment historique pour leur pays.

La violence entre religieux et laïcs a transformé l’Égypte post-Moubarak

Il en résulte une scène confuse de violents combats de rues entre des manifestants laïcs lançant des cocktails Molotov sur le palais présidentiel pendant que les islamistes, qui se sentent insultés, s’en prennent à eux physiquement avec des pierres et des bâtons. Pendant ce temps, les forces de sécurité du gouvernement restent les bras croisés, ou bien réagissent de manière excessive avec une répression tout aussi brutale. Les deux semaines marquant l’anniversaire de la « révolution du 25 janvier » ont fait plus de cinquante morts.

« Cette violence a transformé l’Égypte post-Moubarak », note Ziad Akl, chercheur au Centre Al-Ahram d’études politiques et stratégiques, un think tank du Caire.

« La rue a changé. Les manifestations que nous voyons aujourd’hui ne sont pas celles que nous avions en 2011. Il y a un noyau dur au cœur de ces manifestations. Et puis il y a les islamistes qui sont descendus dans la rue pour défendre le gouvernement. Le fait est que la religion a pris de l’importance. L’Égypte a toujours été conservatrice concernant la religion, mais il n’y a jamais eu une telle exposition publique de – et un vrai combat sur ​​- ce rôle de la religion dans la vie publique. Nous empruntons un chemin sur lequel nous ne nous étions jusque-là jamais aventurés », ajoute Ziad Akl.

Qu’est-il arrivé à la « tente verte » et à l’esprit d’unité qu’elle représentait ?

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GlobalPost / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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