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Le conflit israélo-palestinien, grand perdant des Oscars…

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Dimanche 24 février, c’est le documentaire « Sugar Man », film sur le chanteur de folk américain Sixto Rodiguez, qui a remporté l’Oscar du meilleur film documentaire. Parmi les films en lice pour les Oscars dans cette catégorie, ce n’était pas un, mais deux documentaires réalisés ou co-réalisés par des Israéliens qui figuraient dans la liste des nominés. Mais loin d’être célébrés par les autorités israéliennes, les deux documentaires donnaient plutôt du fil à retordre au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.

Deux documentaires sur l’occupation israélienne

Israel Confidential (The Gatekeepers en anglais), production brillante et accomplie, inclut l’un des membres du cabinet de Netanyahou dans son casting. Avi Dichter, actuel ministre de la Sécurité intérieure, est l’un des six anciens patrons des services de renseignements israéliens, le Shin Beth (l’équivalent du FBI américain), qui ont accepté d’être interviewés par le réalisateur Dror Moreh au sujet de l’occupation israélienne à Gaza et en Cisjordanie, territoires gagnés par Israël après avoir remporté la guerre des Six jours en 1967.

Le second documentaire, Cinq caméras brisées, aborde le même sujet, sous un autre angle. Emad Burnat, un oléiculteur de la ville de Bil’in en Cisjordanie, a acheté sa première caméra pour filmer la naissance de son quatrième fils, Djibril. Un jour, des enquêteurs viennent prendre les mesures de ses terres, dont une partie a été saisie par le gouvernement israélien en vertu des lois d’expropriation, afin de construire un mur de sécurité entre Israël et les Territoires palestiniens, et tenir les terroristes à distance.

Cinq caméras et un mur de séparation

Emad Burnat a filmé pendant près de cinq ans les crises et les protestations qui ont suivi cette décision ; à ce jour, Bil’in est le théâtre d’affrontements hebdomadaires entre responsables de la sécurité israélienne et militants pacifistes israéliens et palestiniens. Le documentaire a été entièrement tourné par des petites caméras portatives numériques ; une par une, les caméras d’Emad se brisent lors des affrontements et des altercations, réveillant son esprit et son engagement dans l’activisme. Son documentaire a été comparé au meilleur du « cinéma-vérité » italien.

Emad Burnat est le premier Palestinien à être nominé pour un Oscar. Son co-directeur israélien, Guy Davidi, qui a écrit le film, a obtenu un financement auprès de fondations israéliennes et internationales.

Les nominations aux Oscars sont « un certificat d’honneur pour le cinéma israélien »

Quand les nominations aux Oscars ont été annoncées, les Israéliens ont expliqué les histoires entrelacées exposées par ces deux films et ce qu’elles représentent, dans un mélange de fierté et d’amertume.

« Le fait que le film soit nominé et présent à la cérémonie des Oscars aux Etats-Unis est un certificat d’honneur pour le cinéma israélien, pour le film lui-même et pour tous ceux qui ont travaillé là-dessus », a déclaré Dror Moreh, réalisateur d’Israel Confidential.

« Israel Confidential » : au cœur des services de renseignements israéliens

Israel Confidential est un tour de force journalistique. Dror Moreh, le réalisateur, a réussi un exploit sans précédent en obtenant des interviews avec chacun des anciens directeurs vivants du Shin Beth, qui révèlent tous une opinion étonnamment unanime sur la futilité de l’occupation par Israël des Territoires palestiniens. « Nous gagnons chaque bataille et pourtant nous perdons la guerre », dit l’un d’entre eux.

Un autre aspect révélé par le film, c’est que l’extrême droite israélienne est plus dangereuse pour l’avenir de l’Etat d’Israël que n’importe quelle menace arabe.

« Je pense qu’il y a quelque chose de poétique – si l’on peut qualifier de « poétique » un documentaire –, dans le fait que les seules personnes interrogées du film soient six anciens directeurs du Shin Beth, et que chacun d’eux indique clairement que l’occupation doit cesser », a déclaré Dror Moreh. « Ils savent que ce n’est pas une mission facile, et que le partenaire palestinien n’est pas commode, mais ils pensent tous que cela devrait être l’intérêt n°1 d’Israël ».

Benjamin Netanyahou en ligne de mire

Un passage du film, qui analyse les extrémistes juifs religieux et radicaux, montre des vidéos datant de 1994 et 1995 à vous retourner l’estomac, dans lesquelles des militants d’extrême droite appellent à assassiner le Premier ministre d’alors, Yitzhak Rabin. Dans certaines de ces vidéos, le leader de l’opposition – qui n’était autre que Benjamin Netanyahou – apparaît en train d’applaudir d’un balcon. Dans les cinémas israéliens, le silence est pesant pendant ces scènes.

Dans une série d’interviews données après la sortie du film le mois dernier, Dror Moreh a accusé Benjamin Netanyahou de complicité dans l’assassinat de Yitzhak Rabin en 1995.

« Yigal Amir, l’assassin, est en prison, mais je pense que la plupart des auteurs de l’assassinat, des gens qui l’ont envoyé, les rabbins d’extrême droite, ces politiciens qui étaient là aussi, sont autant à blâmer que celui qui a appuyé sur la gâchette », a déclaré Dror Moreh sur CNN.

Selon son porte-parole, Benjamin Netanyahou n’a pas vu le film.

Un miroir de la société israélienne

Dans une interview accordée à GlobalPost/JOL Press, Dror Moreh a dit qu’il ne s’intéressait pas du tout à Benjamin Netanyahou quand il a fait ce film. « Il ne m’a jamais vraiment intéressé. C’est juste un politicien qui, je l’espère, va disparaître rapidement. J’ai fait le film pour créer une image-miroir de la société israélienne, pour regarder profondément la société israélienne d’aujourd’hui, la question de la guerre et du conflit israélo-palestinien, et ce que cela continue de faire pour notre société ».

La nomination des deux documentaires sur la question israélo-palestinienne à la cérémonie des Oscars a connu un début chaotique quand Emad Burnat, le réalisateur palestinien de Cinq caméras brisées, a été détenu brièvement pour un interrogatoire à l’aéroport de Los Angeles lors de l’atterrissage.

Interviewé par Current TV, Emad Burnat a déclaré que l’expérience lui rappelait son pays – dans ce qu’il y a de pire. « Ce qui m’est arrivé à l’aéroport de Los Angeles me rappelle où je vis et d’où je viens, parce que je reçois ce même traitement dans mon pays [de la part de] l’armée israélienne », a-t-il expliqué.

GlobalPost / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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