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Le Printemps bahreïni étouffé par la communauté internationale

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Ils sont souvent oubliés, les Bahreïnis, dans le tumulte des révolutions arabes. Et pourtant, en ce vendredi 15 février, ils fêtent le deuxième anniversaire de leur révolution.

La monarchie bahreïnie est protégée par l’Occident

« Ils » sont en fait la grande majorité chiite du pays qui, il y a donc deux ans, un mois avant que les Syriens ne descendent dans la rue et trois jours avant que les Libyens ne commencent à leur tour leur soulèvement, ont tenté de se révolter contre la monarchie sunnite au pouvoir.

Sans succès, deux ans plus tard, l’affaire est toujours étouffée, la monarchie sunnite bien en place et protégée par de fidèles et puissants alliés, à commencer par l’Arabie Saoudite et les Occidentaux.

Au moins 80 morts depuis deux ans

Jeudi 14 février, ils sont redescendus dans la rue, pour célébrer cet anniversaire et rappeler leur existence au bon souvenir du régime en place. Les affrontements ont fait au moins deux morts, un policier et un jeune manifestant de 16 ans.

Descendus à l’appel du radical Collectif du 14 février, les Bahreïnis ne se découragent pas et ont été appelés de nouveau le lendemain pour poursuivre cette révolution qui aurait, selon les ONG, déjà fait 80 morts.

Le gouvernement manipule la minorité sunnite

Parmi le 1,2 million d’habitants de Bahreïn, 70 % des musulmans (qui représentent plus de 80% de la population totale) sont chiites, et 30% sont sunnites. La famille régnante du roi Hamad bin Isa Al-Khalifa est sunnite, mais depuis de nombreuses années, les deux groupes coexistent.

Mais cela a commencé à changer en février 2011 quand, inspirés par les révoltes du printemps arabe, des dizaines de milliers de Bahreïnis ont envahi les rues. Au début, chiites et sunnites faisaient partie de l’opposition, unis dans leurs revendications pour une réforme démocratique. Mais alors que le conflit se prolongeait, les différences confessionnelles ont pris le dessus.

La majorité chiite au pouvoir y a immédiatement vu une manipulation du gouvernement qui aurait réussi à convaincre les sunnites de l’ambition cachée du soulèvement chiite : faire tomber le régime et instaurer une république chiite, à l’image de l’Iran.

L’Arabie Saoudite envoie 4000 soldats

Et dans la péninsule arabique, l’Iran est véritablement l’ennemi à abattre. C’est cette même peur qui a motivé l’intervention de l’Arabie Saoudite, dès le début du soulèvement, pour agir sur le territoire.

Car si une république chiite, amie de l’Iran, s’installait dans le Golfe, celle-ci pourrait représenter un réel danger pour le régime saoudien qui contient, lui aussi, une minorité chiite.

C’est ainsi qu’au début de la révolte, le 14 mars 2011, environ 4000 soldats, saoudiens pour la plupart, ont été déployés sur le territoire bahreïni avec le soutien des Occidentaux, afin de venir à la rescousse du régime du roi Hamad Ben Issa al-Khalifa et mettre un terme au soulèvement qui occupait une place centrale de Manama, la capitale.

Du danger des chiites trop amis des Iraniens

Le gouvernement sunnite du Bahreïn estime que ses craintes sont fondées. « Un grand nombre d’entre eux veulent aujourd’hui suivre le système en cours en Iran, » estimait le porte-parole du gouvernement, et cousin du roi, Abdul Aziz Al-Khalifa, en décembre dernier.

« Ils ont voulu créer une république islamique dans le passé. Je pense que sous les apparences, il y en a beaucoup plus qui croient en cette forme de gouvernement, » ajoutait-il en référence au groupe d’opposition Al Wefaq, qui a construit des liens avec l’Iran en s’inspirant notamment de la révolution de 1979 contre le Shah.

Pourtant, les chiites de Bahreïn défendent l’opposition syrienne

Côté chiite, on se défend de cette interprétation. Ali Salman, secrétaire général d’Al Wefaq, estime au contraire que le régime iranien n’est en aucun cas un modèle pour les chiites de Bahreïn.

« Je pense qu’il devrait y avoir plus de liberté en Iran, » estimait-il récemment, ajoutant que les dirigeants d’Al Wefaq soutiennent également le soulèvement populaire contre le régime de Bachar al-Assad, en Syrie, position qui les place en contradiction avec le point de vue défendu par l’Iran.

« Le peuple veut la chute du régime »

Malgré tout, le régime reste aujourd’hui sourd aux volontés démocratiques de la majorité chiite du pays, largement sous représentée au Parlement en raison d’un découpage électoral qui leur est défavorable. Ainsi, lors des dernières élections législatives, Al Wefaq, malgré un score de 64% au niveau national, n’a obtenu que 16 sièges sur les 40 éligibles au Parlement.

Et puisque le régime semble sourd, malgré quelques appels au dialogue national, l’opposition entend aujourd’hui protester plus fort.

« Le peuple veut la chute du régime, » crient désormais les opposants venus de tous les villages chiites du pays. 

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