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M. Shafiq: «Il n’y a qu’une seule loi au Royaume-Uni, la loi britannique»

[image:1,l] La Ramadhan Foundation a été créée afin d’encourager l’intégration des communautés musulmanes au sein de la société britannique par l’éducation et le lien social. Son objectif est d’encourager à la création de structures d’accueil et d’échanges pour préparer les futures générations de musulmans à vivre pleinement leur double statut de musulmans pratiquants et de sujets britanniques. Mohamed Shafiq, son fondateur, est devenu une figure médiatique de premier plan.

JOL Press : L’affaire des « Muslim patrols », ces patrouilles conduites par de jeunes musulmans notamment dans l’East end londonien, c’est un phénomène qui vous inquiète ?

Mohammed Shafiq : Avant tout, je tiens à dire qu’il s’agit d’un phénomène ultra-minoritaire. On recense environ trois millions de musulmans au Royaume-Uni et ces actes sont le fait d’une poignée d’entre eux. Une infime minorité.

La majorité des musulmans du Royaume-Uni condamnent sans la moindre hésitation de telles actions. Nous vivons au Royaume-Uni et respectons les lois du Royaume-Uni, les seules qui nous régissent. Aucune exception n’est tolérable.

JOL Press : Constatez-vous une radicalisation d’une frange de la jeunesse musulmane au Royaume-Uni ?

Mohammed Shafiq : La menace que constituent l’extrémisme, le fanatisme et, au-delà, le terrorisme, est un combat que nous menons depuis plus de dix ans – en particulier, depuis les attentats du 11-Septembre.

La menace existe et nous ne devons pas nous voiler la face. Au sein des communautés musulmanes – et de la part de ses représentants -, on observe une réelle implication et une véritable détermination à agir ou, plutôt, à ne pas laisser faire tous ceux qui pourraient prétendre le contraire.

JOL Press : Comme, par exemple, le groupe auquel prétendent appartenir ces « vigilantes »…

Mohammed Shafiq : Par exemple. Les jeunes gens interpellés se revendiquent d’un mouvement baptisé « Islam for UK ». Ses membres propagent une haine profonde de l’Occident et de ses modes de vie. Ce groupe a été interdit par les autorités britanniques.

JOL Press : La communauté musulmane se fait-elle suffisamment entendre, dénonce-t-elle avec assez de virulence ces comportements ?

Mohammed Shafiq : Nous ne devons assez de nous confronter à cette question. Nous devons nous exprimer, affirmer haut et fort que nous dénonçons de tels comportements. Notre message doit s’adresser à l’ensemble de l’opinion publique britannique mais aussi, de manière plus spécifique, aux membres de nos communautés.

Ainsi, lors de leur sermon du vendredi, les imams dans nos mosquées se sont exprimés fortement, sans la moindre complaisance. Je me répète : il n’y a qu’une seule loi au Royaume-Uni, la loi du Royaume-Uni.

JOL Press : Craignez-vous que de tels événements – même localisés et marginaux – ne viennent encourager l’islamophobie ?

Mohammed Shafiq : Oui, cela sert l’islamophobie, bien sûr. Lorsque les Britanniques voient de telles images à la télévision, par exemple, ils se demandent si tous les musulmans soutiennent de tels agissements. L’amalgame est facile.

Dans certains milieux – intellectuels mais aussi populaires -, l’islamophobie est devenue une tendance à la mode. C’est « fashionable ». D’ailleurs, l’islamophobie verbale s’est traduite par des violences contre des femmes musulmanes et des mosquées ont été la cible d’attaques.

JOL Press : Qu’est-ce qui explique cette montée du sentiment islamophobe ?

Mohammed Shafiq : Les raisons sont multiples et certaines ne sont pas propres au Royaume-Uni. Ceci dit, plus spécifiquement, il est certain que la déconnexion croissante de la classe politique par rapport aux préoccupations de la population, le contexte économique dégradé expliquent pour partie la montée des extrémismes.

JOL Press : La communauté musulmane est-elle suffisamment impliquée dans le débat national ?

Mohammed Shafiq : Il y a à Westminster sept musulmans membres du Parlement. À travers le pays, des milliers de musulmans sont élus localement. Mais, la classe dirigeante doit davantage prendre en considération les attentes des musulmans du Royaume-Uni.

JOL Press : Le risque, c’est le développement de formes de ghettoïsation, le repli sur soi… Ce n’est pas trop tard ?

Mohammed Shafiq : Au Royaume-Uni, et à Londres en particulier, nous vivons dans des communautés mélangées, multiethniques, multiconfessionnelles. C’est une réalité.

Lorsqu’il se passe des choses regrettables – telles que ces « Muslim patrols » – les musulmans doivent réagir et c’est ce que nous faisons.  

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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