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Avoir 20 ans en Palestine

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A l’heure où le processus de paix israélo-palestinien tente de retrouver le chemin du dialogue, alors que le président Barack Obama est en visite en Israël et en Cisjordanie, il semble pourtant que la résolution de ce conflit interminable n’ait jamais été aussi éloignée.

Feda a 22 ans et vit à Biddou, un village situé près de Jérusalem. Engagée au sein de l’Union de la jeunesse palestinienne, elle travaille également au Forum Sharek de la jeunesse, à Ramallah.

Selon elle, les relations entre Israël et la Palestine ne peuvent aujourd’hui que se détériorer, tant la jeunesse palestinienne n’est plus prête à aucun sacrifice ni compromis.

Vous avez toujours vécu au cœur de la guerre. Quelle idée vous faites-vous d’un pays en paix ?

La paix.

Un pays en paix est un pays dans lequel on peut vivre sans crainte, où l’on peut s’endormir sans inquiétude ni se réveiller en pleine nuit à cause de l’explosion d’une bombe.

La paix, c’est sans doute aussi de pouvoir se rendre au bord de la mer sans avoir à demander une permission plusieurs mois avant, une permission que l’on n’est pas forcément sûr de se voir accorder.

La paix c’est aussi d’avoir le droit à la justice, sans ne faire qu’en rêver ou avoir à se battre pour elle.

La paix c’est aussi, pour une mère qui vient de donner naissance, de ne pas aller présenter son enfant à son mari en prison, simplement parce qu’il est allé travailler dans un « territoire interdit ».

Quelle est votre opinion sur l’avancée du processus de paix entre Israël et la Palestine ?

Notre président parle peut-être beaucoup de paix, mais ce n’est pas le discours de la rue palestinienne.

Le langage de la rue, nous le voyons tous les vendredis lors des manifestations en faveur de la libération de Shamer Al-Esawy (Un palestinien, prisonnier en Israël qui mène une grève de la faim intermittente depuis plus de 230 jours, ndlr).

Définitivement, je ne vois aucun chemin pour la paix en ce moment.

Pensez-vous connaître un jour cette paix ?

De mon point de vue, je ne peux pas visualiser la paix entre la Palestine et Israël.

Pensez-vous que si quelqu’un tuait votre fils, prenait votre maison, vous renonceriez à tout et vivriez avec lui sans vous battre ?

Il y a une phrase que nous répétons souvent : « Ce qui a été pris par la force ne peut être repris que par la force. »

Selon vous, quels sont les principaux facteurs qui empêchent les négociations d’aboutir ?

Israël ne sait pas tenir ses promesses et de notre côté, nous sommes sans arrêt forcés de faire des concessions. Cette situation ne fait qu’empirer, d’autant que dans ce monde, aucun pays ne peut mettre Israël devant ses responsabilités ni devant la justice.

Quel rôle pourrait jouer la jeunesse palestinienne dans ce processus de paix ?

Les jeunes ont un grand rôle à jouer dans ce processus mais si et seulement s’ils sont d’accord avec la paix. Car de nombreux jeunes Palestiniens ont une mentalité largement différente de celle de leurs parents. Ils sont nombreux à penser que la paix et impossible, et qu’aujourd’hui, il faut juste se battre pour notre terre.

Pensez-vous que les jeunes, palestiniens comme israéliens, pourraient se rejoindre et entretenir des relations, à l’inverse de leurs parents ?

Non parce que ce qui se passe dans la rue aujourd’hui est à l’exact opposé de cette idée. Ces relations vont même se détériorer car, aujourd’hui, aucun Palestinien n’accepte de baisser les bras.

Etre une femme en Palestine, est-ce facile ?

La Palestine est peut-être un pays arabe qui a ses traditions à ce niveau mais notre situation de pays sous occupation et l’absence de nos maris font que les femmes sont déjà des dirigeantes dans leur propre maison. Les Palestiniennes sont des femmes beaucoup plus fortes que la moyenne et de mon côté, pourquoi pas devenir un jour une femme dirigeante en Palestine.

Pourriez, un jour, tomber amoureuse d’un Israélien ?

C’est difficile parce qu’aucune famille palestinienne ne peut s’attendre à ce genre de cas. Une fille qui tombe amoureuse d’un Israélien devrait déjà quitter l’islam.

Etudier en Palestine, est-ce facile ?

C’est très difficile d’étudier en Palestine et pour plusieurs raisons. Il y a déjà la question financière : il faut beaucoup d’argent et la majorité des Palestiniens ne peuvent dépenser autant. Il y a ensuite les nombreux checkpoints qui nous empêchent de nous déplacer autant que nous le voudrions, ni où nous le voudrions sans être harcelés sans arrêt.

La vie étudiante a également ses enjeux politiques et si un étudiant est trop actif, il peut s’attendre à faire de nombreux passages en prison.

Trouver un travail en Palestine, est-ce facile ?

Puisque nous ne sommes pas un pays productif, nous n’avons pas assez de travail pour tous les Palestiniens qui vont donc travailler en Israël. Ils sont alors employés sur des chantiers de construction, même s’ils ont derrière eux plusieurs années d’études supérieures.

Quelles sont vos plus grandes peurs pour l’avenir ?

La migration des Palestiniens. J’ai aussi peur de devoir faire encore plus de concessions et de devoir toujours négocier avec Israël.

Le peuple palestinien ne restera pas encore longtemps dans le coma si nous ne recevons rien de la part d’Israël.

Quels sont vos plus grands espoirs ?

Vivre dans une Palestine libre. Mais pas selon le tracé de 1976. Toute la Palestine.

Qui sont vos héros ?

Yasser Arafat et le docteur Khaled Odet-Allah, analyste sociologique et social (il est également un militant pro-palestinien, ndlr)

Quelle idée vous faites-vous de la France ?

La France.

Un pays européen.

Elle soutient la Palestine et nous a aidés lorsque notre président Yasser Arafat était malade.

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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