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Égypte: les Frères musulmans et le casse-tête du statut d’ONG

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Les Frères musulmans sont de ces organisations qui intriguent. La confrérie islamiste est observée, scrutée, leurs actions attisent la curiosité des médias et leurs projets restent toujours à la frontière du domaine de l’inconnu.

La fulgurante remontée des Frères musulmans

Assez discrets, les Frères musulmans sont revenus sur le devant de la scène depuis le Printemps arabe qui les a propulsés hors de leur anonymat forcé en Egypte, leur terre de naissance.

Acteurs de la révolution et de la chute du président Moubarak, la confrérie a, depuis, vengé ces années de l’ombre en menant une campagne politique de grande ampleur, gagnant la sympathie des Egyptiens qui les ont placés aux plus hauts postes de la vie politique égyptienne. A l’hiver 2011, au terme d’une campagne législative de plusieurs mois, ils briguaient sans surprise la moitié de l’Assemblée nationale. Quelques mois plus tard, en juin 2012, un haut dirigeant de la Confrérie, Mohamed Morsi, devenait le premier président de l’Egypte démocratique et postrévolutionnaire.

Vers l’unification du monde musulman

Le chemin a été long, mais victorieux pour ces Frères en l’islam. Pourtant, ce chemin n’est pas terminé. En témoigne la politique menée par le président égyptien depuis son arrivée tumultueuse au pouvoir.

L’Egypte n’est pas le seul objectif de cette organisation panislamiste qui, depuis les premières années de sa création, cherche à faire du monde musulman un seul et même califat réuni sous une seule autorité.

Pour parvenir à cette fin, de nombreuses étapes seront nécessaires, et entre temps, l’organisation panislamique sera devenue une ONG.

Quelques critères

Selon une annonce de la ministre égyptienne des Assurances sociales, jeudi 21 mars, la confrérie des Frères musulmans a obtenu la reconnaissance de l’Etat à titre d’organisation non-gouvernementale.

Alors que la confrérie est actuellement au cœur d’un recours devant la Cour administrative suprême qui étudie leur dissolution, les Frères musulmans sont officiellement devenus une ONG immatriculée sous le numéro 644 de l’année 2013.

Par ce statut, l’Etat reconnaît que les Frères musulmans sont une organisation à but non lucratif, d’origine privée, reconnue d’utilité publique, indépendante financièrement et politiquement.

Toutefois, si la confrérie est éligible à certains critères, d’autres demeurent cependant un grand mystère pour les observateurs de l’Egypte.

En effet, si les Frères musulmans sont bien d’origine privée – ils ont été créés en 1928 à l’initiative d’un simple citoyen égyptien, Hassan el-Banna – s’ils peuvent théoriquement être reconnus d’utilité publique – la confrérie a toujours mené de grandes campagnes caritatives pour s’assurer du soutien d’un auditoire toujours plus grand – deux critères restent cependant en suspens.

Quand les Frères musulmans accaparent la politique égyptienne

Le terme « organisation non gouvernementale » implique une indépendance totale du monde politique. Or, en Egypte, comme ailleurs où les Frères musulmans se sont implantés, la confrérie est composée de diverses branches, aux noms différents, et jouant sur plusieurs tableaux.

En Egypte, la branche politique des Frères, réunis sous la bannière du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ) mène une action politique, et pas des moins discrètes depuis la révolution. C’est sous cette bannière qu’ont été élus la moitié des députés de l’Assemblée nationale. Ce sont les membres de ce parti qui ont constitué la quasi-totalité des membres de l’assemblée constituante qui a achevé ses travaux en décembre dernier. C’est également sous cette bannière que le président Morsi a été élu à la présidence, alors même que quelques mois auparavant, les Frères musulmans affirmaient ne pas vouloir présenter de candidats pour ne pas briguer tous les pouvoirs et assurer le peuple de leur souci de la séparation et de la démocratie.

Les secrets financements de la confrérie

Quant au financement, la case n’est sans doute pas cochée. En effet, les Frères musulmans, forts aujourd’hui de plusieurs dizaines d’antennes et de relais à travers le monde et constitués de plusieurs centaines de milliers de personnes, sont devenus une entreprise.

Une entreprise « à but non lucratif » mais qui a besoin de financement pour survivre et pour mener leurs coûteuses opérations caritatives.

Depuis toujours, les Frères musulmans sont restés très secrets concernant leurs sources de financement. A leur création, l’Arabie Saoudite a été très généreuse en faveur de la confrérie sunnite. Plus tard, l’Iran du shah a également permis aux Frères de grandir et de s’installer à l’étranger.

La justice a désormais un pouvoir sur les Frères

Aujourd’hui, en tant qu’ONG, les Frères vont devoir ouvrir leurs comptes à l’Etat qui a désormais le droit de vérifier, de surveiller, et de punir les fraudes.

Les investissements étrangers étant interdits, les Frères sont attendus au tournant. Pourtant, ces derniers affirment ne vivre qu’avec les subsides que leur donne les adhésions des 500 000 membres égyptiens ainsi que le fruit de leurs investissements à Dubaï, en Turquie et à Hong Kong.

Une chose est sûre, le pouvoir peut désormais avoir un droit de regard, attendu par la population, sur les Frères. 

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