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Retour sur ce jour où Mohamed Morsi s’est fait «pharaon»

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Pour expliquer le chaos qui règne actuellement en Egypte, il faut se retourner quelques mois en arrière et retrouver le jour où, soudainement, le président égyptien Mohamed Morsi a décidé, par une déclaration constitutionnelle immédiatement décriée, de s’arroger de nombreux pouvoir au mépris, pour les manifestants de la place Tahrir, des idées démocratiques de la révolution.

Monarque absolu

Par cette déclaration, le président Morsi avait permis de placer toutes ses décisions à l’abri d’un recours de la justice, accusée d’être très proche de l’ancien régime. Mohamed Morsi s’était également arrogé tous les pouvoirs, de manière provisoire, en attendant le vote de la constitution du pays et de nouvelles élections législatives. La mobilisation de l’opposition avait été telle que le président Morsi avait été forcé, quelques semaines plus tard, d’abroger ce décret. Depuis, l’adoption en force de la nouvelle constitution égyptienne, a remis de l’huile sur le feu en Egypte et a plongé le pays dans une nouvelle crise.

Mohamed Basal est reporter pour le journal al-Shorouk. Dans un article paru au début du mois et, depuis, repris par de nombreux bloggeurs égyptiens, ce journaliste revient sur l’évènement du 22 novembre dernier, qualifié de « coup d’Etat » par tous les opposants du président en place.

Toute la lumière sur le décret du président Morsi

Issandr el Amrani, dans un billet de blog publié sur The Arabist, rappelle qu’en novembre dernier, cette « déclaration constitutionnelle » avait suscité de nombreuses spéculations « quant aux raisons pour lesquelles cette déclaration a été publiée (immédiatement après un regain de crise à Gaza), qui l’avait planifiée et qui n’avait pas été mise dans la boucle, et bien entendu, quel était son but. »

« Mohamed Basal a enquêté sur ce jour, de l’intérieur, » raconte Issandr el Amrani, « et a tenu à faire toute la lumière sur cet évènement. »

Selon l’article de Mohamed Basal, traduit de l’arabe à l’anglais par Issandr el Amrani, plusieurs points « méticuleusement sourcés et anonymes » permettent d’éclairer les circonstances de ce 22 novembre 2012.

« – Le décret constitutionnel a en grande partie été rédigé par le Comité des affaires juridiques du Parti de la Liberté et de la Justice, après consultation des dirigeants des Frères musulmans, et, en dernier recours, avec l’avis de conseillers présidentiels.

– Des personnalités du monde de la justice n’ont été consultées que beaucoup plus tard et se sont opposées certaines dispositions.

La déclaration constitutionnelle des Frères musulmans

– Le décret était initialement destiné à ramener l’âge de la retraite des juges à 60 ans. Une telle disposition pourrait encore être mise en œuvre plus tard cette année afin de purger un grand nombre de hauts magistrats. Le vice-président a déjà menacé de démissionner à ce sujet.

– Le ministre de la Justice et le vice-président, deux juges, se sont battus contre plusieurs des dispositions. Ils ont également estimé qu’il n’était pas nécessaire – ni légal – de « protéger » l’Assemblée constituante d’une décision de la Cour suprême constitutionnelle.

– Mohamed Morsi et les Frères musulmans étaient convaincus qu’un complot se préparait au sein de la Cour suprême constitutionnelle pour lancer une procédure de destitution contre le président Morsi – bien qu’il n’y ait aucun levier constitutionnel pour agir ainsi.

– La déclaration constitutionnelle était initialement destinée à remplacer le parquet égyptien et assurer l’allongement du délai accordé à l’Assemblée constituante, qui à la fin du mois de novembre, était loin d’avoir terminé son travail. C’est le comité juridique de la branche politique des frères musulmans qui a ajouté d’autres dispositions, soutenues par Mohamed Morsi, notamment concernant la question de la protection de l’Assemblée constituante d’une éventuelle dissolution, ainsi que des nombreux pouvoirs que s’est arrogé le président (destinés à faire face à la menace de troubles causés par l’opposition). »

La plus lourde erreur de Mohamed Morsi

Pour Mohamed Basal, ce décret constitutionnel a été « l’erreur la plus lourde » qu’a commise le président Morsi depuis son élection, le 17 juin dernier.

Cette déclaration a également été un terreau propice au renforcement de l’opposition, qui a vu dans cette déclaration l’avènement au pouvoir d’un nouveau « pharaon ». Depuis l’opposition n’a pas désarmé, tant lorsque la constitution égyptienne a été votée, un mois plus tard, qu’aujourd’hui, alors que la colère des manifestants envers le régime ne se calme pas.

> Lire l’article de Mohamed Basal (traduction en anglais)

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