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Tunisie, Égypte: quand le «Harlem Shake» tourne à la crise diplomatique

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Le ministre de l’Education tunisien juge la danse « indécente »

Quelques semaines après le lancement de ce nouveau tube planétaire, des lycéens tunisiens du lycée Père Blanc, dans le quartier résidentiel d’El-Menzah à Tunis, se sont filmés en train de danser le « Harlem Shake », déguisés, dans la cour de leur lycée.

Le ministre de l’Éducation nationale tunisien Abdellatif Abid, choqué, s’est aussitôt insurgé, ordonnant qu’une enquête soit menée contre la directrice du lycée, qui aurait laissé faire cette pratique jugée scandaleuse. Le ministère a notamment dénoncé « des dépassements du point de vue moral », un « déguisement indécent » et un « habit vestimentaire impudent ». Plusieurs des lycéens présents dans la vidéo sont déguisés en salafistes et en émirs du Golfe, quand d’autres sont simplement vêtus… d’un caleçon.

Les jeunes islamistes s’insurgent contre cet « acte méprisable »

Sur Internet, les réactions ne se sont pas fait attendre. Le Courrier de l’Atlas rapporte ainsi les propos de jeunes islamistes des Jeunesses d’Ennahdha (le parti islamiste au pouvoir), publiés sur Facebook, comme ceux d’Aymen Ben Ammar, activiste connu dans le milieu.

« Je viens de contacter M. Abdellatif Abid, le ministre de l’Education, pour m’entretenir avec lui au sujet de la vidéo qui circule abondamment sur les réseaux sociaux, où l’on peut voir des élèves se dénuder et se prêter à des actes sexuellement suggestifs […]. Suite à notre coordination, des mesures nécessaires et immédiates ont été prises contre le directeur, les surveillants et les élèves qui ont commis cet acte méprisable », écrit-il.

« Harlem Shake » contre salafistes

Le ministre a par ailleurs été sévèrement critiqué sur la blogosphère et les réseaux sociaux, et le site du ministère a même subi un piratage informatique. Partout dans le pays, une série de happenings ont eu lieu, afin de protester contre la décision ministérielle, et contre sa plus grande rapidité à réagir contre le « Harlem Shake » que contre les jeunes jihadistes qui, à plusieurs reprises, « plantaient leurs stands de prédication à la sortie des établissements », rappelle une correspondante à Tunis à Libération.

Les salafistes ont pour leur part régulièrement tenté d’empêcher les différents « Harlem Shake » de protestation survenus dans plusieurs lycées tunisiens. Mercredi 27 février, à l’Institut des langues Bourguiba, de la cité de Khadra, étudiants et salafistes se sont affrontés ; près de 200 jeunes ont crié « Dégage ! Dégage ! » aux dizaines d’islamistes venus les dissuader de mettre en scène cette danse qualifiée de « haram » [« interdite »].

Vendredi 1er mars, à 15 heures, un « Harlem Shake » géant était organisé devant le ministère de l’Education à Tunis. D’autres appels circulent pour un « Harlem Shake » national prévu pour le samedi 2 mars.

En Égypte aussi, le « Harlem Shake » secoue le pouvoir

En Égypte, le succès du buzz planétaire s’est également propagé dans les rues de la capitale. Jeudi 28 février au Caire, près de 70 personnes se sont rassemblées devant le quartier général des Frères musulmans pour se trémousser au son de la musique électronique. Si certains danseurs étaient déguisés en Frères musulmans, d’autres avaient revêtu le costume de Mickey.

La danse s’est déroulée dans le calme, malgré les slogans lancés contre le pouvoir, comme « À bas le guide ! » (en référence au guide suprême des Frères musulmans, le cheickh Mohamed Badie). La semaine dernière, la police égyptienne a annoncé avoir arrêté quatre jeunes qui s’étaient filmés en train de danser le « Harlem Shake » dans un quartier du Caire, en sous-vêtements et en public.

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